
Dans son sens large, l’histoire embrasse tous les faits humains du passé moyennant des preuves matérielles et idéelles. Il englobe tout ce qui appartient au comportement humain, ainsi que les réactions et manifestations de tout genre d’individu dans leur milieu : les faits culturels, sociaux, psychologiques et même psychiques y entrent en jeu. Au cours de sa lutte pour vivre dans un milieu, l’homme s’y adapte pour subvenir à ses besoins quotidiens. Ainsi est née la création de l’histoire en rapport avec les besoins « sensuels » de l’homme, en rapport avec ses « plaisirs intellectuels, politiques et religieux ». C’est dans ce sens que les érudits et les universitaires ont porté leur attention sur la réécriture de l’histoire de Madagascar à laquelle l’historiographie coloniale a pris une large part pour justifier la présence française à Madagascar. Quels sont les indices visibles de la pérennité de l’historiographie coloniale ? Pourquoi maintient-on « l’histoire sélective et tendancielle » exaltant des groupes dominants et vainqueurs ? Tout cela conduit à la réécriture et à la refonte des programmes scolaires destinés aux enfants malgaches. D’après l’historienne-archéologue Noro Andriamanantena, « supprimer l’histoire et la géographie de Madagascar à l’époque coloniale n’avait pour but que de former les élèves à l’esprit français ». Malgré l’histoire soi-disant «malgachisante» des années soixante-dix, différentes visions coloniales restent toujours d’actualité.
Sommes-nous de l’Asie ou du continent noir ? Devant ces lacunes, deux points parmi tant d’autres attirent la contribution des historiens, archéologues et anthropologues : d’abord, l’origine des Malagasy manipulée par l’Administration coloniale et ensuite, le terme « Vazimba » dévalorisé par les missionnaires chrétiens. Missionnaire luthérien norvégien, Lars Dahle, connu pour ses travaux d’ethnologie et de linguistique, fut le premier à poser les fondements de la théorie sur les types humains présents à Madagascar, il posa, en 1883, la question de savoir lequel, du type africain ou du type malayo-polynésien, était arrivé en premier : le peuplement d’une île s’expliquait par le continent voisin et à chaque continent correspond une couleur de peau. Sa formation théologique et ses activités missionnaires l’ont conduit à se pencher sur la Bible : « si les Asiatiques étaient arrivés les premiers, jamais les Africains n’auraient pu venir s’établir à Madagascar, puisque les Asiatiques, plus intelligents et plus belliqueux, les en auraient empêchés ». En outre, Africains ou Asiatiques attirent les débats devant les minorités arabes? Colonisée à 80% par les Français au XXème siècle, l’Afrique, même si elle était l’embryon de la civilisation et de l’Humanité, fut dévalorisée. Les colonisateurs ont voulu intégrer la Grande Île dans le cercle de l’ « Afrique colonisée » en avançant que les Malgaches sont d’origine africaine. « Quant à Ferrand, on rencontre chez lui au moins deux erreurs. Tout d’abord quand, s’en rapportant à la réduction des “Vazimba” à des nains dans les traditions locales, il a cru pouvoir en inférer une immigration de «Négrilles» d’Afrique, parce qu’il n’avait pas saisi que, strictement symbolique, cette “nanification” les assimile tout simplement à des personnes ayant perdu leur ancien rang dans la société », a avancé J.P Domenichini. Si les Français voulaient affirmer la présence bantoue à Madagascar vers le Vème siècle, leur expansion vers l’est, à partir du centre de l’Afrique, ne les a pas conduits jusqu’à la mer. Quant aux Austronésiens d’origine océanienne, ils touchaient Madagascar vers deux milles ans avant notre ère pour le cabotage et le renouvellement des vivres. L’aire austronésienne a déjà maîtrisé l’art de navigation maritime en haute mer, avec le kunlunbo ou bateaux des hommes noirs pour la recherche des condiments, des épices, du commerce de la soie et la pêche maritime.
« Vazimba, un être mystique ». Arrivés à Madagascar, l’environnement naturel leur était familier tel que le bois utilisé à la fabrication des bateaux « vintanina, callophyluminophyllun qui apporte une bonne destinée », l’igname (oviala), le taro (saonjo) et surtout l’accompagnement ou laoka (poisson) dont les habitants des côtes gardent toujours ce nom « lôko » pour désigner les poissons. Même les couleurs dominantes à l’intérieur des lieux de culte traditionnel (doany) sont apportées par ces Austronésiens : le rouge et le blanc. Peuple de la forêt ou Wayamba (Wazimba), les Austronésiens ont occupé, en premier lieu les côtes de Madagascar, surtout les embouchures, favorables aux kunlunbo. Cela explique l’ancienneté des sites archéologiques des côtes malgaches par rapport à ceux des Hautes Terres. Les “Vazimba” des côtes se déplaçaient vers les Hautes Terres pour des raisons sanitaires, fuir le paludisme, et démographiques. Le dialecte de la côte Sud-Ouest en est témoin : le mot « vezo » provient du verbe « ramer, pagayer », « voizo », ce qui reflète l’origine océanienne des Malgaches. Des légendes sur les « Zazavavin-drano », Ampelamananisa, chez les Vezo et l’extension et la persistance de cette vision dans toute l’Île reflète encore l’origine austronésienne des Malgaches. Ce terme « Vazimba », fondement de l’histoire et de l’identité malgache été manipulé par les Missionnaires protestants et les colonisateurs. On y attribue un être hors du commun, un être mystique et parfois même une force maléfique. Ceci étant dans le but d’effacer chez les enfants l’âme malgache. Toutefois, les « Vazimba » sont les premiers habitants de la Grande Île, les premiers propriétaires des embouchures, « hoala, vinany, » avant de devenir propriétaires du sol. Ils étaient des « Andriana », princes d’autrefois qui contrôlaient les « hoala » et ses habitants ou vahoaka, Wa-wak, peuple du canoë. Les résultats en ADN effectués sur plus de 260 individus répartis à Madagascar par Harilanto Razafindrazaka ainsi que ceux du Sud-Est malgache ont démontré la part prépondérante des origines africaines et asiatiques. La présence arabe (Moyen-Orient) n’est pas à négliger mais elle pourrait être minoritaire et n’est pas figurée en ADN. Toutefois, la culture arabe est largement répandue dans la Grande Ile.
Ces Universitaires travaillent ! Devant les résultats en anthropologie physique, l’archéologie ne tarde pas à donner sa contribution, ces Austronésiens ont apporté avec eux leur culture comme le type d’habitation rectangulaire en végétal, les poteries et les outils métalliques. La réécriture de l’histoire et le changement des programmes scolaires liés à l’histoire de Madagascar s’avèrent importants : les ossements de zébus liés aux traces de découpe démontrent que les habitants des côtes ont déjà consommé de la viande de zébu depuis le IXème siècle ; les scories de fer abondent dans les couches archéologiques du Nord de Madagascar, plusieurs siècles avant Andriamanelo.
En somme, les Malgaches habitent un territoire qu’ils ignorent. Les centres ou laboratoires des recherches en archéologie vont être couverts de poussières si aucune mesure n’est prise en compte, il faut soutenir les archéologues, les historiens et les anthropologues pour révéler les témoins historiques endormis au sol.
Recueillis par Iss Heridiny