Edmond Jouve dans son article « L’Europe de l’Atlantique à l’Oural », concept dans lequel la paternité est attribuée au général de Gaulle, apparaît comme étant une des réponses du pourquoi de ce conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie. Cette chronique va s’en inspirer.
Le général de Gaulle, on le connaît, avait une idée particulière de la France et même de l’Europe.
Plus de cinquante ans après sa mort, sa doctrine sur la place de la France dans le monde reste encore vivace tant et si bien que les candidats à la présidentielle française de 2022 se revendiquent, au moins en partie, de ses idées. Cette « certaine idée de la France » dit que l’Hexagone ne doit pas être sous la coupe ni de l’Amérique ni du bloc soviétique et de son idée de l’Europe qui, pour lui, tôt ou tard, ira de l’Atlantique à l’Oural, cette chaîne montagneuse qui sépare la République de Russie des autres Républiques soviétiques peuplées d’Asiatiques.
Avec sa dissuasion nucléaire, l’homme de l’appel du 18 juin peut se soustraire au parapluie américain, en effet. Mais ne nous attarderons pas là-dessus, car notre propos sera focalisé sur le conflit russo-ukrainien, bien qu’on pense faire de même pour l’Europe.
Le général de Gaulle est formel : l’idéologie communiste disparaîtra d’elle-même. Il ne s’agit pas là d’une formule plus ou moins imprécise mais, au contraire, de propos exprimant une conviction profonde, écrit E.Jouve et cite un texte des Mémoires de guerre du général : « Dans le mouvement incessant du monde, toutes les doctrines, toutes les révoltes n’ont qu’un temps. Le communisme passera ». Idée que reprendra et dira l’historienne et académicienne Hélène Carrère d’Encausse. Elle prédit la fin du bloc soviétique parce que les Républiques asiatiques avec leur démographie galopante réduiront le rôle politique de Moscou et ainsi, l’URSS va se désintégrer. Elle sera démentie par l’histoire puisque c’est de sa partie occidentale que sont venus les germes de la dislocation. Il ne s’agit que de la Russie « nation blanche de « Empire européen détenteur d’immenses territoires asiatiques ». Le général de Gaulle semble considérer que les contrées situées à l’est de l’Oural constituent le domaine colonial de l’ancien empire des Tsars. À ce titre, ces régions ont vocation à recouvrer leur indépendance. L’Europe (la grande) favoriserait ainsi l’équilibre entre « deux zones comparables par le nombre et les ressources ». Elle serait alors en mesure de décider du sort du monde. Elle serait à même de résoudre des problèmes aussi vitaux que celui « de la misère de deux milliards d’hommes des pays sous-développés ».Toujours est-il qu’en plus avec l’importance grandissante de la Chine, Poutine semble admettre que la Russie sera coincée entre des territoires « anciennes colonies » peuplées d’Asiatiques et donc de tendance chinoise et une Europe sous domination américaine si l’Ukraine venait à rejoindre l’OTAN. D’où l’importance de l’Ukraine et sa nécessaire annexion.
L’opinion a beau diaboliser Poutine, mais les dirigeants européens, à défaut de l’approuver dans son opération militaire, sont compréhensifs à son égard. Et les hésitations de l’Allemagne et de la France sur les sanctions (vs swift) reflètent bien leur besoin de dialoguer avec Poutine malgré la pression des USA, parce que leurs convictions se ressemblent. Détruire le duopole des USA-URSS pour faire place au triangle USA-Europe-Chine. L’axe Moscou-Paris-Londres, selon toujours De Gaulle. Ce qui expliquerait peut-être le soutien timide de la Chine à Poutine.
Peut-être sommes-nous encore influencés par notre culture (films et romans d’espionnage) en voyant en Poutine le KGB glacial et carnassier, mais sûrement que l’homme à l’instar des grands chefs d’État a sûrement une vision non courte de la politique.
*« L’Europe de l’Atlantique à l’Oural » Edmond JOUVE Espoir n°18, 1977
** « L’Empire éclaté » Hélène Carrère d’Encausse.
M.Ranarivao