29 mars 47, devoir de mémoire pour le sang versé
Pour que la commémoration du 29 mars ne devienne pas seulement une journée chômée et fériée comme tant d’autres évènements, pour qu’elle ne soit pas réduite aux rituels de dépôts de gerbes de fleurs et à la fausse fermeture des débits de boissons alcoolisées, il convient peut-être de réellement la réactiver. Pour que cette journée soit une vraie l’illustration du devoir de mémoire que nous devons livrer à la postérité.
D’abord, insurrection ou évènement de 1947 ? Les deux termes ont des significations différentes selon ceux qui les formulent « … la distinction n’est pas seulement de pure forme… Les enquêtes que j’ai faites m’ont apporté la conviction que l’emploi de l’une ou l’autre expression dans la bouche de tel ou tel était symptomatique de la manière dont il s’était situé pendant la période considérée », dixit Jacques Tronchon dans son livre « L’insurrection malgache de 1947 »… et il continue « ce sont généralement ceux qui, parmi les Malgaches, ne se sont pas révoltés mais ont subi de près ou de loin la répression coloniale qui parlent des évènements de 1947 , ou encore des « troubles » (tabataba). Formules vagues utilisées aussi par les Français qui n’ont pas été concernés directement par l’insurrection; les autres parlent plutôt de la rébellion.Quant aux anciens insurgés,ils utilisent un vocabulaire et évoquent des faits qui ont trait spécifiquement à l’insurrection (présentée comme la guerre ». Question: Qu’est-ce qu’on célèbre demain ? 75e anniversaire du 29 mars 1947 ? Cette appellation (neutre!) officielle localise dans l’échiquier la place de l’État. Cela peut paraître anodin, mais éloquent sur leur perception de l’histoire.
Puis, cette commémoration en se focalisant seulement sur la journée du 29 mars, occulte d’une part, le contexte historique. Il y a un semblant de déni de l’occupation anglaise de l’île qui, bien que brève (du 05 mai au 06 novembre 1942), a révélé à la population les faiblesses de l’occupant.
Cette occupation a en effet encouragé , d’autre part, la création et les actions des sociétés secrètes Jiny et PA.NA.MA qui ne sont pas étrangères à ce qui se passa en 1947.
Et, on laisse entendre que cette insurrection a été le fruit du MDRM uniquement, or la réalité est autre puisque même s’il y a eu ce fameux télégramme sommant les « forces malgaches » d’arrêter toutes actions « belliqueuses », dans les régions est et du sud notamment, les luttes contre les colons ont au contraire pris de l’ampleur avec des milliers de victimes.
Enfin, l’insurrection de 1947 aurait été considérée comme un combat d’arrière garde voué à l’échec. Effectivement, la supériorité militaire de la France coloniale était sans contexte; et en face il n’y aurait eu que des aventuriers désespérés. Mais le même Jacques Tronchon conclut son livre en ces termes : « Si l’on s’en tient aux documents , on ne peut que constater la foi extraordinaire en l’avenir qui anime les insurgés.Persuadés au contraire que leur cause finira tôt ou tard par l’emporter, ils n’hésitent pas à courir le risque de perdre une bataille. Ils ont conscience de former les maillons d’une chaîne qui les relie à tout un passé de lutte pour maintenir l’identité malgache. A leur tour, ils prennent le relais d’un combat que d’autres livreront à leur suite. » 30 000 ou 90 000 morts, qu’importe, c’est cette foi que l’on doit retenir comme leçon du passé. C’est le devoir de mémoire qu’on leur doit, par leur sang versé.
*L’insurrection Malgache de 1947 Jacques Tronchon, Editions Ambozontany Fianarantsoa 1982.
M.Ranarivao