L’eau de la Jirama constitue un produit alimentaire fortement consommé et utilisé à Madagascar. Et ce, même si dans le pays, l’accès à l’eau potable reste encore dérisoire avec un taux de 24%. La qualité de cette boisson a toujours été sujet à controverse. Pour les agglomérations comme Antananarivo par exemple, face aux planifications urbaines qui n’arrivent pas à suivre le rythme effréné de l’accroissement migratoire de la population, à la quasi inexistence du renouvellement des réseaux de distribution de l’eau de la Jirama pendant des années, aux nombreuses coupures additionnées aux baisses de pression, se poser les bonnes questions semble être essentiel dans un contexte domestique… trouble. D’où vient l’eau décrétée potable de la Jirama et qu’en est-il de sa qualité : à la sortie des stations de production, dans les réseaux de distribution et surtout à la sortie du robinet chez les consommateurs ?
« La Jirama informe ses abonnés que l’eau produite par la compagnie est potable et ne contient pas de microbe. Tant à la sortie des usines de production qu’à la sortie des robinets des ménages, en passant par les conduites de distribution ». La réponse donnée par Andry Rakoto, Head of Water Operation Antananarivo auprès de la Jirama face aux récentes polémiques relatives à la qualité de l’eau de sa compagnie. En effet, la question relative à la potabilité de l’eau produite par la compagnie nationale d’eau et d’électricité n’est pas vraiment un fait nouveau. Pour ne citer que les récents résultats d’analyses qui ont été publiés dans nos colonnes. Dans sa position, la Jirama avance que l’eau « est conforme aux différents critères de potabilité dictés par le décret N° 2003- 941 relatif à la surveillance de l’eau, au contrôle des eaux destinées à la consommation humaine et aux priorités d’accès à la ressource en eau». «Une norme de potabilité nationale que la compagnie suit à la lettre et sur laquelle la production d’eau est basée», si l’on s’en tient aux explications de Andry Rakoto. «L’eau que la Jirama produit suit les différentes étapes de traitement exigées et elle est également sujette à différents contrôles dans toutes les phases de sa distribution : à la sortie des usines de production, dans le réseau de distribution et chez les consommateurs », a clarifié le responsable. L’entretien avec celui-ci a permis de savoir que la Jirama dispose de laboratoire d’analyses et de contrôle de la qualité de l’eau respectant les normes en matière de potabilité de l’eau.
Incidents. Interrogé sur les éventuelles failles ayant entraîné les résultats d’analyses allant dans le sens contraire des affirmations de la Jirama, le responsable attire l’attention sur le processus de prélèvement des échantillons ayant servi pour mener l’étude en laboratoire. « Ce processus comprend différentes étapes, mesures et prend en compte divers facteurs qui préservent les échantillons de tout risque de contamination. La pollution peut provenir d’une erreur commise lors du prélèvement des échantillons soumis aux analyses. Ce qui biaise complètement les résultats desdites analyses », avance le responsable. Avant de poursuivre sur l’état des installations des consommateurs. « La vétusté des diverses éléments qui composent les installations chez les consommateurs peut entraîner l’existence de crasses dans les conduites et facilement polluer l’eau à la sortie du robinet », nous a-t-il confié. Il y aurait également la vétusté des conduites du réseau de distribution comme c’est le cas à Antananarivo. Une vétusté qui pourrait entraîner l’infiltration d’agents pathogènes et qui pourrait contaminer l’eau potable produite depuis les diverses stations de production. Les doutes persistent malgré les diverses explications avancées par la compagnie nationale d’eau et d’électricité. Une situation qui laisse les citoyens imperméables à toute initiative de communication tendant à les rassurer et qui met la Jirama en situation de crise continuelle. Les problématiques de la Jirama nécessitant des années d’efforts continus pour se résoudre, investir dans des initiatives d’engagement des parties prenantes pourrait constituer une option en plus des actions de communication déjà menées et initiées par la compagnie.
De l’eau boueuse à l’eau potable
Le décret N° 2003-941 relatif à la surveillance de l’eau, au contrôle des eaux destinées à la consommation humaine et aux priorités d’accès à la ressource en eau définit la potabilité de l’eau à Madagascar. Dans son article 6, alinéa 1, cet instrument juridique dispose : « au lieu de la mise à disposition de l’utilisateur, les eaux destinées à la consommation humaine doivent satisfaire aux exigences de qualité concernant essentiellement les paramètres physico-chimiques et bactériologiques ». Lesdites exigences ne peuvent toutefois pas être satisfaites sans un processus de traitement afin de se débarrasser des diverses impuretés. Le traitement de l’eau est lui aussi respectif de la norme et comprend deux phases majeures : la clarification et la désinfection. Pour le cas de la station de production de Mandroseza par exemple, l’eau de la rivière Ikopa, avec ses diverses pollutions transite à «l’Usine des Eaux de Mandroseza». Des composants chimiques sont ensuite combinés avec cette eau «sale» pour se débarrasser de ses impuretés (celles-ci se solidifient et se décantent au contact des composants chimiques en question). La filtration constitue la prochaine étape au bout de laquelle l’eau est claire avec un indice de turbidité inférieur à 1 NTU (NTU : unité standard de mesure de la turbidité). Il conviendrait de noter que la norme malgache exige que l’eau potable ait un indice inférieur à 5 NTU. La dernière étape, la désinfection, consiste à débarrasser l’eau claire de toutes les différentes bactéries existantes par procédé chimique. À Madagascar, on utilise le chlore «dont la présence dans l’eau à la sortie des robinets garantit l’inexistence de germes pathogènes» si l’on se réfère aux dires de Andry Rakoto, Head Head of Water Operation Antananarivo auprès de la Jirama.
Eau potable
Caractéristiques selon le décret N°2003- 941
Selon cette norme, l’eau destinée à l’alimentation humaine «ne doit jamais être susceptible de porter atteinte à la santé de ceux qui la consomment». Cette eau doit être sans odeur, sans couleur et sans saveur désagréable avec une turbidité ne dépassant pas, si possible, 5 NTU. La conductivité quant à elle est inférieure à 3 000 µS/cm à 20°C.Le PH recommandé est compris entre 6,5 et 9.
Par ailleurs, l’eau livrée à la consommation humaine est une eau exempte de germes pathogènes et de germes indicateurs de pollution fécale à savoir :
- coliformes totaux 0 /100 ml
- streptocoques fécaux 0 /100 ml
- coliformes thermo-tolérants (E.coli) 0 /100ml
- clostridium sulfito-réducteur < 2 /20ml spores anaérobies sulfito-réductrices
Approvisionnement en eau d’Antananarivo en chiffres
– (+) 1 200 km de réseau de distribution
– (+) 100 000 branchements
– 14 stations de production
– 24 km de conduites remplacés en 2020
– 300 000 mètres cubes de besoin journalier
– 210 000 mètres cubes de production journalière
– 90% des besoins sont fournis par la Station de Mandroseza.
Dossier réalisé par José Belalahy