Les répercussions d’une crise économique prolongée peuvent modifier nos comportements en profondeur. Dans une société traditionnelle et conservatrice, la famille malgache est unie, autour des parents. Et avec la crise du pouvoir d’achat, de plus en plus de familles restent soudées, et vivent sous le même toit, histoire de se partager les charges du ménage. Du coup, parents, mari, épouse, bru ou gendre, petits-enfants, belle-sœur ou beau-frère, tout le monde vit dans la même maison. Mais est-ce toujours bon pour les relations intrafamiliales ?
Habiter chez les parents revient à gommer tout ce travail de prise de distance relationnelle. À 30 ans, H. en témoigne avec une grande lucidité : « Il suffit d’un mois chez mes parents et les mêmes attitudes qui m’agaçaient “avant” recommencent à me faire bondir : les toussotements de mon père, ses commentaires du journal télévisé, l’insistance de ma mère pour que je reprenne d’un plat. Pourtant, j’avais appris à relativiser et je reconnais leur côté sympa. Quand je sors, je me force, par simple respect, à leur dire l’heure de mon retour, mais j’ai l’impression d’avoir 15 ans.« Les années ont passé et il est important que les parents s’appliquent à respecter le statut d’adulte de leur enfant afin qu’il ne se sente pas en position régressive. La cohabitation doit suivre des règles claires et acceptées par tous, comme pour une autre personne que l’on recevrait temporairement.
« Mes relations avec eux sont plutôt bonnes, mais j’étouffe. » Ceux qui continuent à vivre avec leurs parents, et qui sont pourtant en âge d’habiter seul, car étant déjà parents à leurs tours, ou étant mariés, ont déjà ressenti cela. À plusieurs dans la maison de son adolescence, il n’est pas toujours facile de préserver son intimité « C’est peut-être lié au manque de place, mais j’ai l’impression qu’ils savent déjà tout de ma vie, et cela ne favorise pas la communication. » Ce manque d’espace pour vivre est cruel, puisque passé un certain âge, l’intimité va au-delà du corps physique. C’est aussi avoir un chez-soi, décorer sa maison comme on l’entend, mettre les vêtements qui lui plaisent, acheter les chaussures que l’on veut. Sauf qu’un chez-soi chez ses parents, ce n’est définitivement pas chez soi, c’est chez eux. Du coup, on ne peut rien faire sans l’autorisation des parents.
Globalement, quand le jeune peut s’assumer, les relations prennent une certaine distance dans cette nouvelle relation d’adultes. Il n’est qu’à observer les émotions de chacun lors d’une première invitation à dîner chez un enfant nouvellement installé. Tout le monde est un peu emprunté, car personne ne sait réellement où se situe sa nouvelle place. Les parents perdent leur naturel et le jeune hôte met souvent les petits plats dans les grands.
La situation est pire lorsqu’on a un enfant. L’autorité des parents sur soi est encore telle que l’on se sent à la fois enfant, obéissant et tenu de se soumettre aux disciplines dans lesquelles on a grandi. Du coup, l’on a moins, voire plus du tout, d’autorité sur ses propres enfants, devenus des sortes de petits frères et sœurs avec qui on a une différence d’âge importante. Cette situation peut devenir dangereuse, puisque l’on peut facilement perdre sa place dans la famille. Ne plus savoir si l’on est un enfant, avec des responsabilités, notamment financières, ou des parents, qui n’ont aucun pouvoir dans son propre foyer. Cette situation floue peut mener à des situations d’irresponsabilité totale envers la société, dans le milieu professionnel.