Rares sont les citoyens qui connaissent cet épisode de l’histoire de leur pays. L’assistance a été sidérée par les explications du conférencier. Ce dernier a mis à nu la part d’ombre ! Ce qui prouve que la frise chronologique ne commence pas à Radama, ni à la colonisation. Madagascar est riche en histoires. Et les spécialistes se donnent corps et âme pour la faire connaître.
Vendredi 21 octobre 2022, à 9h aux Directions des Archives Nationales Madagascar, s’est déroulée une conférence sur « L’histoire de razzia Betsimisaraka et Sakalava aux Comores et en Afrique de l’Est ». Ces deux royaumes florissants faisaient écho dans le Sud-Ouest de l’Océan Indien. En fait, l’identité malgache est intrinsèquement liée aux pays de la région. Cependant, cette richesse est arrachée dans les mains de leurs voisins. « Notre histoire y est rattachée, surtout entre 1785 et 1823. La confédération Betsimisaraka et Royaume Dakalava étaient à leur apogée au XVIIIe siècle. Le Boina sous le règne de la reine Ravahiny réussit à stabiliser son royaume et étend son influence sur ses voisins riverains du Canal de Mozambique. Les alliances ont été aussi bien établies entre Betsimisaraka-Sakalava Boina, Sakalava Boina – Imerina d’Andrianampoinimerina. Faute du tarissement de captifs à vendre à Madagascar, ces deux puissances côtières s’en prennent à Mayotte, Anjouan, Comores et l’Afrique de l’Est », a expliqué le conférencier.
Une Grande île prospère mais turbulente
Ce n’est pas un conte, car l’intervenant n’a pas commencé sa phrase par « il était une fois ». C’est la réalité ! Il faut cesser de dire que ce pays n’avait pas son mot à dire. Sans vouloir exagérer, Madagascar dominait les environs comme une montagne qui domine les collines. En effet, le XVIIIe siècle n’est pas une période morne de l’histoire. Au contraire, elle était agitée et elle secouait la mer. C’était une époque qui a profondément marqué la personnalité des Malgaches. Evidemment, ces derniers n’ont pas uniquement bêché le champ. Ils étaient ambitieux. Sous un autre angle, le Sud-Ouest de l’océan Indien était une zone contrôlée par les souverains malgaches. « Les Zanamalata des Betsimisaraka et les Sakalava étaient réputés être des mercenaires qui offraient leur services aux nobles dans les conflits comme en Anjouan entre Domini et Mutsamudu… C’est en constatant la situation de ces îles qu’ils ont eu l’idée de ces expéditions. Ils étaient redoutés par leurs voisins. Du côté des Européens, ce sont à la fois des grands fournisseurs en esclaves et un problème pour les Britanniques qui se sont implantés en océan Indien au début du XIXe siècle », atteste Alex Randriamahefa.
En outre, la caricature du Malgache dans l’imaginaire collectif, le maigre portant un pagne, visage innocent est ici démentie. Le pays était un centre nerveux de l’économie de la région du Sud-ouest de l’océan Indien. Mais, à la fin du XIXe siècle, la Grande île décline, elle n’est plus le centre de gravité de la région… Si autrefois, le pays avait des monarques qui bombaient le torse et avaient un sourire de résilience, à présent, les dirigeants ont le visage de la résignation.
Souvent les historiens sont pointés du doigt, étouffés par les indignations
C’est la raison pour laquelle, des conférences ont été livrées par des universitaires, des spécialistes de la science des dates. Alex Randriamahefa figure parmi les jeunes chercheurs qui s’engagent pour faire connaître les récits historiques au grand public. Ayant soutenu un mémoire de master sur « Une Histoire des vaincus : Les Betanimena de la côte-est (1720-1828) », ce doctorant se penche à présent sur « La population de l’Est de Madagascar, la mer et l’outre-mer ». Pour mener à bien sa mission, il organise des évènements scientifiques et des expositions. «Les gens veulent qu’on leur vende des rêves et un passé fantastique alors que les historiens ne font pas ça. Ils travaillent sur des faits, tentent de les analyser et de les comprendre à travers des sources et un esprit critique, aboutissant à des résultats plus logiques, pragmatiques, non magiques », tel est le devoir d’un historien selon Alex Randriamahefa.
Iss Heridiny