On a sûrement déjà entendu un souverain dire « ma seule ennemie, c’est la faim». Oui, comme tous les pays sur cette planète bleue, Madagascar a connu la faim. Mais, cette faim semble chronique, pendant que ses voisins atteignent leur autosuffisance alimentaire.
La Grande-Ile est toujours affamée. La preuve, l’alarme du ventre. Ce son vide criant à l’aide à l’Etat ! Cette résonance étrange, qui, à la fois oblige à faire ce qui est inimaginable. Comme disait un proverbe, la faim fait sortir le loup de sa forêt ! Elle est l’amie de la paresse, « lorsqu’on a faim, on n’est pas capable de produire. Ainsi, la machine économique décélère ». À la deuxième moitié du XVIIIe siècle, l’Imerina a connu une crise alimentaire. La raison pour laquelle Andrianampoinimerina aménage la plaine de Betsimitatatra. Effectivement, la force vient de la nourriture. L’Imerina doit s’autosuffir sur le plan alimentaire, afin qu’il puisse travailler. Suite logique, l’économie bat son plein.
Dans la partie Sud de Madagascar, cette zone semi-aride, où le soleil tape fort. L’eau, cet or bleu, se faisait rare depuis toujours. Les historiens racontent que le mosary a été signalé bien avant le XIXème siècle. Le kere ne date pas d’aujourd’hui. Et jusqu’ici, il n’y a pas de solution durable. Une partie du pays a vécu plus de deux siècles de famine… Il s’avère que la volonté politique manque aux dirigeants.
Le royaume sakalava, bien qu’il ait connu une économie florissante, voit sa population traverser une crise lors des guerres intestines entre les prétendants au trône. La crise engendre une disette, le début de l’affaiblissement de la royauté. Certes, il y avait une relation commerciale avec les européens, cependant, la prospérité décline peu à peu. À l’Est, les Betsimisaraka savent ce qu’est la faim.
D’après l’historien Alex Randriamahefa, « les razzias qu’ont effectuées les Betsimisaraka et les Sakalava aux Comores aux XVIIIème siècle avaient une conséquence économique. Des milliers d’hommes ont été mobilisés. Alors, résultat, manque de main d’œuvre ! Suite logique, le peuple est affamé. Peu de mains cultivent les terrains ! ». En outre, les festivités après la récolte, avec les gaspillages, favorisent entre autres une crise alimentaire dans cette partie orientale de la Grande-Ile.
Le Nord-Ouest, la partie septentrionale, sont des régions gâtées par la nature. Tantôt humide, tantôt chaud, le climat de ces contrées est le fief de l’élevage bovin et caprin. De Bobaomby, jusqu’à Analalava en passant par Ambanja, la vie pastorale, la cueillette, la chasse, l’agriculture demeurent des activités les plus pratiquées. Pourtant, la population n’est guère rassasiée. À part l’abus des rois et roitelets qui amassent les récoltes, certains rites et traditions freinent le développement dans le royaume. Les sacrifices de milliers de bœufs et les festivals de temps à autre vident les greniers. La terre est arrosée par le sang des zébus, les repas copieux qui ne prévoient pas les lendemains sont les causes des périodes périlleuses.
La résistance à l’installation française à la fin du XIXème siècle a également chamboulé l’économie du pays. Le Royaume de Madagascar dirigé par Rainilaiarivony est exsangue. Dès lors, le gargouillement de ventre s’entend. La crise des années 30 a eu une lourde répercussion dans les colonies à Madagascar. Elle s’accentue dans les années 40 avec les efforts de guerres, les marchés noirs. Après la fin du Second Conflit mondial, Madagascar au bout de force fait face à une insurrection en 1947. Une lourde peine, l’administration punit les malgaches. Des insurgés et leurs familles s’exilent au fond des forêts. Il a fallu attendre la première moitié des années cinquante pour que la population prenne une certaine ascension. La faim a marqué les périodes à Madagascar, entre sécheresse et cyclone, la Grande Ile est boulimique, mais les nourritures ne sont pas au rendez-vous.
« Jamais les malgaches n’ont eu un estomac repu dans leur histoire. Que la crise. Nous nous plaignons toujours. Je ne suis pas venu pour critiquer, non, pas du tout. Mais, j’ai une constatation. Premièrement nos pratiques, nos traditions nous obligent d’une certaine manière à être des gaspilleurs. Remarquez que partout à Madagascar, les peuples dépensent beaucoup lors des tsaboraha, tsakafara, jôro, famadihana. Alors, nous vidons nos poches pour acheter des choses exorbitantes, éphémères ! Après la fête, le retour à la vie normale, sans argent, parce qu’on n’a rien mis de côté », s’explique Dimby Jaomeva, un anthropologue spécialiste au développement.
Iss Heridiny