Les droits de sortie de ressources naturelles non renouvelables sont applicables à compter du 23 janvier 2023, selon une note émise par la Douane. Compte tenu de la structure des prix, les activités ne peuvent plus se poursuivre, selon la Fédération des opérateurs miniers malgaches (FOOM). Interview avec son président, Haja Ralambomanana.
Midi Madagasikara (MM). Quels sont les impacts de ces droits de sortie sur vos activités ?
Haja Ralambomanana (FOOM). Nos membres exportent chaque année, plus de 900 millions de kilogrammes de pierres industrielles, pour une valeur de plus de 1552,28 milliards d’ariary ou environ 364 millions USD. Avec les autres substances minières, on a plus de 366 millions USD d’exportation en 2022. Si on regarde la structure des prix, le Temi qui englobe l’ensemble des perceptions de l’Etat (taxes, les frais d’administration minière, etc.) représente environ 31% de ce montant total. Les charges de production représentent 30%. Il y a aussi les charges logistiques, et autres. Finalement, nos marges bénéficiaires ne sont que de 11% des prix de vente. Si on intègre le droit de sortie, nos charges dépassent largement les prix de vente sur le marché international. Les opérateurs vont alors se partager une perte d’un montant total de 14,6 millions USD. Ce qui est inconcevable.
MM. Vos prix vont donc augmenter ?
FOOM. Nous ne pouvons pas fixer les prix internationaux, car ils dépendent de la demande et des besoins sur le marché. De toute façon, tous les contrats sont annuels et renouvelés au mois de mars. Nous avons déjà discuté de ces droits de sortie avec les acheteurs internationaux. Leur réponse est simple et claire. Ils ne peuvent pas participer au paiement de ces droits de sortie. D’ailleurs, ils font déjà des prospections dans d’autres pays d’Afrique pour trouver d’autres fournisseurs. Nous sommes sur le point de perdre le marché.
MM. Pourquoi n’avez-vous pas réagi à temps ?
FOOM. Nous n’étions au courant de ces droits de sortie que lorsque la loi de finances a été soumise au Parlement. Nous avons discuté avec le président de la Commission au niveau de l’Assemblée nationale. Des interpellations ont été faites. Des communications médiatiques ont été menées pour expliquer la situation et les enjeux, mais ces droits de sortie ont été votés très rapidement.
MM. Et en termes d’emplois, quels seront les conséquences ?
FOOM. Presque tous les producteurs emploient les communautés locales. Dans les zones où il y a des carrières à Madagascar, presque 90% de la population locale travaillent dans ces mines, si l’on ne cite que le cas de Maevatanàna ou de Mananjara. L’Etat a parlé de zone d’encadrement pour formaliser les petits exploitants. C’est bien, mais si dès le début, on applique ce genre de droits de sortie, tous les efforts tomberont à l’eau, car toutes les activités vont tout simplement s’arrêter.
MM. Y a-t-il des transactions qui se font sur le marché noir ? Ces mesures pourraient-elles favoriser les trafics illicites ?
FOOM. Pour nos membres, ce sont des conteneurs de marchandises qui circulent. Il est difficile d’opérer au marché noir. Mais il faut prendre en compte que par cargaison, on paie donc au minimum 50 millions d’ariary de droits de sortie. Cela favorise certainement les trafics illicites. Si un opérateur trouve une solution pour faire passer sa cargaison à 10 millions d’ariary, comment allons-nous l’en empêcher ? La douane a 200 ans et on n’a jamais réussi à maîtriser les trafics de richesses naturelles. Si on applique ce genre de charges aux opérateurs formels, la situation va logiquement empirer.
MM. Quelles sont donc vos requêtes ?
FOOM. Nous hissons ce jour le drapeau blanc. Nos activités sont condamnées si on n’arrête pas immédiatement l’application de ces droits de sortie. L’économie malgache va perdre les 366 millions USD en devises. Les membres de la FOOM ne seront pas les seules victimes. Il faut savoir que les charges de production sont distribuées aux millions de travailleurs des mines à travers tout le pays. La logistique constitue également des emplois avec des revenus annuels de 437 milliards d’ariary. Comment va-t-on combler ce manque à gagner ? Il y a plusieurs problèmes par rapport aux nouvelles mesures. Elles indiquent par exemple que les empotages doivent se faire au niveau de la Douane, ce qui est insensé. Comment la Douane à Antanimena va accueillir 20 conteneurs, par exemple ? Où trouvera-t-on un élévateur ? Il y a de nombreux points à améliorer. Mais pour l’instant, nous réclamons juste l’annulation de ces droits de sortie. Cette histoire a débuté suite à une fausse déclaration sur 8 containers, faite par un opérateur. Ce n’est que 224 tonnes tout au plus. Pourquoi prendre des mesures draconiennes pour tout le secteur, qui compte plus de 900 000 tonnes. Il faudrait juste sanctionner les fraudeurs et laisser les autres travailler.
Recueillis par Antsa R.