La colonisation de l’Afrique et de l’Asie, Madagascar inclus, remonte à la guerre des épices et des mers, initiée par la renaissance et l’avancée technologique maritime de l’Europe. Dès Richelieu, la France voulait l’exclusivité de la « Grande Isle », projet poursuivi par Colbert.
Les Médicis de Florence dessinaient déjà le monde dès le XVIe à Florence en Italie. Dans son fief, le palais Vecchio, cette famille puissante disposait de plusieurs cartes compartimentées. Ressemblant à ce qui était le monde à cette époque. Qui se jouait alors sur les grands voyages et les milliers de pages de récits écrits, piliers du pouvoir de décision économique, par les premiers explorateurs.
Jean Baptiste Colbert naquit le 29 août 1619, dans une riche famille à Reims très catholique. D’éducation jésuite, son statut l’obligeait à devenir un homme prudent et opportuniste, face aux sautes d’humeur de l’aristocratie. Aristocratie dont l’ire pouvait dégénérer à cause d’une simple coquetterie effrontée des catégories inférieures.
Le bonhomme nageait de fort belle manière dans les eaux du pouvoir royal. Tant et si bien qu’il devint un homme de confiance du roi Louis XIV, trop jeune pour régner parait-il, réputé à s’employer plus pour l’éclat de son fond de teint que de l’exercice harassant de la politique. Pourtant, après avoir dominé les Amériques, portugais et espagnols rêvaient d’Orient.
La Hollande, l’Angleterre et la France décidèrent alors de placer ses roues dans l’engrenage. Dans une France en crise économique, la peur collective poussait les érudits à la nostalgie de cette race aryenne venue d’Inde. Des ancêtres oubliés du temps et séparés par la géographie entre l’Himalaya et les grands espaces sauvages, la mission civilisationnelle était alors donnée de les retrouver.
La France vacillait, l’Europe sentait le vent tourner du mauvais côté suite au dépouillement pendant des siècles du territoire slave. Nul n’ignore que le mot « esclave » vient du mot « slave ». Héritage actuel de cette première phase esclavagiste, les pays comme la Slovénie, la Slovaquie. Et des milliers de famille type caucasien d’Italie, de France, d’Allemagne, de Suisse… au patronyme d’esclaves.
Il fallait maintenant se tourner vers les Indes, pour ses épices, la politique commerciale incitée par Jean Baptiste Colbert a mis au monde la compagnie des Indes Orientales. S’il en était la tête pensante, le verbe colonialiste venait de François Charpentier (1620-1702) dans son « Discours d’un fidèle sujet du Roy » touchant Établissement d’une Compagnie françoise pour le commerce des Indes Orientales, -Adressé à tous les François » (1664).
L’auteur de ce discours populiste a insisté sur la stratégique nécessité pour la France de faire de Madagascar son havre exclusif. Puisque les autres nations briguaient les Indes et ses territoires, les Portugais en première ligne. Malgré des batailles maritimes retentissantes, la nation de Louis XIV devait se contenter des miettes des opportunités de cette route commerciale.
Tout cela devait passer pourtant par un lobbying financier, le monarque s’impatientait de victoires et d’épices, summum du luxure aristocrate. Colbert s’attelle alors à trouver des actionnaires pour fournir les « 6 millions » de piastres et un équipage de 12 à 14 navires. Quand tout cela se décidait, Fort Dauphin était déjà la base d’une colonie menée longtemps par le défunt Flacourt.
Une occupation somme toute pacifique. Le traitement entre les étrangers et les premiers habitants se faisait d’égal à égal. Le régime salarial était de rigueur. La justice se traitait à pied d’égalité. Le basculement allait sonner plus tard quand les malgaches décelaient chez ces blancs des intentions malveillantes cachées derrière leurs bonnes intentions.
Les premières violences coloniales à l’égard des Malgaches étaient perpétrées par la compagnie d’Orient, aînée de la compagnie des Indes Orientales. Le cardinal Richelieu pressentait déjà le potentiel du commerce maritime. Etienne de Flacourt (1607-1660), remplaçant de Jacques Pronis (1642-1655), y joua un rôle prépondérant surtout pour Madagascar. L’exportation de bois précieux battait son plein, de l’ébène notamment.
Une partie de ses mémoires – il meurt brûlé vif dans son bateau à la suite d’une attaque des Protugais – ont été d’un grand secours pour Charpentier et Colbert. Mais aussi le témoignage de son frère, de Beausse. La deuxième semestre de 1665, les navires, le « Taureau », la « Vierge-de-Bon-Port » et l’« Aigle-Blanc » arrivent à Fort Dauphin. Après âpres diplomaties, le gouverneur de la colonie Champamargou céda face à Colbert.
Adopté un discours pacifiste, après les passages troubles de Flacourt et de ses devanciers, le roi y tenait. Flacourt avait porté en étendard la mission évangéliste de faire des Malgaches des autochtones chrétiens. Un objectif adopté et inscrit dans la politique commerciale de la compagnie de l’Orient, exigé par les instances religieuses. Quitte à user de la poudre.
De son temps, la colonie d’occupation a déjà essuyé une attaque de « 10 000 hommes ». Une défense intraitable et quelques coups de canons à suffit à mater les autochtones. Les premières tentatives anti-coloniale. Avec Colbert, la diplomatie était de rigueur. D’autant qu’une vision moins localisée motivait lui et sa troupe. L’annexion totale de Madagascar.
Esclavage
Le « Code noir », starting-block du génocide français en Afrique
En 1685, la politique coloniale de la France se durcit avec le « Code noir », « concernant la discipline de l’Église et de l’État, et la qualité des nègres esclaves aux îles de l’Amérique ». A la plume de la soixantaine de pages de ce livre, Jean Baptiste Colbert. Les colons durcissent donc le temps. D’autant que la traite négrière pouvait être à la fois source de main d’œuvre pour les Antilles françaises, mais aussi source d’agent pour le commerce. A noter que les slaves, esclaves du premier système esclavagiste européen étaient aussi vendus aux arabes.
Le commerce africain était donc une application, voire un recommencement, de ce qui se faisait déjà en terre slave. Comme Colbert a été le renouveau colonial, grâce à la compagnie des Indes Orientales, du royaume à Madagascar. Il s’est félicité de ce revirement de Louis XIV qui il y a quelques années a formellement interdit l’esclavage dans les colonies. La France était en crise, les colonies et les plantations connaissaient des difficultés. Les caisses de l’Etat battaient de l’aile.
Tout cela a ramené le monarque à la « raison impérialiste », se fournir du « nègre » dans les terres conquises. Madagascar a alors fourni des dizaines de milliers d’hommes et de familles éparpillés jusqu’aux plantations de l’Amérique du Sud et du Nord. Le « Code noir » a été réactualisé en 1723, « Lettres Patentes en forme d’édit concernant les esclaves nègres des Isles de France et de Bourbon» », assigné par le roi Louis XV du haut de ses 13 ans.
Les voies de la mer
Madagascar passage obligé de loin du commerce maritime européen de la renaissance
Trois voies maritimes passaient par les eaux malgaches, caractéristiques aussi de l’existence d’un fort trafic maritime du temps des compagnies françaises, hollandaises, anglaises, suédoises et d’autres. La première permettait de se faufiler par le canal de Mozambique, la seconde en longeant la côte est et enfin par le sud de l’Océan Indien. « La première est la plus courte, et elle est empruntée très généralement par les Britanniques et les Suédois. La « grande route » consistant à rester dans les vents d’ouest jusqu’au méridien des îles Saint-Paul et Amsterdam, puis à gouverner au nord à partir de ce point, est fréquentée par les Hollandais. C’est un itinéraire praticable en toute saison, même lorsque les autres routes sont aléatoires, mais il est long, fatiguant, car la durée de la navigation est de plus de trois mois sans escale, et il faut que les officiers aient beaucoup de pratique, car il faut éviter de mettre trop rapidement le cap au nord. La « petite route » est empruntée généralement par les Français, car elle permet de rejoindre les Mascareignes. Ensuite, au départ de ces îles, ils reconnaissent le nord-est de Madagascar, puis ils s’élèvent au nord et gagnent l’Inde en un mois environ en passant par le « canal des forbans » entre les Maldives et les Laquedives ». Ces routes maritimes étaient utilisées pour le commerce avec l’Asie. Mais elles laissent aussi supposer les premières migrations austronésiennes qui ont permis le premier peuplement extérieur de Madagascar.
Recueillis par Maminirina Rado