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Chronique de Mickey du 6 novembre 2023

Répression et monopole de violence légitime d’Etat

Face aux moments de troubles actuels, certains rappellent que les actions des forces de l’ordre ne font qu’appliquer le monopole de violence légitime d’Etat faisant allusion ainsi au concept de Max Weber (un sociologue allemand (1864-1920) dans son ouvrage -Le Savant et Le Politique– écrit en 1919. Selon lui, l’État est l’institution qui peut utiliser la violence, et décider de qui a le droit à la violence (ici les forces de l’ordre). Ainsi, l’Etat (groupement humain sur un territoire) est fondé sur la force au sens où son pouvoir lui vient de ce qu’il réussit à être reconnu comme la seule source de légitimité de la violence sur un territoire donné. Cependant on devrait se garder de penser que Weber justifie la violence de l’Etat. Il dit seulement que l’État est défini par le fait que sa violence est considérée comme légitime. En réalité, Weber ne prend pas position sur la légitimité de l’Etat. Il tente simplement de définir l’Etat, pour clarifier ce qu’il entend par ce mot. Weber explique qu’il y a un lien entre l’État et la violence, mais il ne dit pas si cette violence est vraiment justifiée ou non.

Son analyse est donc descriptive : elle se contente de décrire ce qui existe, sans expliquer ce qui devrait exister ou non.

En fait et là on peut faire une analogie à notre situation nationale. Le monopole de la violence légitime est une relation politique. Max Weber explique dans son ouvrage que ce monopole consiste, pour le pouvoir politique qui régit un territoire donné, à organiser la communauté humaine en interdisant absolument l’usage de la violence à tout membre, groupe, ou entité de la communauté qui n’agit pas en tant qu’agent du pouvoir politique. Il estime qu’il s’agit du mécanisme essentiel de la constitution des États en tant qu’entités politiques.

Le monopole de la violence légitime dépend du consentement des citoyens.

Max Weber parvient à cette idée en analysant les ressorts profonds du pouvoir de l’État. Il réalise que le droit exclusif à employer la violence physique n’est effectif qu’à la condition que les gouvernés le reconnaissent. Autrement dit, le monopole de la violence légitime repose ultimement sur l’acceptation, par la population, de l’autorité de l’État et de sa capacité à utiliser la violence. Le pouvoir d’un groupement politique se ramène donc en dernière instance au ressort psychologique qui rend possible la domination de l’homme par l’homme. « L’État ne peut donc exister, qu’à la condition que les hommes dominés se soumettent à l’autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs » écrit Max Weber, (Le savant et le politique). Ainsi, le monopole de la violence par l’institution étatique passe pour légitime si et seulement si les citoyens se soumettent à cette institution. Leur soumission est plus précisément obtenue soit par la tradition, soit par le charisme des gouvernants, soit par la rationalité des règles. Ces fondements de la domination permettent de redéfinir et de percevoir la violence exercée par l’État comme la « force publique »

Puis vient l’idée de consensus. « Le consensus ne produit pas de domination mais, en réalité, un véritable accord entre différents acteurs d’une production juridique commune. En conséquence, l’idée de domination légitime est absurde. Il faut comprendre que le consensus s’obtient par une délibération rationnelle symétrique entre les différents acteurs permettant in fine de conférer à une instance déterminée le pouvoir. Dans ce cadre, il ne s’agit plus, à proprement parler, de domination, mais bien plus d’une reconfiguration de ce qu’est le pouvoir. Ce dernier provient du peuple, en tant que sujet politique collectif. » comme dit Jürgen Habermas, un philosophe allemand.

Un concept dénaturé

La notion de violence légitime brandie depuis quelques années par des personnalités politiques et des journalistes pour justifier de l’ensemble des violences policières, avec la formule simplificatrice et erronée : « l’État possède le monopole de la violence légitime »

Catherine Colliot-Thélène, traductrice de l’ouvrage Le Savant et le Politique et spécialiste de Weber, explique que la thèse socio-historique développée par Weber est dénaturée. Elle explique que selon Weber, la définition de l’État par le monopole de la violence légitime présuppose une « revendication du monopole de la violence physique et du succès de cette revendication. C’est le succès de cette revendication qui constitue sa légitimité, c’est-à-dire le fait que ce monopole soit peu ou prou reconnu par l’ensemble des individus et des groupements inclus dans le territoire sur lequel l’État prétend avoir autorité ».  Mais « légitime » n’implique pas « juste »: Weber ne parle de légitimité que pour constater qu’après le moyen-âge, le pouvoir de l’État s’est imposé sur celui des Églises, puissances féodales, villes libres, corporations, etc. qui se disputaient ce rôle.

A méditer !

M.Ranarivao

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