La contre-révolution de 1973, organisée par les francophiles de la ville du Pain de sucre, est rarement remise sur la table de discussion. Façonnée par ceux qui prétendent professer l’idéologie nationaliste, l’histoire semble tributaire. Truffés de beaucoup d’erreurs, les textes sont souvent gribouillés par des usurpateurs, les événements historiques se transforment en péripéties invraisemblables ! Le moment est peut-être venu de dépoussiérer ces récits enfouis au fond des vieux casiers. L’arrivée du général Gabriel Ramanantsoa au pouvoir à la fin du premier semestre de l’année 1972 a frustré la population de Diego-Suarez en général, et les intellectuels en particulier.
De l’inquiétude à la manif. Effectivement, la politique ira à l’encontre de ce qu’ils espéraient, le divorce avec la France. Qui dit séparation avec la mère patrie, dit retour de l’hégémonie merina, car pour certains, Philibert Tsiranana était le garant de l’équilibre régional. Le patriarche qui a établi l’égalité entre les Malgaches. Des bruits confus résonnaient dans les ruelles, « Les français feront leurs bagages ». Assourdis par les rumeurs, les élites pro-français se préparent pour que ce ouï-dire ne se réalise guère. Le maire d’Antsiranana à l’époque, Alphonse Vavihely et ses proches collaborateurs élaborent un plan, « la contre révolution ». En 1973, une série de manifestations ainsi que des grèves se sont organisées au cœur de la ville. En espérant renverser la vapeur, des banderoles et des pancartes ont été brandies avec hardiesse. « Non à la malgachisation ! », « Diego restera française ! », telles sont les phrases inscrites sur les calicots. La contre-révolution de Vavihely vire en eau de boudin. L’administration Ramanantsoa a vite réprimé les manifestants, s’ensuit un cortège d’arrestations.
Les francophiles matés. L’histoire de la ville du Varatraza a toujours été animée par un affrontement idéologique. Un carambolage d’opinions dont elle a hérité dès les années 1920. De ce fait, une partie des élites se rangent du côté du régime fraîchement installé. Par conséquent, l’éminence grise pro-Ramanantsoa fera feu de tout bois pour contrecarrer le mouvement. En effet, chaque camp a ses raisons. Vavihely et ses comparses n’avaient en aucun cas besoin de couper l’aussière, cordage d’amarrage, des navires français. Pour leur part, les hommes du Directoire militaire considèrent les contre-révolutionnaires de nostalgiques de la néo colonisation, voire la colonisation. Par ailleurs, le gouvernement militaire institué il y a quelques mois, a réussi, quoi que l’on dise, à couvrir la Grande Île de ses tentacules. Les officiers dociles, ayant de la disposition à suivre les ordres de leur supérieur, étaient disciplinés, ils contrôlaient le périmètre avec brio. Il est hors de question de reculer devant une poignée de manifestants. Cependant, ils étaient conscients de ne pas refaire l’erreur fondamentale qu’a commise le Père de l’indépendance, ne pas utiliser un moyen disproportionné pour régler le problème, ni tuer une mouche avec un canon.
Iss Heridiny