- Publicité -
samedi, mai 10, 2025
AccueilCulture13 mai 1972 : Hazo Midoroboka, la résistance infaillible dans le vaky sôva 

13 mai 1972 : Hazo Midoroboka, la résistance infaillible dans le vaky sôva 

Les descendants actuels d’« Hazo Midoroboka » ont repris le flambeau du sôva

Méli-mélo d’histoire et recul historique, le mois de mai 72 a été sanglant, électrique et un plongeon vers une liberté mal négociée ou trop vite laissée à l’abandon. Mais c’était aussi une musique, un chant de ralliement, le « vaky sôva » premier art urbain conscient.  

En 1975 sortait une chanson culte, devenue aujourd’hui symbole générationnel et tube national, « Ampitapitao » de Hazo Midoroboka composé des « gars » du quartier d’Ambanin’Ampamarinana. Trois ans auparavant, un coup de force idéologique et culturel centré sur Antananarivo a inscrit en lettres d’or et de sang, « 1972 », dans l’histoire contemporaine de la Grande Île. Un genre musical hérité des siècles n’a jamais autant imprégné une lutte populaire. Le « sôva », rallongé en « vaky sôva », a été la bande originale rassembleuse de « mai 72 ». Patchwork à cadence jouissive et immuable de textes au romantisme raisonné, au réalisme constellé, résolument masculin et sociétal. Le rejet de l’injustice sociale aiguise le « sôva ». La pratique de base des temps royaux engageait deux formations s’affrontant en joute. Jeunesse et fougue faisaient que certaines joutes duraient toute la nuit et finissaient aux lueurs du jour. Chaque quartier avait alors ses spécialistes, ses stars même. En 1972, la politique s’y est greffée.

Avant cette année charnière, le mois de mai de 1929 a été un précédent. L’anthropologue Gérard Althabe qualifie de « manifestations massives » le mouvement dans les rues de la capitale exigeant plusieurs libertés. Parmi celles-ci « l’égalité des droits entre Malgaches et Français », « de s’exprimer en langue malgache » dans les journaux… La politique coloniale, assimilable à l’« apartheid », irritait la conscience collective des autochtones : le « privilège blanc » systémique. La statue du criminel de guerre, le général Gallieni, à la place Vauban à Paris en France en est la digne représentation esthétique. Mai 1929, des centaines de Tananariviens tombent face à la répression. Deuxième douleur d’une ville, après celle de 1895 avec l’abdication de la monarchie. Le « sôva » ne pouvait rêver meilleure porte d’entrée. Sa patience est récompensée en 1972. Après l’Indépendance, Madagascar dispose déjà de politiciens pour le « grand remplacement » de l’administration coloniale blanche. 

Visionnaire ou incompris, le premier président de la République, Philibert Tsiranana songeait à une distanciation par étape avec l’ancienne colonie. Stratégie sur le temps qui permettait à la France de placer dans le nouveau rouage public ses pions, une impulsion de la stratégie « Foccart », père de la Françafrique, aux ordres de De Gaulle, sous l’égide du nuisible « accord de coopération ». Le « tsindrin-tsaranga » cher à Hazo Midoroboka d’Ambanin’Ampamarinana se reflétait dans l’enseignement, la pointe de l’iceberg. L’accès aux universités avec l’écart entre privilégiés, simples citoyens et gens des « bas quartiers ». Et encore plus, entre les étudiants de la ville et ceux des campagnes. La jeunesse était alors la force ultime pour rétablir l’égalité face à cet apartheid, héritage de la colonisation. « Leur musique puissante, combative et dénuée d’artifices effraye les élites établies mais gagne l’adhésion de la jeunesse scolarisée des milieux populaires », signale l’ouvrage collectif « Entre la parole et l’écrit : Contributions à l’histoire de l’Afrique en hommage à Claude-Hélène Perrot » (2008, Karthala).

Des « élites établies », produits du traumatisme assimilé par plusieurs générations de Malgaches colonisés. Presque la majorité du milieu politique malgache de la première République était le fruit d’une longue période de soumission culturelle et identitaire. Générant ainsi « des prédisposés » selon un concept du linguiste Noam Chomsky sur les pantins du néo libéralisme. « Nos arrières grands parents avaient peur, les colons instaurent un système de privilèges et de terreur. Ainsi, d’autres préféraient se taire, d’autres combattre quitte à donner leur vie et d’autres léchaient les bottes des colons. Aucun n’est à blâmer, les exécutions publiques étaient une pratique », signale un descendant d’ancien combattant du sud des périphéries d’Antananarivo. « Ary ny maro an’isa mandaha fangenjana tsy maintsy mandresy… Maro an’isa ny havantsika no manerana ny tany… raha mivondrona ho saranga/tsy hanaiky tapi–maso… Dia ahoana koa re ny manaraka ? », anti-oppression et anti-corruption, chantait Hazo Midoroboka dans Isika » (1978). Les « Ambonin’Ampamarinaniens » rappellent les bienfaits d’une résistance infaillible.     

En 1972, ce type de discours coule comme de l’huile à l’oreille d’une jeunesse tananarivienne avec sa rage de goûter à une autodétermination libérée dans la modernité. Les érudits reprennent d’Ankatso, avec un zeste d’idéalisme, les slogans du vaky sôva. Un succès amplifié sur les ondes, la radio nationale a été en « mode sôva » dès le début des années 70. Le parti politique Mpitolona ho an’ny Fandrosoan’i Madagasikara (MFM), mené par Manandafy Rakotonirina en arrive même à faire du titre « Mailo isika », son chant de ralliement. 1975, « Ampitapitao », avec les paroles de l’immense Tsilavina Ralaindimby, sort sur les ondes. Comme pour marquer que la boucle est bouclée, et que la suite appartient au futur. 

Maminirina Rado 

- Publicité -
Suivez nous
409,418FansJ'aime
10,821SuiveursSuivre
1,620AbonnésS'abonner
Articles qui pourraient vous intéresser

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici