Les récits de la capitale ont toujours été considérés comme l’histoire de Madagascar. Inscrits dans le programme scolaire dès la classe de CM1, les élèves des régions apprennent beaucoup plus sur Imboasalama que la dynastie royale de leur localité. C’est normal si lors des épreuves écrites, les sujets d’examen énoncent le travail ingénieux d’un souverain qui a aménagé la plaine du Betsimitatatra. Par conséquent, les étudiants ignorent l’histoire de leurs villages. Ils ne se réfèrent qu’à celle qu’on leur a enseignée. Ce fait n’a effectivement pas laissé les historiens des régions indifférentes. Alphonse Ndriandahiniarivo, un enseignant d’un lycée du district de Diego II, master en histoire à l’Université de Toamasina, a donné son avis. « Je crois qu’il est temps de réviser le programme. Que chaque région ou district ait un bouquin racontant les événements qui se sont déroulés dans sa province, par exemple. Personnellement, il a fallu poursuivre mes études à l’Université pour que je découvre comment mes ancêtres vivaient. Je trouve cela navrant ». Ainsi, les Ratsimilaho, Andriandahifotsy, Andriamanetriarivo, Kozobe sont des figures de second plan. Pourtant, ces monarques ont également instauré une politique bien structurée, avaient entretenu des relations avec les étrangers bien avant Radama I. Ils avaient des astuces et des savoir-faire qui se sont transmis de génération en génération. Malheureusement, ces exploits ne sont guère mentionnés, si ce n’est dans les ouvrages écrits par les étrangers, c’est étrange ! Sous un autre angle, l’inaccessibilité de ces sources historiques est probablement due à la négligence des descendants. C’est d’ailleurs l’argument de Trésor Radimbiniaina, spécialiste en Histoire du XVIIIème siècle de la côte nord-ouest de Madagascar. « Je continue de faire des recherches sur les Sakalava. Ce qui est sûr, les Arabes, les Européens ont écrit ce qu’ils ont vu. Je suis entièrement convaincu que les rois sakalava avaient des scribes. C’est tout à fait logique! Mais, ça m’interpelle qu’il n’y ait, ne serait-ce qu’une seule feuille conservée ? Ces gardiens traditionnels n’ont-ils pas vraiment les récits des aïeux enfermés dans leurs armoires ? Pas étonnant si les jeunes pensent que leurs ancêtres n’ont laissé aucune trace, contrairement à ceux des Hautes Terres Centrales qui ont retenu les moindres détails des anecdotes de leurs arrières grands-parents ! », a réalisé le chercheur. En vérité, l’itinéraire des grands personnages, surtout dans le triangle du nord, se racontait par le bouche à oreille précédé de « Jadis ». Ce mot ne précise pas la date exacte. De ce fait, l’histoire est mythifiée voire totalement incrédible. A ce problème de transmission, s’accompagnent les archives brulées par les personnels des établissements publics. Bon nombre des offices brûlent les dossiers d’antan sous prétexte que «ces papiers encombrants et sans importance » occupent trop de place. La plupart des mairies, des directions régionales réduisent en cendres des répertoires et monographies datant des années 1950 à 1990. C’est ainsi que l’histoire part en fumée, triste réalité ! En prenant compte de toutes ces attitudes, il faut cesser de se demander « pourquoi nous ne parlons jamais de nos aïeux ». Comment pouvons nous narrer les exploits des grands pères alors que nous n’avons même pas une seule photo d’eux dans notre salon ?
Iss Heridiny