Les « honnêtes gens » regardent avec mépris ces personnes qui ne sont pas incluses dans leur zone de confort. Les biens sur toute la ligne donc bien-pensants ne cessent de répéter que la pauvreté n’est pas une fatalité, qu’il ne suffit qu’un peu de volonté et de courage pour s’en sortir au lieu de se complaire dans ce misérabilisme où la crasse illustre la perte de dignité. Pour eux, faire la queue sous le soleil, se déchirer pour quelques kapoaka de riz, accepter de se mettre en garde à vous, avec comme uniforme ces chemises floquées de la photo de telle personne ou telle équipe est dans leur ordre des choses; enfin poser avec un air faussement joyeux pour la remise officielle des dons devant les caméras n’est pas une consécration mais l’humiliation solennelle, on ne devrait pas parler, selon ces gens dits normaux, non pas de résilience mais plutôt de résignation.
D’autres plus tolérants pensent qu’ils ne sont pas responsables de leur état mais ils sont moins complaisants quand les moments d’aumônes officielles se font pendant les périodes sensibles comme celles des élections. Les plus hardis dans la critique disent qu’à cause d’eux, il n’y a plus de vraie démocratie, que les votes conformes à la loi sont faussés, la loi du nombre étant plus les votes contre dons contribuent à l’élection de personnes indignes de leurs postes. Des bonimenteurs, prédicateurs d’altruisme, cette classe est désignée comme la vraie responsable de la situation miséreuse du pays car pour maintenir leur rente de situation, ils font de la misère du peuple leur fond de commerce. Elle est aidée dans ses actions par des « partenaires » qui sont soit bienveillants, soit « pas regardants » en ce qui concerne les financements de ces actions dites sociales. Ne parlez pas de filets de sécurité mais de filets de chalutiers qui piègent de milliers de personnes dont on n’entend pas la libération. Il est en effet connu de tous que ce groupe restreint se prétendant être l’élite de la Nation, ne veut pas ou ne peut agrandir le « manger » mais veut seulement se le partager entre eux. « La famine est la pire des tsarines », a-t-on écrit, parce qu’elle permet l’oppression à outrance d’un peuple incapable de se révolter. Les « mpaka-fo » relèvent peut-être de la légende mais les prédateurs d’âme et de conscience sont une réalité de nos jours.
M.Ranarivao