La crise mondiale du cacao a pris une ampleur inédite, menaçant à la fois la production et la qualité du chocolat, notamment en cette période de fêtes de fin d’année.
La raréfaction de l’offre, couplée à une demande mondiale toujours plus forte, a conduit les producteurs de chocolat à rechercher des alternatives, souvent au détriment de la qualité, une tendance particulièrement visible à Madagascar, où la réputation du cacao fin est un atout majeur. La semaine dernière, le prix du cacao au niveau international a atteint des sommets historiques, dépassant les 12 930 dollars la tonne, un bond de près de 200% en un an. Cette hausse vertigineuse est alimentée par une conjonction de facteurs : des conditions climatiques défavorables, en particulier en Afrique de l’Ouest, où la sécheresse perturbe gravement les récoltes, et des stocks mondiaux au plus bas, atteignant un niveau historiquement bas de 1,3 million de tonnes, soit la plus faible réserve en 36 ans. En parallèle, la demande mondiale, portée par une consommation de chocolat toujours plus importante, notamment durant la période des fêtes, pousse encore davantage les prix à la hausse.
Perte de vertus. Face à cette raréfaction de l’offre, de nombreux producteurs de chocolat se tournent vers des substituts, souvent des produits moins chers, parfois composés d’additifs et d’ingrédients moins nobles. À Madagascar, l’impact de cette crise est particulièrement visible. Le pays, reconnu pour la qualité exceptionnelle de son cacao fin, se trouve désormais confronté à une réalité de plus en plus complexe. Les consommateurs malgaches, experts et amateurs de cacao de qualité, soupçonnent l’ajout de produits de substitution dans certains chocolats, modifiant le goût et la texture, et compromettant ainsi la réputation de ce cacao de prestige. Malgré cette évolution préoccupante, certains producteurs, conscients de l’importance de la qualité de leur production, continuent de miser sur un cacao authentique, refusant de céder à la tentation des additifs. Leur défi est de taille : maintenir un produit de haute qualité dans un marché où la pression des coûts est de plus en plus forte, et où les consommateurs sont attirés par des prix plus abordables, même si cela signifie sacrifier une partie du goût et des propriétés originelles du chocolat. « Je suppose et j’espère que nous ne sommes pas le seul producteur à maintenir cette authenticité dans ce pays. Le vrai chocolat présente de nombreuses vertus, alors que les additifs pourraient causer des effets négatifs sur la santé. C’est pour cela que nous maintenons la qualité, malgré cette crise du cacao », nous a confié Valérie Ravaoharimanana, gérante fondatrice de Gourmandise Chocolat.
Perspectives inquiétantes. Par ailleurs, la situation est d’autant plus alarmante qu’elle touche des pays comme la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui représentent ensemble 55% de la production mondiale de cacao et qui ont même des produits dérivés commercialisés à Madagascar. Bien que l’Organisation internationale du cacao (ICCO) prévoit une récolte plus abondante cette année, les réserves mondiales restent insuffisantes pour répondre à la demande croissante. Les prix continuent de fluctuer, et l’issue de cette crise reste incertaine. Si les conditions climatiques en Afrique de l’Ouest s’améliorent, il est probable que la production ne suffise toujours pas à combler les déficits des années précédentes, ce qui maintiendra les prix à des niveaux élevés, et pourrait encourager encore davantage l’usage de produits de substitution.
Les conséquences de cette crise sont multiples : sur le plan économique, les producteurs de chocolat devront faire face à des marges réduites et à une pression accrue sur la qualité de leur produit. Sur le plan social, les producteurs de cacao, particulièrement dans des pays comme Madagascar, risquent de voir leurs conditions de travail affectées par la fluctuation des prix et la baisse de la demande pour les cacaos de qualité. Enfin, sur le plan gustatif, les consommateurs pourraient être les premières victimes de cette crise, voyant leurs habitudes de consommation modifiées par l’essor des produits moins chers et moins authentiques.
Cette crise du cacao soulève des questions fondamentales sur l’avenir de l’industrie chocolatière. Faut-il sacrifier la qualité au profit de la rentabilité à court terme ? Ou les producteurs parviendront-ils à trouver un équilibre entre préservation de la qualité et gestion des coûts ? En attendant des solutions durables, le consommateur devra naviguer dans un marché de plus en plus polarisé entre excellence et compromis.
Antsa R.