
Mort dans un camp de concentration à Dachau, appauvri et diabolisé par son propre pays, le souvenir de Pierre Aimable Edouard Planque (1893-1945) est moins glorieux que celui de Léon Paul Alfred Dussac (1876-1938). Le point commun de ces deux Français, ils défendaient avec hargne la cause pour la liberté malgache face à l’occupation française. La différence, à part d’être issus de deux milieux sociaux opposés: paysannerie et aristocratie, Planque était pour une liberté totale du pays. Tandis que Dussac, en se rapprochant des leaders malgaches de la lutte politique pour l’indépendance où il pouvait exercer son influence, cherchait la départementalisation de Madagascar à la France. Ses premiers contacts avec Madagascar étaient plutôt humains. Devant les conditions des travailleurs dans les ports, les images des inégalités et la dureté des conditions paysannes que s’est infligée sa famille lui reviennent. Ses actions de plus en plus engagées lui ont valu de perdre son emploi, il se dirige alors vers la capitale. D’un « looser », ils devinrent deux avec Vittori. Le duo va mener des actions auprès des Malgaches pour chasser la France colonisatrice. Sa première arrestation par l’administration de l’époque faisait suite à la manifestation du 29 mai 1929, avec son compère Vittori. Après des allers retours en prison, une sentence lui interdit à tout jamais le sol malgache. En France, le traitement infligé par la justice locale est sans appel. Il vadrouille de geôle en geôle, vers la fin de la deuxième guerre mondiale, son périple se termine à Dachau sous le règne de Vichy. La mort l’y attendait. Libéré de ce poids, Léon Paul Alfred Dussac avait toute la latitude pour influencer les Jean Ralaimongo et compagnie. Bien qu’il risque aussi des peines de prison et des sévices physiques, la position sociale de la famille en France lui permettait de prendre tous les risques. Ce qui lui a valu d’être traité d’espion avec sa morale d’idéaliste parvenu. A la solde d’une France qui voulait garder son influence en interne au moment des grandes décisions des partis pro-indépendance. D’ailleurs, il était écouté par les chefs de file. Au fil des mémoires et des recherches sur la colonisation à Madagascar, son statut d’« ancêtre » des coopérants semble coller à sa mémoire. Le « coopérant » est la personnification du néocolonialisme français post-indépendance. Pour maintenir sa présence sur les terres nouvellement libres, la France assignait par des forcings diplomatiques sous le sceau des accords de coopération des agents pour lui servir de relais. Ainsi, surveiller constamment les orientations politiques des dirigeants. Une pratique courante en Afrique francophone après la « décolonisation », surtout du temps de De Gaulle, la version « space » d’Hitler et son lieutenant Jacques Foccart. Normal si en 1972, les étudiants ont exigé entre autres la fin des accords de coopération. En quelque sorte, il y avait deux Léon Paul Alfred Dussac, celui qui voulait que Madagascar finisse département français. Et l’autre, qui après des années de détention en prison, des attaques financières terribles à son encontre, la mort de sa femme… a fini par admettre que la Grande île méritait son indépendance totale et sans condition. Il meurt à Paris en pleine rue.
Recueillis par Maminirina Rado