
Le cacao malgache, un trésor aromatique aux saveurs du monde
Madagascar, royaume discret du cacao d’exception
Dans l’arène mondiale du cacao, Madagascar joue un rôle à contre-courant. Loin des chiffres astronomiques de la Côte d’Ivoire ou du Ghana — respectivement plus de deux et un million de tonnes par an —, la Grande-île ne produit chaque année qu’entre 15 000 et 20 000 tonnes de fèves. Un volume modeste, mais au goût inégalé. Car ici, plus que la quantité, c’est la qualité qui prime. Le cacao malgache est reconnu parmi les plus fins au monde. Classé « Cacao Fin » par l’International Cocoa Organization (ICCO), il séduit les plus grands chocolatiers par son arôme singulier, parfois décrit comme légèrement amer, aux notes d’agrumes et de fruits tropicaux. Un goût que l’île doit à sa terre volcanique et à une production sans engrais, au cœur d’une biodiversité endémique. Certaines variétés, comme le Criollo, à fève claire, offrent une richesse gustative rare. Même les variétés hybrides issues de croisements entre Criollo et Forastero — moins nobles mais plus résistants — conservent une typicité propre à la vallée du Sambirano, dans le nord-ouest.
Trésor local
Ce terroir unique fait de Madagascar une destination prisée dans le monde du chocolat de luxe. Et même si l’île ne représente même pas 0,5% de la production mondiale, ses fèves se négocient à prix d’or, actuellement à plus de 8,7 euros le kilo, selon les exportateurs. Historiquement, la culture du cacao est profondément enracinée dans les pratiques paysannes locales. Près de 80 % de la production provient de petites exploitations familiales, souvent gérées par des femmes. Ce sont elles qui assurent la cueillette, l’extraction des fèves et leur fermentation, une étape cruciale pour la qualité du chocolat. Selon les opérateurs de la filière, les périodes de récolte s’étendent toute l’année, avec un pic entre mai et novembre. L’impact environnemental de cette filière est également notable. Dans un pays rongé par la déforestation, le nord de Madagascar a su préserver ses forêts grâce aux cacaoyers, qui forment aujourd’hui un véritable rempart vert autour des régions de Diana et du Sambirano.
Prolifération des unités de production. Côté transformation, l’industrie locale s’organise. Pionnière dans ce domaine, la Chocolaterie Robert a été la première à produire dans la Grande-île avec des matières premières locales, vers les années 1940. Mais depuis quelques décennies, les producteurs se multiplient. Parmi les anciens figurent Menakao, dans le secteur industriel et Bij’Or, dans la production artisanale. Mais l’essor du marché local du chocolat a surtout été observé vers 2020, lorsque des marques récentes comme Gourmandise Chocolat ont émergé, misant sur le marketing digital pour conquérir une clientèle nationale et internationale. Une stratégie qui a été calquée par de nombreux artisans chocolatiers, et qui a même inspiré les grandes firmes. Par ailleurs, le projet ODOF (« One District One Factory ») a également permis l’installation d’une nouvelle usine à Ambanja, renforçant les capacités locales de transformation.
Bonne perspective. Malgré une crise mondiale et une raréfaction de ce produit sur le marché local, le cacao de Madagascar pourrait résister aux turbulences, grâce à sa qualité. Avec une demande croissante pour des produits éthiques et traçables, cette filière a de beaux jours devant elle. Une indication géographique protégée (IGP) est actuellement en cours d’étude pour valoriser encore davantage cette production d’exception. De la fève à la tablette, Madagascar trace sa voie : discrète mais précieuse, artisanale mais ambitieuse. Un trésor chocolaté façonné par la nature et les savoir-faire humains.
Antsa R.