
Le Nord est fier de sa langue maternelle. Faisant partie intégrante de sa culture, elle la revendique car le parler antakarana, pour ces concitoyens a une valeur inestimable.
# Célébration
Le 18 juin à Nosy Be, une conférence sur le sujet sera donnée au lycée mixte à 7 h, tandis qu’à Ambilobe, la Maison des personnes âgées sera le siège du débat sur la langue malgache et ses enjeux. Le 21 juin prochain, la grande Maison de la Communication et de la Culture Banja à Antsiranana abritera une manifestation culturelle avec les écrivains et poètes tavaratra suivie de divers interventions des artistes locaux. Le 28 juin, le Centre des Jeunes Miaraka hébergera des activités notamment le kabary, la représentation théâtrale des talents en collaboration avec COPE italien. En dehors de ces organisations, des émissions consacrées à la langue malgache seront diffusées par les radios publiques dans les cinq districts de la région DIANA. Tous les samedis après-midi, des animateurs seront conviés à expliquer des vocabulaires malgaches.

#De l’antsa à l’écrit
Le parler du Triangle du nord est constitué de trois dialectes, à l’est le Betsimisaraka, à l’ouest le Sakalava bemihisatra et bemazava, au centre l’Antakarana. Bien entendu ce mélange s’avère une richesse. De surcroît, les habitants s’entendent très bien. Certes, la littérature est orale, basée sur les chants du terroir, décrivant l’ambiance du quotidien, et le jijy composé de rimes improvisées et rythmées ainsi que le gomalahy signifiant chœur d’hommes. Ces arts ont perduré, traversent les époques, depuis la période précoloniale jusqu’en 1950. Les instruments de musique utilisés étaient le tambour, et l’accordéon. Selon Daniel Jery, un apprenti musicien, descendant d’un griot d’Iharana : « Il a fallu attendre les années 1950 pour que les mélomanes des villages environnants puissent gratter pour la première fois une guitare. 20 ans après, l’avènement des instruments électriques ont révolutionné la musique dans le nord ». En effet, la mélodie composée n’était que le décor, les auditeurs écoutaient surtout les paroles. Le fond littéraire s’avère une diversité linguistique. En revanche, rares étaient des auteurs tavaratra dans les années 1970-1980, au-delà de ceux qui écrivent en français. Le premier livre scolaire écrit par un natif était Jao sy Mboty. Les ouvrages en parler antakarana ou en sakalava étaient quasi-inexistants. Néanmoins, les érudits ont effectué des recherches sur la phonétique. Celle-ci, jusqu’à présent, est souvent remise sur la table de débat.

#Les écrivains du moment
Les avis des enseignants chercheurs divergent ! En parallèle, la génération 1990, en l’occurrence les passionnés des belles-lettres, se veut innovatrice. Ayant grandi dans la courte période du « Faritany mizaka teña », elle a naturellement été imbibée de discours éloquents des autorités locales, « Nous sommes autonomes sur tous les domaines ». Bien entendu, la culture en fait partie. Depuis, les Amad Tombovelo Zayad et les Momo Jaomanonga ainsi que les Cerveau Kotoson s’intéressent à la poésie en s’inspirant des jijy, des contes, et les légendes de la partie septentrionale. Après 20 ans de griffonnage, ils proposent leur toute première œuvre littéraire made in Ankaraña. Pour les sceptiques, il s’agit d’une réaction tardive étant donné que plus d’un quart de la population locale est plongée dans le monde numérique. Les optimistes, quant à eux, félicitent le courage de ces poètes-écrivains contemporains. Sous un autre angle, ces militants culturels ont hérité du concept des gardiens de la tradition et les vieux animateurs de radio à savoir Mama Suzette de la radiom-paritry de Diego-Suarez, Jaoravoaña Paul alias Paul Kongo, David Jaomanôro ou encore Velo Zamandrazafy surnommé Velo To Quick. Oui, ces personnages ont bercé plus de deux générations. Exceptée la conteuse Suzette, les trois grands hommes ne sont plus de ce monde. Leur héritage demeure vivant à travers les jeunes générations. La relève semble assurée. Effectivement, des jeunes écrivains surgissent actuellement. Tom Poezy figure dans la liste. Ce benjamin, inspiré par les proses de ses aînés, se lancent dans le domaine mais à sa manière, en mixant le jijy et le slam, cet étudiant en Langage et Communication Numérique de l’Université d’Antsiranana a d’une certaine manière façonné sa propre marque de fabrique. Par ailleurs, une autre contribution importante au parler Antakarana est récemment sortie. « La communauté de dialecte Antakarana à Madagascar, essai d’ethnolonguistique » a été publié 12 juin dernier. Écrit par l’anthropologue français Laurent Berger et le linguiste enseignant chercheur de l’Université d’Antsiranana Pierre Ernest Mbima, cet ouvrage dégage l’aspect culturel et le parler antakarana dans tous ses états.

En somme, l’histoire de la littérature de la partie septentrionale de Madagascar foisonne d’expressions inédites. Elle est jalonnée de légendes. Elle fleurit !
Iss Heridiny