Dans le lexique du karaté, il y a l’« okuri-ashi-barai ». Un type de balayage spectaculaire, pouvant causer des dégâts (blessures et fractures) souvent dangereux à un combattant. D’une certaine manière, l’annonce de l’application à partir du 1er juillet de la TVA à 20% sur les intérêts de prêts bancaires a été un « okuri-ashi-barai » pour les clients des banques primaires telles que BNI, BOA, BRED, ou BMOI entre autres. La population a une connaissance générale des établissements bancaires en activité à Madagascar. Cette application de la loi des finances 2025, donc votée au Parlement par des députés, a enflammé les réseaux sociaux, notamment Facebook, ce week-end. Et les réactions ne se sont pas faites attendre. « Si cette loi a été votée, cela veut dire que la majorité a accepté, il n’y a pas d’excuse, c’est comme tuer le peuple », s’indigne Andry Tahina Haridzery. « Vous êtes perdues les banques, personne ne contractera plus de prêt », envisage à chaud, apparemment, Rija Ralaikoa. « C’est notre salaire qui vous paie, cher pouvoir, c’est notre sueur, mais vous ne faites que nous plumer », ajoute Ary Voara Randrianantoandro. Des milliers de réactions similaires ont été publiées par des comptes authentifiés, pas des trolls (faux comptes ou mercenaires numériques) qui cherchent à relativiser ou à minimiser cette décision économique. Ce qui veut dire que l’opinion, dans sa majorité, est contre cette nouvelle mesure. Il n’y a pas d’autres explications, pas de compréhension biaisée ou bancale. Tout le monde a capté que ce sont les intérêts qui sont taxés de 20%, pas le montant emprunté. Cette taxation est loin de réjouir les contribuables. En France, des experts économiques reconnus par les « think-tank » et les médias spécialisés conscientisent le contribuable français sur cet état de fait. Chez ces spécialistes financiers, la logique est simple : la multiplication des taxes sur le peuple est le signe d’un État ultra-endetté. La situation semble grave car aucun impact réel et significatif dû à une hausse des taxations n’est perçu dans le pays notamment sur l’état général des routes, la couverture santé, la sécurité dans les villes, le coût de la vie, etc. Récemment le chef du gouvernement français a déclaré que son pays était en faillite. À Madagascar, rares sont ceux qui mesurent concrètement l’usage du crédit bancaire par les ménages, notamment pour financer la rentrée scolaire, les vacances, les cérémonies traditionnelles comme les circoncisions d’hiver, ou encore les activités agricoles. Les transporteurs urbains et nationaux, les petites entreprises de services informatiques, ou encore les épiceries, ont également recours aux prêts bancaires. Personne n’ira vérifier les tensions déjà dans ces familles avec la situation actuelle, alors ajouter cette taxe à 20%. Dans de nombreux quartiers populaires, des témoignages signalent une précarisation extrême poussant certains jeunes à la prostitution. Ces lycéennes et lycéens sont contraints de décharger quelque peu les parents. L’exode rural accroît l’insécurité dans les cités urbaines. Nombreux sont les suspects arrêtés dans les quartiers de concentration de la migration rurale à Tananarive ces derniers temps. Toutes les vies comptent : ce sont ces emprunteurs qui permettent à l’économie malgache de se maintenir à flot.
Maminirina Rado