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samedi, août 2, 2025
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Ody gasy, vorika, mosavy : La persistance de la croyance malgache

Miharitiana Rakotonirina s’intéresse à la culture malgache ancienne

Depuis longtemps, ce savoir-faire jalousement gardé intéresse les érudits, notamment les chercheurs en sciences humaines et sociales. « Cela dépend de l’opinion de chacun. Du point de vue scientifique occidental, la sorcellerie est souvent considérée comme une superstition, dans la mesure où elle ne repose pas sur des preuves empiriques mesurables. Mais en anthropologie, la sorcellerie n’est pas jugée en termes de « vrai » ou « faux » : elle est un fait social, une manière d’expliquer le malheur, d’exercer du pouvoir, de réguler les tensions sociales et de relier les humains aux forces invisibles. Dans le contexte malgache, le mosavy n’est pas un simple folklore : c’est un système de savoirs, une cosmologie ancrée dans l’histoire, la nature et la mémoire culturelle », a expliqué La doctorante en Anthropologie socio-culturelle à l’Inalco Paris, Miharitiana Rakotonirina.

Sampy, ody gasy, gri-gri, peu importe les noms qu’on leur attribue, sont des objets, des boissons ou de l’eau de toilette. Quelle que soit la forme, solide, liquide, ou gazeux, c’est sacré, il améliore les conditions de vie. Ça peut être une feuille qui orne la chemise lors des entretiens d’embauche, cette petite baguette qui aide l’étudiant à se rappeler des formules mathématiques pendant l’examen, ces petites statuettes qui ornent les quatre coins des bureaux pour ne pas être éjecté de la chaise berçante ministérielle… Ce sont toujours des armes ultimes au XXIème siècle. Toutefois, le vorika et le mosavy, sont tout autre chose.

Le moara a pour fonction de protéger les croyants

« Radar archaïque », une « technolojiaaa » à l’ancienne. Les adeptes le croient, ils sont comme un conducteur guidé par son GPS. Valeur sentimentale pour les uns, sorcellerie pour les autres, elles témoignent de la connaissance ancestrale. Il assure le présent et prévoit l’avenir, et incarne le sacré. Par ailleurs, les aïeux ont établi la différence entre le bien et le mal. Les astrologues, les devins et les voyants sont totalement aux antipodes des mpamosavy, les sorciers.

Le tanguin a un fruit

L’empoisonnement et le mosavy, la nuance.

Miharitiana Rakotonirina, avance justement son point de vue, « le mosavy ne recourt pas aux objets « modernes » ! Il s’agit d’un lien étroit avec les esprits de la nature, ceux qui sont rejetés par la société : les vazimba, les lolo, les kalanoro… En fait, le mpamosavy ne collabore pas avec les esprits royaux ou les esprits des notables, qui sont eux, considérés comme bienfaisants ».

Dans la revue Taloha n⁰14-15 paru le 28 septembre 2005 , « A la découverte de quelques éléments de la sorcellerie en Imerina (Madagascar) », le Pr Malanjaona Rakotomalala, anthropologue, écrit : « un vorika peut être aussi un empoisonnement volontaire par les aliments, fait sur quelqu’un et à son insu. Pour distinguer alors l’attaque par les aliments des autres types de sorcelleries, les populations merina la dénomment plus précisément par vorika an-kanina, « sorcellerie par les aliments », vorika an-tenda, sorcellerie à la gorge, ou encore voankanina, atteinte-par-les-aliments. Elle peut se faire de manière directe, en mélangeant du poison dans une boisson ou dans un repas ». Quant au tangena (tanguin) ou l’arbre Cerbera manghas, il s’agit d’un poison végétal offert à une personne coupable du temps du royaume Merina. L’accusé, pour prouver son innocence, devait le boire. Dans la plupart des cas, les incriminés meurent. De fait, le roi Radama II met fin en 1861 au procédé. Le lombiro ou arbre à latex est connu pour sa toxicité. Cette plante vénéneuse se trouve dans la partie nord et nord-ouest de la Grande-Île. « La confusion des noms entre ces lombiro a été à l’origine de nombreuses intoxications. Les écorces des cryptostegia étaient employées comme ody mahery ou ody mosa-vin’olona, c’est-à-dire pour les homicides volontaires ou accidentels. Le latex ajouté à du lait était aussi souvent un poison utilisé à des fins criminelles » (Aebi (A.) et Reichstein (T.) Helv. Chim. Acta 33-34 (1950) . 1013-1034).

Bref, les cas d’homicide intentionnel commis au moyen des plantes locales sont reconnus comme vorika.

L’arbre vénéneux

Les amulettes. Au début de la colonisation, ces objets sont considérés comme des ustensiles de la sorcellerie. Ceux qui les vénèrent sont jugés superstitieux. À cette époque, la religion traditionnelle était considérée comme l’image d’un passé. Cependant, l’historienne Aline Tathi Rahanitramalala précise que du temps du gouverneur général Victor Augagneur, les autochtones ont été incités à revenir aux sources. « C’est une politique coloniale. Alors les cérémonies culturelles comme le fitampoha ont été autorisées durant cette période ». Cette pratique demeure pourtant un moyen de revendication identitaire. S’en débarrasser était hors de question. Des témoignages révèlent même que les fétiches servaient à se protéger des balles pendant l’insurrection du 29 mars 1947. La deuxième moitié des années 1950 est le début de la revendication sur tous les plans. Les autochtones, en l’occurrence ruraux, affichaient d’une façon ostentatoire leur « porte-bonheur».

Certes, cette culture a perdu quelques éléments, mais n’a pas pour autant perdu son charme en raison de sa racine bien implantée.

Le mosavy et le sampy perdurent de nos jours, quoique différents savoir-faire s’empilent au fil des siècles. Apparemment, la base est restée presque intacte. Actuellement, des jugements et des accusations contre les traditionalistes remplissent les fils d’actualité des réseaux sociaux. L’ironie de l’histoire, les accusateurs, lorsqu’ils sont atteints d’étranges maladies, viennent frapper à la porte des devins-guérisseurs pour se soigner !

Iss Heridiny

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