
Le feuilleton sur les cinq Boeing 777 livrés à l’Iran est loin d’être terminé. Le gouvernement réaffirme sa détermination à faire toute la lumière sur ce dossier, dans le souci de lever tout soupçon et de restaurer sa probité, à la suite du limogeage de Valery Ramonjavelo.
Le gouvernement tente de reprendre le contrôle d’une affaire qui menace sérieusement la crédibilité de l’État sur la scène internationale. En affirmant publiquement, hier, que ni lui ni le président de la République n’étaient informés de l’opération d’achat et de livraison de cinq Boeing 777 à la compagnie iranienne Rahan Air, le Premier ministre Christian Ntsay a pris ses distances avec un dossier explosif. « Le président et moi ne sommes pas au courant de cette opération », a-t-il déclaré hier, lors de la passation de service avec le ministre sortant des Transports, Valery Ramonjavelo.
Réseau parallèle
Au-delà du limogeage de ce dernier, cette déclaration marque une tentative manifeste de déresponsabilisation de l’exécutif, à un moment où l’affaire fait beaucoup de bruit au niveau international. Le recours annoncé aux services du FBI, d’Interpol et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) illustre la gravité du scandale et la volonté du gouvernement de montrer sa bonne foi face à une affaire qui dépasse les seules frontières malgaches.
Quoi qu’il en soit, cette affaire soulève des interrogations fondamentales sur la gouvernance et les circuits de décision au sein de l’appareil d’État. Comment une opération de cette ampleur, impliquant des avions gros porteurs, des certifications internationales et des livraisons transcontinentales, a-t-elle pu être menée à bien sans l’aval, ni même la connaissance, des plus hautes autorités ? Ce vide de responsabilité institutionnelle soulève la possibilité d’un réseau parallèle opérant à l’ombre de l’État.
Etats-Unis
La dimension géopolitique ne saurait être ignorée. En raison des sanctions internationales pesant sur l’Iran, cette livraison d’appareils civils pourrait être interprétée comme une tentative de contournement des dispositifs internationaux de régulation, exposant Madagascar à des représailles ou à une mise sous surveillance renforcée. À l’heure où la Grande île cherche à renforcer ses relations avec les bailleurs internationaux, notamment avec les Etats-Unis et dans le cadre de la SADC ainsi que des institutions multilatérales, ce faux pas pourrait entamer la confiance des partenaires.
L’urgence désormais est double, restaurer la confiance de l’opinion publique nationale, et limiter les dégâts diplomatiques à l’étranger. La stratégie gouvernementale consiste clairement à isoler les responsabilités, en externalisant l’enquête à des acteurs étrangers, tout en dégageant les plus hautes sphères de l’État de toute implication directe. Mais le limogeage de Valery Ramonjavelo, présenté comme une mesure de rupture, pourrait ne pas suffire à éteindre la polémique, tant que les « cerveaux » de l’affaire n’auront pas été identifiés et sanctionnés.
Rija R.