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mercredi, août 20, 2025
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Dégradation de la forêt de Tapia : La filière du « lamba landy » en danger

Les textiles en soie sauvage ou « landibe » seraient-ils en voie de disparition ?

La soie sauvage et la consommation de vers à soie font partie de la culture malgache. Le landibe, un ver à soie sauvage endémique de Madagascar, revêt une grande importance culturelle pour les Hautes Terres malgaches, notamment dans les pratiques funéraires et artisanales. Sa soie est utilisée pour confectionner des linceuls (lambamena) pour les défunts, et de nos jours, elle est également transformée en écharpes, en étoles, en chapeau, et autres accessoires, appréciés par les touristes et une frange de la population locale, estimée par certains comme les élites de la société.

La filière est en danger.

L’année dernière, Angeline Alice Rasoanirainy, présidente de la plateforme Landin’Itasy, une plateforme qui regroupe un milliers d’acteurs de la filière soie sauvage ou « landy » de cette région, avait récolté 200 kg de chenilles à cette période. Cette année, elle n’a encore rien récolté. D’ailleurs, il y a quelques années, sept ans environ, d’après ses souvenirs, elle aurait facilement récolté une tonne de ces vers à soie sauvage durant les deux périodes de récolte annuelles, la récolte d’hiver et celle de la saison pluvieuse.

Les commandes de produits en soie sauvage ont considérablement réduit, à cause de la hausse des prix. « Nous avons eu une commande de 600 pièces d’écharpes une fois, juste pour une sortie de promotion », se souvient Alice Angeline Rasoanirainy, « mais les commandes importantes comme celles-ci sont isolées puisque les produits sont maintenant considérés comme hors de prix ».

« Lors des périodes difficiles, la totalité de nos commandes annuelles dépassent péniblement les 400 pièces, une situation récurrente ces dernières années », poursuit-elle.

Viviane Razaiarimanana, issue d’une lignée de tisserandes, avoue que sa production a été réduite de moitié cette année. « Cela est dû en premier lieu au manque de matière première », précise-t-elle. Les landibe sont devenues rares alors que ce sont les plus appréciées dans la fabrication de textile en soie. Des élevages de soie importés de Chine se font aussi mais ils sont moins appréciés que les landibe, plus chaud.

Des sources de revenus menacées

L’enjeu est d’autant plus grand que la filière de la soie sauvage est composée de six chaînes de valeurs, et fait vivre en majorité des familles vulnérables. D’après Alice Angeline Rasoanirainy, 2% uniquement des tisserands sont des hommes. Toutes les femmes de la filière sont donc menacées d’inactivité, d’autant plus que ce métier se transmet de génération en génération. Il y en a qui sont obligées de se ruer vers le tissage synthétique, ne sachant faire que cela.

Mais d’où vient cette pénurie du landibe ?

La culture du landibe nécessite la préservation de son habitat, l’arbre Uapaca bojeri, ou l’arbre tapia, car sa dégradation affecte la production de soie. La soie sauvage est en effet produite par un ver endémique qui se développe sur cet arbre. La forêt claire de tapia est un écosystème endémique de Madagascar. La plus grande forêt de tapia se trouve à Arivonimamo. Il va sans dire que les forêts de tapia jouent un rôle écologique important, notamment dans la régulation de l’eau et la protection des sols contre l’érosion. Cependant, sa surface a considérablement été réduite. Il ne reste plus aujourd’hui que 5 000 ha de cette forêt qui auparavant était de 10 000 ha.

L’humain au cœur de la dégradation de la forêt de Tapia

« Depuis l’invasion des sauterelles, il y a quelques années, les forêts de tapia sont soumises à des pressions énormes, notamment à cause des dispositions prises pour contenir ces sauterelles », se rappelle Alice Angeline Rasoanirainy. Les produits pulvérisés dans la forêt pour éradiquer ces sauterelles auraient été nocifs aux vers à soie. Ceux qui ont consommé les grains de tapia contaminés ne sont plus productifs.

De plus, les vers à soie sauvages sont aussi comestibles. Une grande partie est donc consommée par les humains.

Par ailleurs, cette forêt, bien que incluse dans une aire protégée, subit d’importantes dégradations :

  • Les feux, souvent d’origine humaine, détruisent les arbres et altèrent la capacité de régénération de la forêt, surtout avec des feux répétés. 
  • Le bois de tapia est massivement utilisé pour le bois de chauffe et la production de charbon, entraînant une déforestation. 
  • Certaines espèces introduites, comme certains pins, concurrencent les espèces locales et perturbent l’équilibre écologique.
  • La cueillette excessive de produits comme les fruits du tapia ou l’écorce peut affecter la régénération de l’arbre. 
  • Les communautés qui vivent à l’intérieur de ces forêts cultivent des terrains au sein même de la forêt, aggravant la déforestation.

Un cahier des charges, comportant les devoirs et obligations de ces communautés locales dans la préservation de la forêt de Tapia existe. Le contrôle du respect de ces charges n’est cependant pas encore rigoureux même si des agents forestiers ont été mis à contribution, selon la présidente de Landin’Itasy. Les personnes en manque de ressources, ne choisissent plus les moyens de subvenir à leur besoin, quitte à détruire leur environnement.

Les solutions imaginées.

Il est évident que la survie de la filière des vers à soie sauvage dépend de la préservation de la forêt de tapia. Des solutions ont été déjà imaginées :

La sensibilisation des VOI, les populations locales, les premiers concernés dans cette préservation est prévue, mais ces derniers sont encore assez difficiles à convaincre.

La plateforme Landin’Itasy a procédé à un reboisement de l’arbre tapia il y a trois ans. 1 600 pieds de cette espèce ont été plantés. Seuls 300 pieds ont survécu, cette espèce étant très difficile à élever.

La plantation de “taretra” ou sisal, fibre végétale extraite des feuilles de l’Agave sisalana est encouragée. Cette fibre est souvent utilisée pour la vannerie, la fabrication de cordages, etc.

Enfin, la plateforme Landin’Itasy travaille actuellement à l’élaboration d’un partenariat avec le programme PADDI (Programme d’Appui au Développement Durable et Intégré), mis en œuvre par la GIZ Madagascar en collaboration avec le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD). Ce programme vise à rechercher un équilibre entre les trois piliers du développement durable, économie, société et environnement, à travers des solutions intégrées répondant aux besoins des communautés vivant en périphérie des aires protégées.

Dossier réalisé par Hanitra Andria

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