
Le concert de l’année dans la ville des Mille, avec Erick Manana et Joël Rabesolo assisté par Benny, Nini et Kôlibera au Cc Esca Antanimena samedi. La majesté du terroir à la rencontre du jazz, du blues et du rock.
L’affiche laissait déjà place à une imagination de toutes les possibilités musicales. Puis voir Erick Manana et Joël Rabesolo sur une même scène au Cc Esca Antanimena samedi après-midi en live, c’est le spliff puissant, sincère, vivant avec une propension à scotcher tout mélomane averti sur son siège. « Je crois que nous n’avons pas vraiment eu le temps de faire de grandes répétitions », lance Joël Rabesolo en coulisses, le regard malicieux et souriant. Cela ne s’est pas senti sur scène. Aucun couac, seule cette sensation d’enivrement maîtrisé, enfoui dans les frissons « mystiques » du blues, des genres a capella du deep south malgache, des « antsa » sakalava… Une musique de l’âme. Le public est happé malgré des mini larsens à réviser, peu nombreux pour le décourager. La rencontre des deux « guitar-heroes » prend son premier sens sur une lecture temporelle. Rencontre de deux générations. Sûrement, Joël Rabesolo jouait encore aux figurines de soldats quand Erick Manana sillonnait déjà le pays avec son groupe d’origine, Lôlô sy ny Tariny, dans les années 70. Le folk imprimait sa loi sur les tendances musicales du centre de Madagascar, « aire » géographique et culturelle au plus grand nombre de consommateurs mélomanes. Le rock et ses pendants, le jazz, la « variété avec synthétiseur » prenait plus d’espace dans le paysage audio-visuel. Quand devenu adulte, Joël Rabesolo s’est affirmé grâce à un concours de jazz, ce genre avait déjà toute sa place et un festival majeur. D’où ce jonglage samedi au Cc Esca de guitare électrique aux sonorités softs pop/jazz et guitare acoustique sur des titres tels « Zoke », « Karabato » un solo fiévreux si c’est, sans se tromper, en « guitare midi », « Maloya »… D’un coup, « Voninkazo adaladala » prend une cure de rajeunissement naturel folk-pop et jazz/rock sur les bords. Le solo flottant de Joël Rabesolo fait perdre un chouia de charme rustique au morceau mais l’enrichit en complexité et en volume. Appuyé par l’immense Erick Manana et sa tessiture vocale. La sensation est sans doute similaire à celle d’arriver au sommet d’Imarivolanitra après une marche exténuante, d’y être accueilli par un vent enveloppant, indomptable et un paysage sans fin à couper le souffle. Moment unique, suspendu. « Erick Manana, les Mahaleo et d’autres, il n’y a plus personne qui fait leur genre de musique… Avec Erick Manana, je retrouve encore la manière de chanter d’antan, l’angola, je n’ai pas de termes techniques pour le dire mais c’est bien cela, l’angola », reconnaît fièrement Joël Rabesolo. Erick Manana a aussi fait monter sur scène, Benny, son acolyte chez Lôlô sy ny Tariny, Nini et Kôlibera pour entonner les titres de Razilinah et Feo Gasy. La salle, toujours preneuse, chantait, criait, exultait… Dama, du groupe Mahaleo, attendait un créneau dans le jardin du collège, non loin du groupe électrogène à cause des délestages intempestifs,une réalité qui en dit long sur le niveau de développement du pays. Erick Manana et Joël Rabesolo, dans le top 3 du concert de l’année 2025 à Tananarive.
Maminirina Rado