
Les revendications populaires visant la dissolution du Sénat et de la Haute Cour Constitutionnelle (HCC), ainsi que la démission du président de la République, dans le cadre strict de la Constitution, ne peuvent intervenir qu’au prix d’une révision constitutionnelle ou d’une décision volontaire du chef de l’État. Mais une autre question se pose aujourd’hui : que se passerait-il si la rue, par la force du nombre et de la mobilisation, imposait la chute des institutions en dehors de toute procédure légale ?
Rupture institutionnelle
Si les manifestations venaient à renverser le Sénat, la HCC ou la Présidence sans respecter les règles constitutionnelles, Madagascar basculerait dans ce que les juristes appellent une situation « extra-constitutionnelle ». Concrètement, cela signifie que la Constitution de 2010 ne s’appliquerait plus, ou seulement de manière partielle, et que le pays entrerait dans une période de vide institutionnel. Ce scénario n’est pas inédit. L’histoire politique malgache a connu plusieurs épisodes similaires : en 1991, le régime de Didier Ratsiraka a cédé face aux Forces vives, ouvrant une transition ; en 2002, la crise post-électorale a entraîné un double pouvoir entre Marc Ravalomanana et Didier Ratsiraka avant que le premier ne s’impose ; en 2009, Andry Rajoelina a pris la tête de l’État après la démission de Marc Ravalomanana, donnant naissance à une Haute Autorité de Transition. Dans chacun de ces cas, le droit a cédé devant la légitimité politique revendiquée par la rue ou imposée par l’armée.
Conséquences immédiates
Un basculement hors du cadre constitutionnel aurait des répercussions rapides. Les institutions actuelles perdraient leur légitimité, et une autorité de transition – gouvernement provisoire, comité de salut national ou direction militaire – émergerait pour combler le vide. Cette transition, quelle que soit sa forme, ne bénéficierait que d’une légitimité de fait. Sur le plan diplomatique, la réaction internationale serait déterminante. L’Union africaine, la SADC, les Nations unies ou encore l’Union européenne ont souvent sanctionné Madagascar lors de précédents changements anticonstitutionnels, par des suspensions de coopération ou des gels de financements. À l’intérieur du pays, l’absence de cadre légal renforcerait l’incertitude juridique, fragiliserait l’économie et accentuerait le rôle de l’armée comme arbitre du rapport de forces.
Feuille de route
Deux perspectives principales s’ouvriraient alors. La première est celle d’une transition prolongée, marquée par l’incertitude et par un pouvoir de fait, sans légitimité durable. La seconde est celle d’une refondation : sous la pression conjointe de la rue et de la communauté internationale, un accord pourrait être trouvé autour d’une feuille de route prévoyant l’organisation de nouvelles élections et, éventuellement, l’adoption d’une nouvelle Constitution.
L’expérience a montré que Madagascar a souvent fini par emprunter cette seconde voie, mais après de longues périodes de tensions, de paralysie politique et de difficultés économiques.
Crise de confiance
Derrière ces scénarios, c’est une crise de confiance profonde qui s’exprime. Le rejet du Sénat, de la HCC et de la Présidence traduit une contestation de la légitimité des institutions plus qu’une simple opposition à leurs règles de fonctionnement. Quand le droit apparaît verrouillé et incapable de répondre aux attentes, la rue cherche d’autres moyens de se faire entendre, au risque de provoquer une rupture brutale.
Ce qui se joue désormais dépasse donc la question juridique. L’enjeu est de savoir si le pays saura trouver une réponse politique capable de canaliser cette colère dans un cadre institutionnel, ou s’il s’engagera dans une nouvelle transition extra-constitutionnelle, avec les incertitudes et les risques que cela comporte.
Jeremy R.



Rainilainga a bien détruit les institutions par sa pratique du pouvoir ne respectant pas l’état de droit et la démocratie . La légitimité populaire dans ce cas de figure l’emportera sur la légalité de façade . La meilleure issue c’est le schéma similaire de la convention de Panomara avec l’organisation d’élections présidentielles anticipées emportant en préliminaire toutes ces institutions décriées !