- Publicité -
lundi, octobre 27, 2025
AccueilDossiersOnja Mickaël Rahelison : À Madagascar, l’application des normes reste encore inégale

Onja Mickaël Rahelison : À Madagascar, l’application des normes reste encore inégale

DGA du Cabinet PHAOS – président IECQ du NEC Madagascar – expert en réseaux électriques et systèmes anti-fraude, Onja Mickaël Rahelison, lors de son entretien avec l’équipe de Midi Madagasikara a avancé des solutions sur la crise énergétique à Madagascar.

Midi Madagasikara : En tant qu’expert en réseaux électriques, comment analysez-vous aujourd’hui la situation du réseau de distribution à Madagascar ? Quelles sont, selon vous, les principales causes techniques qui aggravent la crise énergétique actuelle ?

Onja Mickaël Rahelison : Le réseau de distribution électrique à Madagascar est aujourd’hui vieillissant et saturé. Conçu il y a plusieurs décennies, il ne répond plus aux besoins actuels du pays. Les lignes sont surchargées, les transformateurs dépassés, et beaucoup d’équipements ne respectent plus les standards internationaux. Sur le terrain, les équipes font un travail admirable, mais elles interviennent souvent après les pannes, faute d’outils de supervision modernes et de moyens suffisants pour entretenir ou anticiper. Les causes sont multiples : infrastructures vétustes, pertes importantes en ligne, et manque de coordination entre production, transport et distribution. Ces faiblesses entraînent des coupures fréquentes et une qualité de service instable. Aujourd’hui, notre réseau fonctionne, mais est à bout d’effort. Pour retrouver un service fiable et durable, il faut passer d’une logique de réparation à une logique de prévention et de modernisation, fondée sur la norme, la planification et l’efficacité.

M.M : La crise que traverse le pays met en lumière les faiblesses du système électrique. Comment la maîtrise des pertes techniques et la lutte contre la fraude peuvent-elles contribuer à atténuer cette crise et à stabiliser l’approvisionnement national ?

OMR :  La crise énergétique à Madagascar ne vient pas seulement d’un manque de production. Une part importante de l’électricité disponible se perd avant d’arriver aux consommateurs. Ces pertes, qu’elles soient techniques ou liées à la fraude, fragilisent le système et aggravent la crise. Les pertes techniques découlent d’un réseau vétuste et mal entretenu ; les pertes non techniques, de la fraude et des branchements illégaux, qui pèsent lourdement sur la stabilité financière du secteur. Il faut rappeler qu’il est en moyenne trois fois moins coûteux d’économiser 1 kWh en réduisant les pertes et en améliorant l’efficacité du réseau que d’en produire. La priorité doit donc être de rénover, fiabiliser et sécuriser le réseau, tout en instaurant une tolérance zéro face à la fraude.

M.M : Quelles solutions innovantes, technologies intelligentes, digitalisation, automatismes, maintenance prédictive, pourraient améliorer la fiabilité et la performance des réseaux à court et moyen terme ?

OMR :  La modernisation du réseau électrique à Madagascar doit se faire sur deux horizons : agir vite pour stabiliser le service et préparer l’avenir à travers une réforme structurelle. À court terme, la priorité est de réduire les pertes et la fraude grâce à des technologies déjà disponibles. Fort de mon expérience dans une entreprise internationale spécialisée dans les systèmes anti fraude pour l’Afrique, j’ai pu constater leur efficacité. Ces solutions incluent des boîtiers aériens sécurisés, des câbles anti fraude limitant les repiquages en amont du compteur, et des kits de sécurisation assurant un comptage fiable. À moyen terme, Madagascar doit évoluer vers un réseau intelligent (Smart Grid), capable de communiquer, d’anticiper et de s’adapter.

M.M : En tant que président de l’IECQ du NEC Madagascar, quel rôle les normes de qualité, d’inspection et de certification peuvent-elles jouer dans la professionnalisation du secteur électrique et la réduction des risques techniques et financiers ?

OMR :  Les normes sont un pilier fondamental du développement énergétique. Elles garantissent la sécurité des personnes, la fiabilité des équipements et la durabilité des investissements. Dans le secteur électrique, leur respect n’est pas un simple cadre administratif : c’est une exigence technique et une condition de confiance pour les opérateurs comme pour les partenaires financiers. À Madagascar, l’application des normes reste encore inégale, surtout pour les produits importés. L’absence de contrôle systématique entraîne l’utilisation d’équipements non conformes, souvent à l’origine de pannes précoces et de risques accrus pour les infrastructures. Il est donc indispensable de renforcer le cadre national de normalisation et de contrôle qualité, en collaboration avec toutes les parties prenantes – régulateur, opérateurs, institutions techniques et partenaires internationaux comme l’IEC – afin d’assurer un système électrique fiable, sûr et durable.

M.M : Quels sont, selon vous, les leviers prioritaires pour renforcer les capacités des techniciens, ingénieurs et institutions publiques afin d’assurer une meilleure gestion des réseaux électriques et des systèmes de contrôle ?

OMR :  Le principal défi du secteur électrique à Madagascar n’est pas seulement technique, il est avant tout humain et institutionnel. On peut disposer des meilleures technologies, mais sans compétences solides pour les exploiter et les maintenir, le système restera fragile. Il faut former et valoriser les techniciens et ingénieurs, à travers des programmes pratiques et continus, alignés sur les standards internationaux, notamment ceux de l’IEC. Le pays doit aussi bâtir un écosystème de compétences nationales, impliquant opérateurs, régulateurs, centres de formation et partenaires internationaux. Chaque projet énergétique devrait inclure un transfert de savoir-faire pour garantir la pérennité des installations. Investir dans les compétences locales, c’est assurer la stabilité, l’autonomie et l’avenir énergétique de Madagascar.

M.M : Comment imaginez-vous le système électrique malgache à l’horizon 2035 ? Quels changements structurels et technologiques sont nécessaires pour bâtir un réseau moderne, sécurisé et durable au service du développement national ?

OMR :  À l’horizon 2035, la modernisation du réseau électrique à Madagascar restera un chantier complexe, mais c’est une étape primordiale pour garantir la stabilité et la sécurité énergétique du pays.

Le réseau actuel, vieillissant et fragile, doit évoluer vers une infrastructure plus fiable, interconnectée et adaptée à la croissance de la demande. Cette transformation ne se fera pas du jour au lendemain, mais elle doit commencer dès maintenant. L’enjeu est de bâtir progressivement un réseau intelligent, capable d’anticiper les pannes, de suivre les flux en temps réel et d’équilibrer la distribution selon les besoins réels.

Parallèlement, la diversification du mix énergétique — hydroélectricité, solaire, biomasse et stockage — est essentielle pour réduire la dépendance aux thermiques et renforcer la résilience du système. À terme, il s’agit de poser les bases d’un modèle énergétique national solide, soutenu par une vision claire, une gouvernance efficace et une planification rigoureuse. Ce réseau de demain devra être un outil de développement, capable d’accompagner la croissance économique et d’améliorer concrètement la qualité de vie des Malgaches.

Propos recueillis par Iss Heridiny

- Publicité -
Suivez nous
419,278FansJ'aime
14,461SuiveursSuivre
5,417SuiveursSuivre
1,920AbonnésS'abonner
Articles qui pourraient vous intéresser

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici