« Tsy ho bado », nouvelle compilation disponible sur le site « Kolotsaina Mainty », réunit une pléiade de voix puissantes du rap malgache. 16 titres brûlants, entre textes incisifs et productions originales, le manifeste de la vision d’une jeunesse lucide et engagée.
« Vary gasy » de Takodah & Ngah Be. « Madafaka » de Da Hopp. Et maintenant « Tsy ho bado ». Ces trois albums sortis dans un intervalle de trois décennies sont les trois manifestes incandescents du rap malgache, en attendant d’autres. En dernières salves, « Tsy ho bado » diffusé en streaming sur le portail « Kolotsaina mainty » depuis la semaine dernière s’impose. A grand rassemblement de MC’s et de textes conscients derrière les lignes du politiquement correct. Dans le sillage de ses aînés, cette compilation interpelle, accuse, juge, réconforte… C’est la jeunesse consciente d’aujourd’hui qui parle à travers ses mots et ses idées. Puisqu’il ne faut pas « avoir un pied dans la tombe » pour améliorer l’avenir du pays et il ne s’agit ni d’âge ni de naïveté. La voix de cette jeunesse doit primer, car elle sera la première à assumer les dettes contractées par les républiques successives et les générations passées, et ce, pendant au moins une décennie. Ce disque est alors un manifeste hip hop de cet avenir trop proche, inquiétant et endetté. Seize titres à tout « casser », le mot est juste. Première ligne : « Manankasitsara ». A travers un boom bap puissant sous une couche légère de g–funk, les synthés « west coast », le groove est robuste. En guise d’entrée, Sckariota chante : « Ny mpangoron–karena no tompon’ny povaka eto/tsy mandaitra ny vavak’ireo finoana maro mitobaka » (traduira qui pourra). Tout est dit. La rage aux rimes de cet artiste fait de lui un des meilleurs « texteurs » du rap actuel. « Manankasitsara lasa ny vahiny », se lamente le refrain. A la volée, le second titre « Mitohy ny fanadihadiana » reprend la même vision avec l’unique voix féminine, Sam, de la compilation. « Vahoaka efa bado mbola habadoana », juge–t–elle sur un crochet mélancolique soul à la Selah Sue. « Tous les instrumentaux sont nos propres créations », garantis Dimitri Ranja, ou Neuji, le directeur artistique de « Kolotsaina Mainty ». Donc deuxième bonne nouvelle, face au fake–system autant jeter dans la bataille toute sa créativité, point d’« instrus » en conserve. Dès ces deux premières lignes, « Tsy ho bado réussit à demi sa mission. « Cela fait cinq ans que nous avons chanté comme cela », rappelle Neuji. La « compil » est à prendre entre le cri tardif du lion et la rétrospective à tête reposée des trois derniers de Madagascar. Dès lors, il reste 14 morceaux sur lesquels Shao Boana, monument du rap malgache, accuse aux côtés de Vercors, Geoscar et Fab’s Brown la mentalité corrompue, chez certains traditionalistes, politiques, « milliardaires », « hommes d’église »… En piste 8 « Yst ytem », le « Number one » est en droit de douter après tant d’années de somnambulisme de la Grande Île, « Hanova rafitra/miamby dadabe Noely… Mpitondra firenena/Am-bavantsika mangery », sans fioritures. Pris en pèle–mêle, « Tsy ho bado » chauffe à 16 000 degrés dans les textes. Quelques extraits. « Ireo ankizy any amin’ny Instagram manompa ny mamany/manombana derika manomana ny hoaviny ». « Efa ohatra ny hoe manofa trano no mipetraka eto fa efa lasan’ny vazaha ». « Vahoaka mitady izay correct/fa tsy mitady ny tonga lafatra/Ilay teny nomena tanterahina fa tsy ilaozan’ialahy mangalatra eo ». « Esy aho Madagogo/Manaitaka lava migogogogo/izay rehetra asianao tongotra toa mivaralila/tsy hita hoe manao ahoana fa mivaralila ». Des perles à profusion. Les Roy Rakoto, Shao Boana, Big Jim Da, Tongue Nat, Bolo, Mashmanjaka, Shadow Bangz, Yo Kenny, Sckariota, Sam, 6 Watt, Eklyps, Joudas, Fat Killah et d’autres encore, viennent de signer l’album de l’année tout style confondu.
Maminirina Rado





