- Publicité -
mercredi, novembre 26, 2025
- Publicité -
AccueilDossiersNonoh Ramaro – artiste contemporain : « Être artiste, c’est savoir vivre dignement avec...

Nonoh Ramaro – artiste contemporain : « Être artiste, c’est savoir vivre dignement avec ce qu’on a »

Les amateurs et amatrices d’art moderne peuvent espérer revoir Nonoh Ramaro dès le mois de décembre
Le jeu de cache–cache entre réalisme et abstraction signe le style Nonoh Ramaro

Les années d’absence de Nonoh Ramaro dans le milieu de l’art contemporain malgache prennent fin depuis que l’artiste a annoncé récemment le thème de son nouveau concept artistique : « l’IA » (ou l’intelligence artificielle). Mais avec lui, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être. Il prône l’« intelligence artistique ». Il s’explique à travers cet entretien, libre et sans limite.

Midi Madagasikara : Vous avez réussi à asseoir une grande réputation dans le milieu de l’art contemporain, après plus rien, vous avez disparu des radars…

Nonoh Ramaro : C’est dans la nature des choses. Il y a un temps pour parler et un temps pour prendre du recul, pour des raisons personnelles ou à cause du contexte ambiant.

M.M : Durant tout ce temps, vous avez continué les recherches ?

N.R : J’ai fait des recherches, mais pas dans mon domaine de prédilection (rires). Cependant, laisser mûrir les idées est très utile avant de réapparaître.

M.M : Comment trouvez–vous l’état de l’art contemporain malgache actuellement, après ce long moment de silence ?

N.R : L’artiste possède une certaine approche personnelle, je ne m’en préoccupe pas trop. Quand je fais des œuvres, cela dépend de mon état. Si je suis plein de sérénité, je suis à l’aise pour créer. Si je suis dans l’angoisse, je préfère m’abstenir. Prenons l’exemple de la lune : quand elle est pleine, la nature suit le mouvement.

M.M : Et votre rapport avec votre art aujourd’hui ?

N.R :  D’abord, je ne verse pas dans le clientélisme. Je vis tout simplement de mon art, comme tout le monde vit de ce qui l’occupe au quotidien. Être artiste, c’est savoir vivre dignement avec ce qu’on a, son travail, ses occupations quotidiennes. Le savoir-vivre dans son milieu, c’est pour moi l’art. Chacun est unique, irremplaçable. Il ne faut pas tenir un « marovany » ou n’importe quel matériel pour être qualifié d’artiste. Donc, pour moi, tout le monde est artiste. C’est nous qui avons limité la définition aux peintres, aux chanteurs… Alors, les informaticiens ? Ne sont-ils pas des artistes ? Il n’y a pas de simples gens, c’est les comparer à une simple feuille de papier. C’est pour cela que si quelqu’un m’achète un tableau, qu’il m’appelle pour demander son titre par prétexte qu’il accueille des invités qui s’intéressent à mon travail, je leur dis toujours que c’est à eux d’en trouver la signification.

M.M : Comment se fera votre retour ?

N.R :  En revenant dans le monde de l’art contemporain après tant d’années d’absence, je souhaite montrer toutes les étapes franchies : depuis le surréalisme, l’impressionnisme et le maintenant, la technique Nonoh Ramaro (Rires) : où se mêlent abstraction et réalisme. C’est le fruit de ces années d’incubation.

M.M : Vous allez signer un retour d’ici peu, qu’est-ce qui a changé ?

N.R :  Si vous remarquez, mes œuvres sont atypiques. Mais cette fois-ci, je vais m’introduire dans le souffle mondial actuel, ce sera l’IA. L’IA qui bouleverse le monde, sans oublier ses possibilités ; tous les domaines sont presque touchés. Alors, moi je vais m’attaquer à l’IA. Il y aura donc un choc. Sauf que pour moi, je la modifierai en Intelligence « artistique » et non artificielle. Parce que selon moi, s’il y a des êtres humains derrière l’IA, c’est alors une science. Des recherches et des études ont été effectuées. Dès lors, elle doit nous servir, mais ne pas nous soumettre.

M.M : Pourquoi se focaliser sur l’IA, quand il y a tant d’enjeux plus importants, comme les guerres de l’énergie, le changement climatique ?

N.R :  Vous avez évoqué le changement climatique, les guerres : ce sont tous des phénomènes. Mais l’IA possède encore plus de puissance que tout cela. En termes de dégâts, elle peut être plus destructive qu’une bombe atomique. Imaginez alors en termes de bénéfices : elle peut apporter un bien insoupçonné. Parce que ce sont deux entités qui se sont rassemblées pour donner le produit IA : la machine et l’intelligence humaine. Cependant, elle ne peut pas battre une seule chose : le naturel. Elle n’est pas un adversaire pour moi. Si nous l’érigeons en adversaire, nous serons battus. Par conséquent, nous serons asservis. Regardez avec la Covid : il y a eu la pandémie, pourtant nous n’avons pas réussi à l’éliminer complètement. Des cas de Covid sont encore répertoriés jusqu’à maintenant. Nous sommes alors obligés de vivre avec. L’IA est tout aussi inéluctable. Regardez aujourd’hui : avec l’IA, il est possible pour une femme de mettre la voix de son défunt mari sur son répondeur automatique. Chose impossible auparavant. On ne peut pas ressusciter les morts, on peut ressusciter leurs voix.

M.M : Les artistes s’alarment face à l’IA, il faut l’admettre, il y a une sorte de panique…

N.R :  Les doutes sont nombreux maintenant. Je ne parlerai que de peinture. Les artistes s’alarment sur le fait que l’IA remplacera le manuel, la machine va remplacer les mains. Moi, je ne m’aligne pas sur cette perspective. C’est en partie pour cela que je m’éloigne du clientélisme. La plupart des gens y sont opposés, mais pas moi. Selon eux, si nous n’agissons pas, l’IA va nous détruire. Quant à moi, je pense qu’il est impossible que l’IA remplace l’originalité. Premièrement, ce sont des êtres humains qui se trouvent derrière l’IA. Prenons l’exemple du dessin : si un être humain arrive à générer un produit à partir de l’IA, il doit au moins avoir une notion de dessin, comme la notion d’ombre et de lumière. C’est à partir de là qu’il peut créer. Il est très important de faire la différence entre la création IA et la copie IA. Avec la création, pas de problèmes : tout le monde peut créer. Voyez le soleil : si un jour quelqu’un décide de fabriquer un soleil artificiel, quelle en est la finalité ? Pour moi, son œuvre n’effacera jamais le vrai soleil. Au contraire, elle le réaffirmera. Sa création n’effacera jamais l’original, qui existera toujours.

M.M : Donc, quelle est votre approche artistique pour vos expositions prochaines ?

N.R :  Le point particulier que j’ai intégré dans l’« intelligence artistique » (qui utilise le même acronyme IA, l’un artificiel et l’autre artistique) concerne les joueurs de « hira gasy ». En premier lieu, parce que je maîtrise les personnages. Et en tant que « vox populi », le « hira gasy » est irremplaçable. S’il existe une racine au « hira gasy » – aujourd’hui, nous le retrouvons sous sa forme actuelle, je souhaite retrouver cette racine. Derrière la forme du « hira gasy » se trouve une culture, la « plénitude », la « chaleur », le « message », tout cela. Ce n’est pas artificiel, c’est du vrai. Pas de cours à l’école, ni de lieu précis d’étude. La compétence jaillit quand vous avez le feeling. Et c’est surtout ce naturel sans l’IA, pourtant vous reconnaitrez toujours le « hira gasy ». Les joueurs n’ont pas appris ça à l’extérieur de leur milieu : c’est sorti naturellement.

M.M : La culture, un concept devenu incompréhensible pour le simple citoyen…

N.R :  Montrer sa culture ne revient pas à s’accoutrer en tenue typique malgache. C’est comme crier partout : « Eh les Français ! Nous sommes des Malgaches. » « Eh Macron, regardez–nous, nous sommes Malgaches. » Cela veut dire qu’ils ne vous ont jamais remarqués. Si, par exemple, Macron reconnaît tout de suite que vous êtes Malgache en vous rencontrant, cela veut dire que c’est vous le Malgache, et il est inutile de le prouver ou de le démontrer. Parce que c’est vous dans l’ensemble. Et cela se retrouve dans le « hira gasy », le « vakodrazana ». La culture n’est donc pas quelque chose qu’on cherche, mais qu’on vit. Cependant le risque est là. Par exemple, aujourd’hui la corruption est devenue une culture. C’est presque devenu une « tradition », donc une culture. C’est là le vrai problème si cela n’est pas recadré. Ou comme l’engagement actuel en vogue, « arovy ny maha malagasy » (à traduire). Je n’évoque pas ici le didactyle. Pour moi, cela veut dire ranger dans le tiroir. Au contraire, nous pouvons nous en armer pour faire face à la mondialisation qui veut défaire notre originalité.

M.M : Et la « culture » du « tia vao » (à traduire) ?

N.R :  Nous les Malgaches, nous avons un capteur sensible, incarné par le « tia vao » (à traduire). Je préfère positiver, comme je positive l’IA. Si vous captez quelque chose de nouveau, cela veut dire que vous avez reçu quelque chose des anciennes choses. À quoi bon faire des créations si ce n’est pas pour être utilisées ? Vous prenez un briquet, le principe est de pouvoir allumer quelque chose avec. Alors, si vous avez un briquet en forme de voiture, un briquet lumineux, rien n’a vraiment changé. Le principe reste le même. Prenons le réchaud à gaz : pourquoi l’avons-nous nommé « fatana » gaz ? Parce que le principe est resté le même, que ce soit au gaz ou autre. Cela nous freine. Les gens sont maintenant dans l’énergie renouvelable, tandis que nous voulons encore rester avec l’ancien modèle, alors que le principe reste toujours le même.

M.M : Ainsi, sommes–nous réduits à être uniquement des spectateurs ?

N.R :  Nous sommes dans un pays ultra consommateur, nous consommons à outrance. Notre folie serait de ne pas savoir trier. Il m’appartient de savoir vivre avec ces nouvelles choses. Dès l’instant où je les érige en ennemis, cela veut dire que je suis déjà battu. Avant toute chose, la seule chose la plus importante : la santé. Quand vous êtes en mauvaise santé, vous ne pouvez pas créer, chanter, vous ne pouvez pas travailler.

M.M : Quand pourrons-nous vous retrouver dans les salles d’expositions du pays ?

N.R : Il n’est pas encore possible de donner des dates précises. Ce sera au plus tôt au mois de décembre. Mais le thème sera donc l’« IA », l’intelligence artificielle.

Recueillis par Maminirina Rado

- Publicité -
- Publicité -
- Publicité -
Suivez nous
419,278FansJ'aime
14,461SuiveursSuivre
5,417SuiveursSuivre
1,920AbonnésS'abonner
Articles qui pourraient vous intéresser

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici