
Madagascar fut le refuge de Réunionnais, d’Européens, de Mauriciens et de Comoriens entre 1920 et 1960, car la Grande île était alors considérée comme un Eldorado. Mais la « grande sœur », autrefois prospère, a perdu de son poids à partir de la seconde moitié des années 1970. Elle a néanmoins joué un rôle important lors de la création de la COI (Commission de l’Océan Indien) en 1984.
Madagascar a connu une succession de crises et de périodes de stabilité fragile pendant plus de cinquante ans. Chaque génération a sa propre expérience, souvent marquée par une vie en dents de scie, comme celle que traverse la jeunesse d’aujourd’hui.
« Le miracle n’existe pas ». Les Japonais en ont fait une vérité. Les manuels de géographie des élèves de classe terminale estiment qu’en seulement trois décennies, le pays du Soleil levant est devenu la nation la plus industrialisée d’Asie, voire du monde. Les dragons d’Asie du Sud-Est confirment davantage encore cette réalité, eux qui ont suivi les pas de leur grand frère nippon.
Quant au continent africain, malgré une prise de conscience tardive, certains pays ont affirmé leur puissance dès le début des années 2000. Majoritairement composés d’États pétroliers, leur voix porte aujourd’hui sur la scène internationale. Et puis il y a Madagascar : vaste, fière, la Grande île fait figure de « grande sœur » face aux petites îles et archipels du sud-ouest de l’océan Indien.
Plus de six crises ont secoué Madagascar en 65 ans. Une grande sœur expérimentée ? Ou plutôt une grande sœur cobaye. Comment une terre sacrée peut-elle être ainsi fragilisée par les « puissances extérieures » ? En réalité, l’ennemi vient de l’intérieur — une vérité générale que beaucoup refusent encore d’admettre.
Les disputes dans les bureaux publics, les altercations entre chauffeurs de bus et conducteurs de taxi, les querelles dans les champs de canne à sucre, l’animosité entre cultivateurs et éleveurs de bovidés… Tous ces exemples montrent que le fair-play n’a guère de place sur l’île rouge. Les habitants semblent souvent se lever du pied gauche, comme la forme de leur pays.
Paradoxe
Le miracle n’existe pas à Madagascar, sauf peut-être dans certaines églises. Médecins, biologistes et environnementalistes s’accordent pourtant à dire que la Grande île regorge de plantes médicinales — alors même que le peuple succombe encore au paludisme, à la peste ou au choléra.
Les géologues et gemmologues confirment la richesse exceptionnelle du sous-sol malgache. Pourtant, aucun établissement sanitaire n’est implanté autour des zones d’exploitation, ne serait-ce que pour soigner les ouvriers.
Contrairement aux Japonais, les Malgaches sont comblés par la nature… mais en tirent peu profit. Il y a quelques mois, l’historien Ittamara Otton, de l’Université d’Ambohitsaina, a réalisé un podcast comparant Madagascar et le Japon au XIXᵉ siècle. Il y établit un regard croisé sur l’économie des deux nations et conclut que la civilisation japonaise est le fruit d’une culture patiemment construite.
Madagascar, en revanche, fut d’abord éclaté en petits clans et royaumes avant de devenir un « royaume unifié » — reconnu sur le papier par la Grande-Bretagne, mais contesté par des souverains régionaux. Il faut rappeler que notre histoire doit être comprise dans son ensemble, en tenant compte de la frise chronologique des faritra.
Entre deux mondes
Les peuples asiatiques ont pris leur envol et déploient leurs produits aux quatre coins du monde. L’Afrique s’est affirmée, grâce à quelques nations qui portent sa voix depuis deux décennies. La terre-mère impose subtilement sa philosophie, sa tradition et ses sonorités.
Entre ces deux univers, les Malgaches — peuple afro-asiatique — semblent n’avoir retenu que la paresse et la débrouillardise. Ici, le « système D » se manifeste dans l’art de rafistoler des jouets abîmés chaque mois de décembre.
Ce qui étonne, c’est que l’on raille les produits asiatiques tout en ne disposant d’aucune usine de transformation locale.
Bref, le chemin reste long.
Iss Heridiny




