Selon Mamy Freddy ANDRIAMALALA, Docteur (PhD) en Science politique (Politique Publique) et diplômé de Recherche en Economie du développement et non moins Professeur de Finances publiques et de politique publique au Département Economie de l’Université d’Antananarivo nous livre une analyse économique et politique sur la pratique de la vérité de prix à la pompe des produits pétroliers, de la dépréciation de l’Ariary par rapport aux devises et leurs conséquences.
Midi Madagasikara. Quels sont les éléments constitutifs de la vérité de prix à la pompe des produits pétroliers ?
Freddy Andriamalala. La pratique de vérité de prix n’est autre que le retour à la tyrannie de la loi du marché selon le jeu de l’offre et de la demande. En d’autres termes, elle exclut toute intervention de l’Etat visant à éviter une hausse du prix à la pompe des produits pétroliers. Le prix se fixe selon les différentiels des coûts suivants : le prix du baril sur le marché international c’est-à-dire les coûts d’importation qui représente 52 % des prix à la pompe, le frais de transport et de stockage (8 %), les taxes sur les produits pétroliers et les redevances (29 %) et les marges des distributeurs (11 %). D’autres facteurs endogènes renforcent également les prix du pétrole à la pompe notamment la dépréciation de l’Ariary par rapport aux moyens de paiement international (devises).
MM . Quelles conséquences positives ?
Freddy A. Si l’objectif est d’améliorer les déséquilibres macroéconomiques sans tenir compte les effets négatifs sur la situation des populations à faibles revenus, la pratique de la vérité des prix du pétrole peut augmenter les recettes et diminuer les dépenses étatiques.
D’une manière plus explicite, la vérité de prix implique que :
- La suppression de toutes subventions étatiques sur le prix du pétrole (qui pouvait s’élever à plus de 50 milliards d’Ariary par an) permet à l’Etat d’éviter d’importantes dépenses, d’une part et d’avoir une aide budgétaire en provenance des bailleurs de fonds traditionnels, notamment le FMI, d’autre part.
- Le paiement des Droits et Taxes à l’Importation sur les produits pétroliers va augmenter les recettes douanières.
- Les suppressions de taux de change préférentiel aux compagnies pétrolières pour l’importation des produits pétroliers ( à titre d’exemple : plus de 70 milliards d’Ariary en 2012 ) et des subventions directes accordées aux compagnies pétrolières et à la société d’Etat Jirama ( plus de 50 milliards d’Ariary par an ) vont diminuer les dépenses de l’Etat.
MM. Et les retombées négatives ?
Freddy A. La pratique de la vérité des prix a également des effets néfastes. L’Etat ne serait plus en mesure de maîtriser la forte inflation qui en découle. Faut-il rappeler que l’inflation à Madagascar est surtout liée à la hausse des prix à la pompe du pétrole, car le coefficient de corrélation entre l’inflation et les prix du pétrole s’élèvent à 0,55. De plus, la forte dépréciation de l’Ariary est également une autre source de l’inflation. Le renforcement de l’inflation par la dépréciation de l’Ariary et la pratique de la vérité des prix à la pompe sur les produits pétroliers seront source de détérioration de revenu et des conditions d’existence de la population. Par conséquent, des hausses respectives du taux de pauvreté et de l’intensité de pauvreté seraient fort possibles. Les éventuelles conséquences sont diversifiées dont les retombées néfastes peuvent empoisonner la vie sociale et politique si l’Etat n’envisage pas de mettre en œuvre des mesures compensatoires, comme le Système de stabilisation de prix à la pompe du pétrole en manipulant certains instruments sans mettre en danger le mécanisme du marché. On en parlera plus tard.
MM. Est-ce que la suppression du MID en est une solution pertinente ?
Freddy A. La suppression du MID est une décision suicidaire pour l’économie malgache et peut rompre nos relations avec nos partenaires financiers internationaux. On pourrait avoir une situation semblable à celle qui s’est passée en Zimbabwe si l’Etat envisage de pratiquer le taux de change fixe : inflation galopante et intensité de la pauvreté comme conséquence. La seule solution c’est de relancer l’économie par l’accroissement des investissements productifs en garantissant un environnement favorable aussi bien aux Investisseurs Directs Etrangers qu’aux investisseurs nationaux. Mais il est envisageable d’encadrer les fluctuations de l’Ariary entre deux bornes inférieures et supérieures par rapport aux devises sur la base de la tendance du taux de change à moyen terme et des facteurs déterminants de taux de change.
La valeur de l’Ariary fixée par le MID reflète la faiblesse du système production et de l’économie malgache. Cette parité de l’Ariary par rapport aux devises indique la valeur et le poids de la production de Madagascar qui se traduit par une faiblesse de l’exportation et de la difficulté de l’économie à insérer dans le marché mondial. En d’autres termes, notre exportation ne nous permet pas de dégager des devises nécessaires pour l’importation des biens de consommation (médicament, pétrole, etc.) et des biens de productions (machine, équipement, etc.). En effet, les devises sont rares sur le MID, alors qu’elles sont plus recherchées. Par conséquent ; leur prix augmente par rapport à l’Ariary.
Recueilli par Antsa R.



