
L’Association Nationale pour la Justice Administrative (ANJA) et le Département Droit de la Faculté DEGS à Ankatso de l’Université d’Antananarivo ont organisé un colloque les 24 et 25 novembre à Ankatso.
« La cohérence en Droit ». C’est la thématique du colloque qui s’est tenu avant-hier et hier au Grand Amphi de la Faculté DEGS qui a accueilli pour la circonstance un parterre de juristes. Tant du côté des intervenants que parmi l’assistance qui ont discuté à bon …droit notamment lors des débats qui ont suivi chaque intervention. Le thème était vu sous 3 angles : « Cohérence et incohérences dans la création du droit ; Cohérence et incohérences dans l’application du droit ; Cohérence et incohérences, quelles perspectives pour le droit malgache ?».
Jurisprudence cohérente. Il revenait à Andry Rabarisoa de parler « De la production normative à Madagascar : entre perfectionnisme et improvisation ». Ce Conseiller au Conseil d’Etat a souligné qu’ « il importe de maintenir une certaine cohérence entre les normes juridiques écrites ». A son avis, « le juge malgache se doit de regagner pleinement son pouvoir normatif à travers une jurisprudence cohérente ». Pour sa part, Johary Ravaloson, Secrétaire général du Centre d’Arbitrage et de Médiation de Madagascar (CAMM) a fait un exposé sur la « Cohérence du droit de l’arbitrage et de la médiation ». Il a expliqué que « l’arbitrage comme la médiation sont des Modes Alternatifs de Règlement de Litiges (MARL) mis en place par le législateur et les règles les concernant figurent dans notre Code de Procédure Civile ».
Systèmes constitutionnels. Jean du Bois de Gaudusson de l’Université Montesquieu, Bordeaux IV devait parler à son tour de « Cohérence et incohérences en droit public comparé ». Et de soulever plusieurs questionnements : « Quelle cohérence à fonder le droit administratif moderne sur l’exorbitance ? Peut-on rendre cohérent le recours au droit français dans les Etats d’Afrique francophone ? Quelle cohérence des systèmes constitutionnels entrant en transition démocratique d’être organisé autour de l’autorité du chef de l’Etat ? Quelle perspective de cohérence pour les décisions rendues par les cours constitutionnelles en période de crise, insurrection ou coup d’Etat ?
Justice parallèle. « Le droit du travail et la protection de l’employeur ». C’est le sous-thème développé par Mme Ravaka Andrianaivotseheno du Département Droit de l’Université de Tana qui a rappelé la définition classique du droit du travail « comme l’ensemble des règles régissant les relations entre un employeur et les travailleurs qui lui sont subordonnés ». Quant à Saotra Rakotondravelo, Procureur de la République (PR) auprès du Tribunal de Première Instance de Tsiroanomandidy, il a attiré l’attention sur la coexistence des usages et pratiques coutumiers non écrits avec les règles de la justice étatique. « Des institutions et autorités coutumières administrent la justice parallèlement aux autorités judiciaires », selon le PR. En faisant remarquer que « la survivance des formes de justice traditionnelle qui tantôt entravent l’action du ministère public, tantôt paraissent l’aider dans ses limites ».
Autorité de la chose jugée. Après le PR, Me Rakoto Lydia a soulevé « Le postulat de complétude du droit et les incohérences de sa création dans notre système ». Et de plaider que « le droit est unitaire et apporte la bonne réponse aux questions de la vie en société ». Non sans reconnaître que « le commerce quotidien avec le droit et avec les praticiens confronte toutefois l’usager à une profonde incompréhension dont l’origine peut être son incohérence ». Mme Nelly Rakotobe, premier président honoraire de la Cour suprême et formateur à l’ENMG a parlé de la « Problématique du pourvoi dans l’intérêt de la loi » (PIL). Elle a fait remarquer que « les justiciables essaient systématiquement d’obtenir un PIL uniquement pour obtenir la suspension de l’exécution de la décision du juge du fond attaquée ». Et d’expliquer que lorsque la Cour de cassation statue en troisième degré de juridiction en fait et en droit, « il y a remise en cause de l’autorité de la chose jugée ; ce qui bouleverse des situations juridiques déjà établies par les juridictions du fond. D’où insécurité juridique et incohérence ».
Réparation. Misa Razafindrakoto, Directeur de la Législation et du Contentieux à la Primature devait de son côté, développer « L’administration en action face au droit ». Ce magistrat de l’Etat et de son …état a souligné la nécessité de « désengorger les juridictions répressives tout en mettant un terme aux situations infractionnelles et en autorisant la réparation des dommages causés à l’environnement ».
Juge fiscal. Mme Heliaritompo Rasoarivelo est également magistrat. Directeur de l’Emploi à l’étranger et de la main d’œuvre au ministère de l’Emploi, de l’Enseignement Technique et de la Formation professionnelle, elle a parlé de « Cohérence et incohérence dans l’application du droit : le cas de la protection des droits du contribuable dans les procédures fiscales ». Elle a fait savoir que « la cohérence juridique, la compréhension et l’acceptation sociale des décisions juridictionnelles par le citoyen constituent actuellement le défi actuel de toutes les branches juridictionnelles et en particulier du juge fiscal qui aura la lourde tâche de concilier ces exigences afin d’instaurer une relation harmonieuse entre l’Etat et le contribuable ».
Economie. « Le droit des sociétés est un domaine clé sur lequel repose le développement et d’une manière générale l’économie du pays », a expliqué Riaka Rakotobe du Département Droit. Et ce, dans son intervention sur les « Cohérences et incohérences en droit des sociétés ».
Obligation. « Rendre compte devant qui ? Du neuf dans une vieille pratique ? » C’est la double question posée par R. Hertzog, professeur émérite à l’Université de Strasbourg. « Devoir rendre des comptes est une obligation aussi vieille que la société », a-t-il rappelé. « Cohérence et incohérences, quelles perspectives pour le droit malgache », se demande pour sa part, Mme Chantal Ramanankasina du Département Droit à Ankatso. Elle estime qu’« il existe des facteurs exogènes qui constituent une menace pour le droit et son statut dans la société : tolérance administrative, corruption… »
Bon sens. Tsanta Randrianarimanana, président du Tribunal administratif de Tana a aussi soulevé une interrogation : « Cohérence et incohérences : quelles perspectives pour le Droit malgache ? » A son avis, « en vue de redonner au Droit sa force dans la société malgache, il n’est pas inutile de recourir au bon sens et à la capacité pour ceux qui créent le Droit et pour ceux qui l’appliquent et sanctionnent, d’avoir du recul et une vue d’ensemble ».
Recueillis par R. O