Brigitte Rasamoelina. La ministre de la Culture, de l’Artisanat et du Patrimoine met les points sur les « i » par rapport au limogeage de l’ancien Directeur de l’OMDA. Interview exclusive.
Midi : Des artistes contestent le limogeage du Directeur de l’OMDA qu’ils estiment sans raison
Brigitte Rasamoelina : « C‘est une affirmation gratuite ! Au contraire, j’ai de très sérieuses pour ne pas dire de graves raisons de l’avoir fait ! Sa gestion est totalement floue, le ministère a beaucoup de dossiers pour le confirmer. D’ailleurs les autorités judiciaires sont déjà saisies et l’instruction suit son cours actuellement ».
Midi : Ils affirment que le directeur que vous avez limogé est quelqu’un de très compétent, qu’ils ne veulent que de lui….. ?
B.R : « C’est leur point de vue. Cela m’a beaucoup étonné d’ailleurs. Quelques artistes le défendent avec force, voire fanatisme malgré les explications fournies par le ministère que cela me semble anormal et suspect. Après tout, un directeur d’un établissement public comme l’OMDA reste un fonctionnaire de l’Etat et je ne comprends pas cet attachement farouche de quelques artistes à son égard. J’aurais trouvé normal s’ils m’avaient demandé une gestion transparente dorénavant au niveau de cet établissement avec un partage équitable des droits à tous les artistes… Mais non…. Apparemment, ce n’est pas leur problème! Quand ils prétendent que ce sont eux qui fournissent les 96% de l’argent qui fait tourner l’OMDA, je ne peux ni affirmer ni infirmer cela car le Directeur sortant n’a jamais voulu fournir les comptes financiers malgré mes demandes insistantes. Mais même si c’est le cas, l’argent de l’Etat, si minime soit-il doit être bien géré et ma raison d’existence dans ce ministère est d’y veiller et de mettre en œuvre le programme du ministère en cohérence avec le programme général de l’Etat! »
Midi : Vous auriez nommé une novice qui n’est autre que votre nièce à sa place ?
B.R : « Encore une affirmation gratuite ! La personne que je viens de nommer n’a aucun lien de parenté avec moi ni avec mon époux ! Vous pouvez vérifier ! Mais je la connais quand même par son sérieux, ses expériences en termes de gestion d’entreprise et son diplôme ! Est-ce que vous ne pensez pas que ce sont des critères importants pour nos établissements publics » ?
Midi : Les artistes estiment que vous auriez dû consulter le CA avant toute décision, qui serait conforme à leur statut ?
B.R : « Je voudrais d’abord rappeler par rapport aux artistes concernés par l’OMDA que mis à part les chanteurs interprètes ou compositeurs, il y aussi les auteurs, les éditeurs, brefs ceux qui font des créations. A ne pas oublier également les écrivains, les poètes et les peintres… Certes, ils ont leur statut mais le premier aspect du pouvoir de tutelle d’un ministère est de nommer et de révoquer sans être obligé de procéder à des consultations, d’autant plus que pour le cas spécial de l’OMDA, j’ai usé de mes prérogatives de ministre car malgré les échanges que j’ai eus avec quelques artistes, j’ai pu constater qu’Ils veulent malgré tout garder l’ancien Directeur. Ils semblent vraiment oublier que l’OMDA n’est pas une entreprise entre copains ! C’est un établissement public dont le budget est soumis à la gestion du budget de l’Etat. Chaque citoyen peut se prévaloir de ses droits mais doit aussi s’assujettir à ses obligations. Souvent, ce n’est pas le cas à Madagascar, nous avons tendance à s’opposer à nos lois. Est-ce que nous voulons vraiment un Etat de droit ? Alors commençons à respecter nos lois qui ne doivent pas se négocier ! Le respect de la loi, c’est le devoir de la magistrature, l’obligation du clergé, l’honneur de l’armée, disait Victor Hugo ».
Midi : Les artistes en question affirment également que vous n’aviez rien fait pour eux depuis que vous êtes là.
B.R : « D’après vous, qu’est-ce que je suis en train de faire en ce moment ? Je veux mettre en place au niveau de l’OMDA qui en principe s’occupe des artistes , un système objectif et non subjectif, transparent, respectueux des lois en vigueur où chaque artiste sans distinction et sans partialité bénéficie des avantages auxquelles ils ont droit. C’est pour EUX que je fais tout ça, ce n’est pas pour moi ! Qu’est-ce que j’y gagne ? Subir les calomnies de certains dans les médias ? Mais si c’est le prix à payer pour mettre en place un système sain, alors soit ! Ce n’est pas évident et je trouve ça vraiment dommage car à mon avis, les artistes aussi sont des vecteurs de valeurs culturelles et non de méchancetés gratuites ».
Midi : Pourquoi avoir précipité la passation alors que le directeur sortant n’est pas encore notifié ?
B.R : « Je ne précipite rien du tout. La nomination de Mr Haja a été bel et bien abrogée le 11 novembre 2015 en conseil des ministres. La décision a été publiée par le responsable de la communication et relayée par sa parution dans les médias ayant rendu l’acte non seulement exécutoire mais aussi obligatoire. En plus, il fait l’objet d’une enquête au niveau de la Justice, et n’a plus accès aux comptes bancaires de l’OMDA. Aussi, nous voulions qu’il effectue la passation avec le Secrétaire Général du ministère pour qu’il y ait continuation des activités au niveau de l’OMDA en attendant la prise de service du nouveau Directeur. Cela se pratique dans bien d’autres pays. Il n’y a rien d’illégal » !
Midi : Quel avenir prévoyez-vous pour l’OMDA ?
B.R : « Mettre en place un système non lié à des considérations de personnes mais à la promotion d’un système rémunérateur équitable pour tous les artistes à travers la transparence de gestion. Par exemple, créer un site accessible à tous les acteurs pour qu’ils puissent vérifier leurs avantages, voir les évènements. Je pense qu’avec une bonne gouvernance, les avantages des artistes comme les droits généraux, les droits occasionnels, et même la pension de retraite pourraient être améliorés. Nous pensons aussi élaborer avec les artistes même, un projet de loi qui sera une éventualité au cas où ils souhaiteront une véritable indépendance de gestion ».
Midi : Le mot de la fin ?
B.R : « Je ne souhaite pas me mettre dos à dos les artistes comme le prétendent certains ! Pour quels intérêts ? Moi-même, j’adore les arts mais cela n’empêche pas pour autant de se conformer aux lois qui sont nécessaires pour faire avancer notre pays. Nous en avons besoin ».
Propos recueillis par Davis R