
La Commission Electorale Nationale Indépendante a opposé une fin de non recevoir à la demande ou à l’invitation (c’est selon) de l’Assemblée nationale de se rendre à Tsimbazaza pour une séance d’information sur les sénatoriales.
Le motif avancé est que la CENI est une structure indépendante. Un argument fallacieux d’après bon nombre d’observateurs car l’indépendance signifie inexistence d’influence ou de contrainte. Or, c’est loin d’être le cas pour la CENI qui ne jouit pas d’une autonomie totale, mais dépend financièrement en tout ou partie de l’Etat après la fin du Projet d’Appui au Cycle Electoral à Madagascar (PACEM).
Système controversé. La CENI voulait en réalité se dérober aux questions gênantes des députés sur le système très controversé d’ « une commune, un bureau de vote ». En effet, si le principe de l’élection au suffrage universel – indirect pour les sénatoriales – fait l’unanimité au sein de la classe politique, il n’en est pas de même pour le choix de la commune qui est érigée de facto en circonscription électorale. Alors que la Constitution dispose en son article 81 alinéa 1er que « le Sénat comprend, pour deux tiers, des membres élus en nombre égal pour chaque Province (…) ».
6 chefs-lieux de province. Le scrutin du 29 décembre 2015 aurait donc dû se tenir au niveau des 6 chefs-lieux de Faritany où les grands électeurs se seraient rendus sans problème. On se souvient que le 16 octobre dernier qu’un millier et demi de maires nouvellement élus ont pu rejoindre Iavoloha où ils ont eu droit chacun à une tablette, quand bien même bon nombre d’entre eux l’auraient depuis transformé en …chiffres, car la connexion – conjuguée aux effets du délestage – n’est pas évidente dans les communes enclavées. Même les « dahalo » hésiteraient à mettre la main sur ces écrans …tactiles qui ne leur serviraient à rien dans ces zones rouges sur le plan sécuritaire qui sont pour la plupart du temps des zones …blanches, c’est-à-dire sans connexion internet voire sans réseau pour le téléphone.
« Gerrymandering ». Un découpage électoral équilibré permet d’organiser un scrutin « fair and free », comme on le qualifie dans le système anglophone qui est vigoureusement contre le « gerrymandering ». Du nom du gouverneur du Massachussets, Elbridge Gerry qui avait découpé les circonscriptions de son Etat afin d’assurer une victoire aussi large que possible de ses partisans. C’était en 1812. Plus de deux siècles après, les tenants actuels du pouvoir donnent l’impression de vouloir conjuguer au présent cette pratique décomposée. L’objectif plus ou moins avoué étant de placer le maximum de sénateurs élus pour faire main basse sur la Chambre …haute.
Souveraineté. Pour en revenir à la CENI, on est en droit – au propre comme au figuré – de (se) poser des questions sur la légitimité et la légalité de son refus de se rendre à Tsimbazaza. Sans parler du non-respect du principe de redevabilité, c’est un véritable mépris à l’endroit de la représentation nationale qui, comme son nom l’indique, représente le « vahoaka ». Selon l’article 5 de la Constitution, « la souveraineté appartient au peuple, source de tout pouvoir qui l’exerce par ses représentants élus au suffrage universel direct ou indirect ». Un peuple composé de quelque 8 millions d’électeurs. Contre tout au plus deux centaines de « grands électeurs » pour les membres de la CENI dont l’un a été même désigné. CE NI légitime ni indépendant.
R. O