
La dernière mise à jour de la législation sociale et professionnelle relative au Code du Travail malgache date de 2004. Pourtant, le contexte social et économique actuel ne s’aligne plus à ce code. Ainsi, d’après le Syndicat Autonome des Inspecteurs du Travail (SAIT), cette législation «désuète» provoque souvent des complications par rapport à son application. Ce qui affecte le respect des droits en matière de travail. «L’heure est au renouvellement de ce Code du Travail», a-t-on évoqué. Mais pourquoi? La présidente dudit syndicat, en la personne de Hanitra Fitiavana Razakaboana apporte de plus amples explications. Interview.
Midi Madagasikara: Pourquoi tenez-vous à ce que le Code du Travail soit mis à jour?
Hanitra Fitiavana Razakaboana: Madagascar a ratifié les normes juridiques internationales parmi lesquelles les conventions internationales sur l’inspection du Travail, incluant la convention (n°81) sur l’inspection du travail pour le domaine de l’industrie, et la convention (n°129) sur l’inspection du travail pour le domaine de l’agriculture. Ces normes juridiques ont été ensuite concrétisées par l’adoption de la Loi n°2003-044 du 28 juillet 2004 portant Code du Travail. Mais depuis, ce code n’a jamais fait l’objet d’une mise à jour, malgré l’évolution de la situation socio-économique qui prévaut à Madagascar, voire dans le monde entier. De ce fait, la plupart des textes réglementaires dans ce code sont confrontés à des complications et des incohérences par rapport à leur application. Ce qui engendre donc des situations complexes, empêchant parfois les inspecteurs du Travail de mener à bien leur mission qui est de «contrôler-conseiller-concilier».
M.M.: La mise à jour de ce Code du Travail va-t-elle vraiment aider les travailleurs et les employeurs à connaître leurs droits?
H.F.R.: Oui! En effet, nous, les inspecteurs de Travail de la région Analamanaga, recevons seulement à peu près 2 500 plaintes par an. C’est un tout petit nombre. Toutefois, celui-ci devrait connaître une hausse considérable si tous les travailleurs, ainsi que les employeurs, connaissaient leurs droits en matière sociale et professionnelle. C’est tout simplement parce que les gens, principalement les travailleurs, ont peur de perdre leur place au niveau des entreprises s’ils consultent l’inspection du Travail pour déposer leur doléance. L’inexistence d’un texte à jour et clair, autrement dit, un nouveau Code du Travail, ne fait que profiter aux employeurs malintentionnés.
M.M.: Avez-vous des données chiffrées à proposer pour appuyer vos propos?
H.F.R.: 80% des conflits traités par le service de l’inspection du Travail et des Lois Sociales de la région Analamanga ont tous abouti à la conciliation qui est pourtant la phase primaire de la résolution des problèmes entre travailleurs et employeurs. D’ailleurs, faut-il rappeler que la conciliation est l’une de nos principales missions? De ce fait, les gens ne devraient surtout pas avoir peur de déposer leur doléance auprès de l’Inspection du Travail puisque celle-ci vise surtout à instaurer un climat serein facilitant les investissements, tout en gardant l’anonymat concernant le plaignant.
M.M.: Combien d’inspecteurs du travail existe-il à Madagascar et quels sont leurs vrais rôles?
H.F.R.: Au niveau national, il existe environ 300 inspecteurs de travail et contrôleurs de travail qualifiés. Pour la capitale, il en existe à peu près 25. Accompagnement, contrôles des normes et application des législations relatives au travail, promouvoir la paix sociale, tels sont les principaux rôles confiés à l’Inspection du Travail. Et selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), il ne suffit pas de promouvoir l’employabilité mais aussi de créer des emplois. Ce sont la promotion de l’entreprenariat et surtout les investissements qui permettent d’en créer. Le climat serein des affaires ne s’acquiert que grâce au concours des inspecteurs du travail avec évidemment la volonté manifeste des employeurs. Mais exercer notre rôle avec ce défi important implique de nous en donner les moyens. Et cela passe par un ministère fort et nous associer avec un département budgétivore tel que le département de la fonction publique nous assimile comme tel alors que notre département permet d’apporter à l’Etat des recettes fiscales telles que l’IGR, l’IRSA, etc. Notre département, avec l’organisme qui nous est rattaché qui est la CNaPS, permet à des centaines de milliers de travailleurs, y compris ceux du monde rural (dans un futur proche), de bénéficier des allocations sociales même après la fin de leur vie active, et ainsi leur assurer un revenu jusqu’à la fin de leur vie. Et l’inspecteur du travail se charge de contraindre tout employeur à affilier ses travailleurs en son sein. Sans oublier notre dévouement dans la formation des entreprises et sociétés dans le secteur informel, afin de leur obliger à respecter les droits de leurs employés.
M.M.: Quelques mots pour conclure?
H.F.R.: Il ne faut surtout pas hésiter à déposer ses doléances auprès de l’Inspection du Travail en cas de problème puisque la raison d’être de ce département est tout simplement de faire respecter la loi pour tout le monde. Pour ce qui est de la mise à jour du code du travail malgache, et de la mise en place d’un travail décent à Madagascar, les membres du SAIT au niveau national se sont réunis le mois de mars dernier à Toamasina, pour des journées de réflexion, avec l’appui de l’OIT. Mais tout est question de volonté politique.
Arnaud R.