
De retour au pays après une mission de deux semaines aux Etats-Unis et au Canada qui ne lui a pas permis d’être là lors de la présentation du nouveau gouvernement, le Ministre des Finances et du Budget (MFB) a tenu à mettre les points sur les « i » et les barres sur les « t » concernant l’histoire de 34 milliards d’ariary de transferts non réglementaires vers nos ambassades qui ont alimenté les conversations dans le microcosme. Interview.
Midi : Que pouvez-vous dire à propos de ces transferts ?
MFB : « Afin d’éclairer le peuple malgache, je tiens à apporter quelques explications sur les soi-disant transferts non réglementaires ou extrabudgétaires de 34 milliards d’ariary qui auraient été effectués entre mars et décembre 2015 vers nos ambassades. Le terme même de « transferts » aux ambassades est inapproprié mais par contre, cela se fait pour les collectivités territoriales décentralisées, les établissements publics nationaux, les dépenses relatives aux frais médicaux… »
Midi : Mais quelles sont justement les dépenses des ambassades ?
MFB : « Il y a deux catégories de dépenses pour les ambassades. Primo, les dépenses normales qui sont destinées par exemple à l’achat de véhicules, à la réparation des bâtiments, au fonctionnement du service (fournitures, téléphone…) sans oublier les salaires qui représentent 60% des dépenses. Tout cela est prévu dans le budget alloué au Ministère des Affaires Etrangères (MAE) pour chaque ambassade ou représentation. C’est le MAE qui sort l’Avis de Délégation de Crédit (ADC) dont copie est adressée à l’ambassade concernée ainsi qu’à la Direction générale du Trésor qui se charge de l’approvisionnement mensuel du compte bancaire de l’ambassade. Il ne s’agit nullement de dépenses extrabudgétaires car elles sont bel et bien inscrites dans le budget qui a été voté en son temps par l’Assemblée nationale. Il y a différentes étapes composant la chaîne de dépenses : Engagement, Liquidation, Ordonnancement et Paiement. C’est l’agent comptable en service auprès de chaque ambassade qui se charge du paiement après un contrôle de régularité. Il ne prendra pas le risque de payer des dépenses irrégulières car il est personnellement et pécuniairement responsable comme tout comptable public. Les pièces justificatives des dépenses sont d’ailleurs transmises à la Direction générale du Trésor aux fins de vérification. Le président de la République et le ministre des Finances et du Budget n’ont rien à voir là-dedans. A la limite, ils pourraient éventuellement arbitrer au moment de l’élaboration du budget affecté au MAE. Tout ceci pour dire qu’il ne pouvait y avoir de transferts extrabudgétaires ou non réglementaires aux ambassades ».
Midi : Vous avez parlé de deux catégories de dépenses
MFB : « La seconde catégorie est constituée par les dépenses imprévues. Il se peut par exemple que le crédit consacré à certaines dépenses (eau, électricité, loyer…) soit insuffisant ou qu’il s’agisse de dépenses qui n’ont pas été du tout prévues. Elles sont prises en charge par le ministère des Finances et du Budget au chapitre des interventions sociales et économiques. De toute façon, leur montant n’est pas très important. Il s’agit en quelque sorte de reliquat de budget pour financer des dépenses transversales. En tout état de cause, il y a une procédure à suivre : l’ambassade fait une demande de prise en charge avec des factures pro-format ou devis à l’appui qui sont envoyés au ministère des Finances et du Budget. La Direction générale du Budget effectue un contrôle de régularité, et moi, en tant que ministre des Finances et du Budget, je donne l’autorisation qui est transmise à la Direction générale du Trésor pour que cette dernière puisse faire le virement sur le compte bancaire de l’ambassade. Je réitère que tout cela doit suivre toutes les étapes de la procédure que sont l’Engagement, la Liquidation, l’Ordonnancement et le Paiement. Il n’y a pas eu de détournements de 34 milliards d’ariary à nos ambassades. Encore faut-il ajouter que les virements effectués sur les comptes des ambassades en 2015 étaient de 816 millions d’ariary ».
Midi : Regrettez-vous d’avoir quitté le Canada ?
MFB : « Si j’avais accepté de revenir à Madagascar et de prendre en main le ministère des Finances et du Budget, ce n’est pas pour faire des détournements de deniers publics. Ce n’est pas notre éthique. Ce n’est pas mon éthique. Je suis rentré pour apporter « ma part de briques » au développement du pays mais aussi et surtout pour contribuer au bien-être de mes compatriotes. Je puis vous assurer qu’aucun denier public ne sortira d’une manière irrégulière. On se réfère tout le temps à l’ancien DG du Trésor en matière de respect de l’orthodoxie financière, mais est-ce que le Directeur général du Budget et l’actuel Directeur général du Trésor ne s’en soucient pas ? Idem pour le ministre des Finances et du Budget. Encore une fois, je tiens à dire qu’il n’est pas dans mon éthique de sortir de l’argent sans suivre la procédure légale. Comme je viens de le dire à l’instant, l’agent comptable auprès de chaque ambassade fait aussi son travail ».
Midi : Après Washington, vous étiez au Canada
MFB : « Effectivement, après avoir participé au « Spring Meeting » à Washington, je me suis rendu avec le ministre des Affaires Etrangères au Canada où il était question du renforcement de la coopération entre les deux pays. Je pense qu’il faut relever le débat et non pas le ramener au ras des pâquerettes ».
Midi : Le mot de la fin Monsieur le ministre ?
MFB : « Les maîtres-mots du ministère des Finances et du Budget dont j’ai la charge sont : Transparence, Rigueur ; Respect ; Intégrité. Dans cet esprit, on n’a rien à cacher. La porte du ministère reste ouverte aux journalistes en quête d’informations fondées ainsi qu’aux administrés et contribuables qui paient, faut-il le rappeler, les salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat. J’ai tenu à apporter toutes ces explications pour que l’opinion ne soit pas induite en erreur. De quoi et pourquoi aurait-on peur du ministre des Finances et du Budget ? Attelons-nous plutôt au développement de Madagascar. Pour finir, je fais mien les propos d’une personne qui disait : « C’est votre attitude et non pas votre aptitude qui détermine votre altitude ».
Propos recueillis par R. O