Ce n’est pas tous les Malgaches qui ont pris l’avion d’Air Madagascar. Mais quand celle-ci est en danger au point de disparaître, comme un seul homme tout le pays se lève et la grogne est générale. Le syndicat du personnel de la compagnie, en premier, car il s’agit de leur gagne-pain, mais aussi de leur raison d’être. Le personnel navigant, dans le monde ont en permanence cette fierté de bourlinguer un morceau de leur territoire, et d’en être leur digne maître. Pour les quelques chanceux ayant fait un voyage retour au pays avec Air Madagascar, on retrouve cette même sensation dès l’entrée dans la cabine, d’être déjà à la maison. Les annonces en malgache de filles bien de chez nous avec en fond le son de valiha, quelle sérénité ne ressent-on pas ! Cette ambiance bruyante typique de se trouver entre compatriotes de parler, voire de crier en sa langue rappelle déjà le désordre charmant de nos taxis-brousse.
Illustration de cette mobilisation générale pour la cause, le syndicat des douaniers s’y est mis aussi, il n’a pas manqué d’égratigner directement Madagascar Airways qui est, selon lui, une source de menace de disparition de la société nationale et par ricochet ceux à la tête de l’Etat. On le taxe de contestation politique. A raison, parce que ce syndicat s’attaque au pouvoir, mais à tort, puisque l’Etat est actionnaire d’Air Madagascar, donc responsable des prises de décision de la stratégie de gestion. Dans cette même logique, le Directeur Général ne l’a-t-il pas déjà interpellé en évoquant sa nécessaire prise de responsabilité pour sauver la firme. Le problème est-il financier et interne ? Oui, mais pas seulement, en effet, suite à des erreurs de gestion, la société s’est endettée lourdement au point de ne pas pouvoir honorer ses engagements et encore moins de pouvoir investir pour assurer son développement dans un environnement endogène et exogène (Liste B),c’est vrai, défavorable. Mais on peut se demander si le problème n’est pas de nature seulement malgacho-malgache, mais global. A bien y réfléchir la mondialisation est présente sur le plan politique ou géopolitique : Il est notoire que notre île a une situation stratégique comme étant le carrefour obligé de plusieurs continents. Cette position commande la présence d’un hub de propagation. Economique : le développement du trafic aérien est indéniable entraînant une libéralisation inédite du commerce aérien ; technologique : les capacités d’aéronefs croissantes conduisent à des flux non seulement importants de passagers, mais aussi à des capacités d’accueil conséquentes ; le cadre juridique nouveau crée de nouvelles conditions avec la généralisation de l’open sky. En somme, les petites destinations à petites infrastructures sont appelées à disparaître. Si nous voulons qu’Air-Mad ne disparaisse pas, il ne faut pas qu’Ivato disparaisse. On voit que l’enjeu dépasse les moyens seuls de notre compagnie, mais demande une volonté politique. En effet, il appartient au gouvernement dans sa stratégie de développement d’avoir comme objectif de faire du pays un hub. Air Madagascar n’est qu’une illustration de grandes mutations. Enfin, Madagascar « ary ho aiza » n’est qu’un épiphénomène.
M. Ranarivao