
Il brille ces derniers temps par son silence. Annonçant hier sa rentrée politique en cette période de session parlementaire, il revient sur l’affaire Bekasy en dénonçant l’ingérence excessive de diplomates étrangers dans les affaires internes du pays. Il, c’est Laisoa Jean Pierre alias Jaovato, député élu dans le district d’Antalaha. Interview.
Midi : Monsieur le député, comment expliquez-vous votre silence ces derniers temps ?
Laisoa Jean Pierre (LJP) : « Selon Ecclésiaste 3,7, il y a un temps pour parler et un temps pour se taire. J’ai observé l’évolution de la situation. Maintenant, il est temps de parler. »
Midi : La dernière fois, vous avez parlé de l’affaire Bekasy, qu’en est-il actuellement ?
LJP : « Bekasy est actuellement libre, car son accusation a été fondée sur des rumeurs. L’élément matériel de l’infraction retenue contre ce jeune opérateur économique malgache n’est pas constitué. Personne, même le Bianco qui a diligenté des investigations sur cette affaire sous la pression d’une ambassade étrangère à Madagascar, n’est jusqu’à présent en mesure de prouver l’existence des bois de rose illicitement exportés par Bekasy. Où étaient ces bois de rose ? Ils ont été exportés vers quel pays et par quel bateau ? Et pourquoi n’a-t-on pas arrêté Bekasy au moment de l’opération s’il était coupable. L’acte incriminé remonte en 2013. Si Bekasy était coupable, quid de la déclaration du président de la République lors de son investiture le 25 janvier 2014. Il a déclaré : laissez le passé pour le passé. Je ne ferai pas de chasse à l’homme.» Pour moi, une déclaration du président de la République vaut loi. »
Midi : Vous dénoncez le Bianco dans cette affaire, pourquoi ?
LJP : « Tout simplement parce que le Bianco se trompe de compétence. A ma connaissance et d’après les textes en vigueur, le Bianco n’a pas à connaître les infractions liées aux délits forestiers. La poursuite de ces infractions relève de la compétence de la juriduction du droit commun. Comme son nom l’indique, le Bianco est compétent en matière d’infraction liées à la corruption. C’est un Bureau Indépendant Anti-Corruption. Si le Bianco fait son travail, il doit mener des investigations suite aux requêtes formulées par des citoyens malgaches qui dénoncent des actes de corruption dans la nomination de certains membres de l’actuel gouvernement. Jusqu’ici, personne n’a osé démentir officiellement les informations y afférentes relayées dans la presse. En parlant toujours du Bianco, qu’est-ce qu’il a fait devant les trafics d’or et de tortues interceptés à l’aéroport d’Ivato ? Bekasy est-il le cerveau de tous ces trafics pour mériter le harcèlement dont il fait l’objet depuis un certain temps ? »
Midi : Vous faites aussi allusion à une ambassade étrangère, pouvez-vous être plus explicite ?
LJP : « Il y a un ambassadeur d’un grand pays installé à Madagascar dont l’acharnement contre Bekasy me sidère. Ce diplomate ne rate aucune occasion pour donner de l’ordre à la Justice malgache de jeter en prison un citoyen malgache de plein droit. La Justice malgache censée indépendante ne connaît-elle pas ce qu’elle doit faire ? Et dans un grand pays comme les Etats-Unis, un diplomate malgache peut-il donner de l’ordre à la justice américaine d’emprisonner un citoyen américain ? Mais, il n’y a pas que l’affaire Bekasy. Une ambassade d’un autre puissant pays s’est permise de semer les troubles en annonçant que le virus Zika est présent à Madagascar. Alors que c’est complètement faux. C’est pour dire que certains diplomates étrangers s’ingèrent trop dans les affaires internes de Madagascar. Cette atteinte à la souveraineté de l’Etat n’est plus acceptable. »
Midi : Quelles dispositions prenez-vous donc en tant qu’élu du peuple devant cette ingérence excessive de diplomates étrangers dans les affaires internes du pays ?
LJP : « Les députés sont des représentants qualifiés du peuple. A ce titre, ils ont le devoir de défendre la souveraineté de leur pays. D’abord, je m’adresse au président de la République et lui demande de surveiller de près le comportement de certains diplomates qui sortent du cadre de leurs fonctions. Ensuite, je me tourne vers mes collègues députés. Nous devons être solidaires contre tout acte portant atteinte à la souveraineté de notre pays. Madagascar a ses dirigeants que le peuple a élus. Ils savent ce qu’ils doivent faire. Les députés doivent également soutenir le président de la République face à l’ingérence étrangère. »
Midi : Votre mot de la fin ?
LJP : « C’est peut-être parce que nous sommes pauvres que les pays étrangers se permettent de s’ingérer dans nos affaires internes. Mais, je dis que si nous sommes pauvres, c’est parce que nous gérons mal nos ressources naturelles. Le préambule de la Constitution de la Quatrième République, en son alinéa 10, recommande la gestion rationnelle et équitable des ressources naturelles pour le besoin du développement de l’être humain. Nous avons de bois de rose comme les autres pays ont du pétrole. Pourquoi ne pas les exploiter rationnellement pour le bien de Madagascar, au lieu de quémander ailleurs ? Je me souviens encore qu’en mai 2010, Andry Rajoelina a déclaré lors de sa visite à Brickaville que les recettes de vente de bois de rose avaient permis de faire tourner le pays pendant deux ans sans l’aide des bailleurs de fonds étrangers. »
Midi : Etes-vous donc d’accord avec la récente déclaration de la nouvelle ministre de l’Environnement sur la nécessité d’exploiter des ressources en bois de rose pour le bien du pays ?
LJP : « Oui, bien sûr. La déclaration et la bonne volonté de la nouvelle ministre Johanita Ndahimananjara méritent d’être soutenues. J’en profite pour dire que le taux de dégradation des stocks de bois de rose légalement recensés atteint déjà 35%. Dans six mois, si aucune mesure n’est prise, ces stocks ne sont plus vendables et ce sera une grande perte pour notre pays qui a plus que jamais besoin d’argent pour booster sa relance économique. »
Propos recueillis par R. Eugène