
Qui doit aller en premier en prison : les journalistes pour des délits de presse ou les députés impliqués dans des affaires de fraudes fiscales, d’escroquerie, de vol de bœufs… ?
80 députés qui reprochent particulièrement aux journalistes de torpiller leur demande de 4×4 auprès de l’Exécutif ont adopté au forceps le controversé code de la communication médiatisée. Un code qui tue la liberté de presse et d’expression. Ces élus pro-régime ont accusé les journalistes de tous les maux. Comme ils sont « cleans » ces « Solombavam-bahoaka » dont certains, pour ne pas dire ceux qui ont réglé avant-hier leur compte à l’endroit des professionnels de la presse privée, sont pourtant impliqués dans de sales dossiers qui sont actuellement « classés sans suite » en contrepartie de leur versatilité politique. L’opinion publique n’est pas encore prête à oublier le détournement à l’Assemblée nationale d’une faramineuse somme de 1 700 000 000 Ar. Le Bianco a pris l’affaire en main, mais jusqu’ici, personne n’est « sérieusement » inquiété. Par ailleurs, des noms dont celui d’un député pour qui la TVM et la RNM suffisent pour informer le public sur les réalités dans le pays ont été cités dans l’affaire relative à la mort tragique du capitaine Andriatiana Falihery, commandant de compagnie de la Gendarmerie de Betroka. Cet officier de la Gendarmerie a été tué dans un accrochage avec les « dahalo » à Mangalahily (district de Betroka).
Escroquerie et bois de rose. L’affaire Ankazoabo Sud reste dans la mémoire des observateurs. Accusé de vol de bœufs, un député contre qui toutes les preuves sont réunies pour justifier son arrestation et son emprisonnement, circule librement jusqu’à présent. Une pseudo-commission d’enquête parlementaire composée des députés acquis à sa cause a été mise sur pied. Cette commission a effectué en décembre 2015 une descente à Ankazoabo Sud, mais le résultat de l’enquête a été biaisé à l’avance car pire, certains organes de presse qui ont été préalablement contactés pour couvrir la descente ont été censurés au dernier moment. Une autre affaire continue de capter l’attention de l’opinion, celle relative à une escroquerie compromettant plusieurs milliards d’ariary. L’escroc n’est autre qu’une députée, anciennement responsable d’une société de transit maritime. La députée n’a pas respecté ses engagements après avoir proposé à ses clients d’acheter pour leur compte des marchandises en Chine, de les transporter par voie maritime et de les dédouaner au Port de Toamasina. Et pas plus tard que cette semaine, la photo d’un député à bord des chalands transportant des rondins de bois de rose a circulé dans les réseaux sociaux. D’après nos sources, ce député HVM, qui a été également accusé de fraudes fiscales, est impliqué dans l’affaire de bois de rose intercepté à Singapour.
Impunité et immunité. Jusqu’ici, malgré l’existence des preuves irréfutables, aucun député n’a été jeté en prison, alors qu’ils ont fait avant-hier le forcing lorsqu’ils ont adopté un code qui prévoit de lourdes peines d’emprisonnement pour les délits de presse. Des demandes de levée d’immunité parlementaire ont été formulées auprès du bureau permanent, mais ce dernier, devenu complice des actes répréhensibles perpétrés par les députés concernés, s’y est opposé. Pire, ces élus ne sont pas uniquement couverts par le bureau permanent de l’Assemblée nationale. Ils sont devenus « intouchables » après avoir vendu leur âme à un régime qu’ils ont diabolisé. Car, en fait, les députés impliqués dans ces dossiers louches et sulfureux étaient auparavant dans l’opposition. Pour bénéficier d’une impunité et d’une immunité, ils préfèrent sacrifier la liberté.
R.Eugène