
Le programme économique de Madagascar est validé par le Fonds monétaire international (FMI), le 27 juillet à Washington. Le Conseil d’Administration de cette institution vient de donner son approbation unanime à la demande de la Grande Ile, relative à un soutien financier au titre de la Facilité Elargie de Crédits (FEC) pour les trois années à venir. Interview de Patrick Imam, représentant résident du FMI à Madagascar, présent lors de la réunion du Conseil à Bretton Woods.
Midi Madagasikara (MM). Quel est le verdict du Conseil d’Administration pour Madagascar ?
Patrick Imam (FMI). Les membres du Conseil ont félicité les autorités « Malagasy » pour les efforts qu’elles ont entrepris dans le cadre du « Programme de Référence » ainsi que dans la réalisation des différentes actions préalables qui ont conditionné l’examen par le Conseil de la requête du pays. Cela a permis à ce dernier non seulement de se constituer un portefeuille de résultats solides, mais aussi et surtout de montrer sa ferme détermination à vouloir mettre en œuvre les réformes nécessaires pour le développement du pays. On a vu par exemple que les recettes de l’Etat se sont améliorées, que les dépenses publiques commencent à être plus efficientes avec l’élimination des dépenses non-prioritaires mais budgétivores comme les subventions aux distributeurs pétroliers, que les secteurs de l’infrastructure et sociaux bénéficient de plus de ressources et que la Banque Centrale de Madagascar jouit de plus d’indépendance dans la conduite de sa politique monétaire. Tout ceci, constitue des avancées notables sur lesquelles l’Etat mérite d’être félicité et qui sont surtout à consolider.
Toutefois, face aux nombreux défis auxquels les autorités sont confrontées, le Conseil d’Administration les a encouragées à demeurer rigoureuses et déterminées dans la mise en œuvre des réformes. Le Conseil a notamment insisté sur les réformes destinées à lutter contre la corruption, à mobiliser plus de recettes pour l’Etat ainsi que les réformes visant à restaurer la bonne gouvernance au sein des entreprises publiques.
M.M Pouvez-vous indiquer par quelle performance la partie malgache a-t-elle réalisé ses engagements, notamment en ce qui concerne les mesures préalables pour l’examen du FEC ? Est-ce que le FMI est entièrement satisfait des efforts déployés ?
FMI. Lors de la dernière mission de l’équipe technique du Fonds au pays, trois actions préalables ont été convenues avec les autorités « Malagasy ». Ces dernières les ont toutes réalisées, d’où la tenue de la réunion du Conseil d’Administration du Fonds le 27 juillet dernier. Les trois actions préalables concernent notamment: (i) la soumission au niveau du Parlement du projet de Loi des Finances Rectificative 2016, qui inclut les mesures citées dans le Mémorandum de Politiques Economiques et Financières; (ii) l’augmentation par la JIRAMA des tarifs de l’électricité de 15% en moyenne pondérée ; ainsi que (iii) la soumission au niveau du Parlement des projets de loi établissant les « pôles anti-corruption » d’une part et renforçant la « déclaration de patrimoine » et leur utilisation, d’autre part.
La réalisation de ces mesures préalables, combinée avec la mise en œuvre satisfaisant du « programme de référence » démontre la détermination des autorités « Malagasy » à vouloir mettre en œuvre les réformes nécessaires ainsi que leurs capacités pour ce faire. Ce qui a conforté notre Conseil d’Administration dans sa décision d’accorder au pays sa demande d’appui financier au titre du FEC.
J’en profite d’ailleurs pour répéter ici les éléments de clarification, que nous avions déjà apportés à travers un communiqué de presse récemment, sur les liens éventuels entre l’adoption par notre Conseil d’Administration du programme FEC et la question du Code de la Communication « Malagasy ». En effet, au début de ce mois, nous avions été saisis du fait qu’un lien aurait été suggéré entre l’adoption du nouveau Code de Communication et le programme de Facilité Elargie de Crédit (FEC). Je réitère donc que ce lien n’existe pas et que le Code de la Communication est une question qui n’est pas du ressort de notre institution et va au-delà de notre mandat qui consiste principalement à veiller sur la stabilité macroéconomique et financière de nos pays membres.
M.M L’approbation de ce fonds pour Madagascar induit quoi exactement, en matière de financements extérieurs ?
FMI. Un aspect important de l’aide financière apportée par le Fonds à travers son programme c’est le rôle catalytique que ce dernier peut jouer dans la mobilisation d’autres sources de financement en provenance des partenaires techniques et financiers traditionnels. Lorsqu’un pays dispose d’un programme, cela implique qu’il met en œuvre certaines réformes qui garantissent à la fois sa stabilité macroéconomique, mais renforcent également sa capacité de maintenir son endettement à un niveau stable tout en rassurant sur sa capacité de rembourser ses éventuels créanciers. Ceci contribuerait à conforter les bailleurs dans leurs intentions de prêter de l’argent au pays. Par conséquent, une des implications directes du FEC pour Madagascar est l’afflux des financements extérieurs sous différentes formes. Ces financements extérieurs pourraient prendre la forme de dons comme ils pourraient également prendre les formes de prêts. A leur tour, ces derniers pourraient être soit de l’aide budgétaire pure, soit de l’argent destiné à financer des projets bien précis.
D’ailleurs, avec l’approbation du FEC, plusieurs bailleurs avaient déjà indiqué leur souhait d’apporter leur soutien technique et financier à Madagascar. Pour ne citer que la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement ainsi que de nombreux autres partenaires. Cette liste pourrait encore s’allonger vu que les autorités prévoient d’organiser une table ronde des bailleurs de fonds et des investisseurs plus tard cette année. Par ailleurs, certains projets importants sur le plan économique pourraient finalement se concrétiser pour ne citer que le projet d’extension du Port de Toamasina, qui est sous financement japonais et qui est en souffrance depuis plusieurs années. De même que d’autres projets qui se trouvent dans le même cas.
Outre les financements extérieurs, sous forme d’Aide Publique au Développement, l’approbation d’un programme avec le FMI peut aussi influer sur les financements d’origine privée sous forme d’Investissement Directs Etrangers (IDE). En effet, grâce au programme de stabilisation macroéconomique en cours, ainsi qu’une gestion soutenable de la dette, les investisseurs seront beaucoup plus enclins à investir leur argent dans le pays.
M.M Y a-t-il des conditionnalités exigées par le FMI dans le cadre du FEC ?
FMI. A mon avis, il ne faut pas parler de conditionnalités exigées par le FMI étant donné que le programme FEC est un programme des autorités « Malagasy » destiné à soutenir le Plan National de Développement (PND) établi par les « Malagasy ». Le Fonds n’est là que pour soutenir les autorités dans ce sens et n’a pas d’exigences par rapport au besoin de développement du pays et de sa population. Ce sont les « Malagasy » eux-mêmes qui sont mieux placés et qui doivent décider de ce qui est bon pour eux et de ce que sera son avenir. Si exigences il y aura, ce sont des exigences plutôt de la population « Malagasy » sur la nécessité, pour ses dirigeants, de réussir le programme de développement qui a été établi. Ainsi, si une quelconque réforme devrait être mise en œuvre, il ne faut pas le prendre comme une exigence du Fonds ni d’aucun autre partenaire technique et financier, mais plutôt comme une exigence de la situation économique et financière où se trouve le pays.
Par exemple, si les autorités ont procédé à l’élimination des subventions à l’endroit des distributeurs pétroliers et par conséquent, à la mise en place d’un mécanisme d’ajustement automatique des prix du carburant à la pompe, il ne faut pas voir cela comme une exigence du FMI, mais plutôt comme l’exigence des réalités socio-économiques mêmes du pays. Dans un pays comme Madagascar où les ressources manquent cruellement aux autorités pour mener à bien le programme de développement du pays, l’approche logique serait de consacrer le peu qu’on a dans des dépenses beaucoup plus prioritaires que sont les dépenses d’infrastructures ou les dépenses d’éducation et de santé, plutôt que de les investir dans des dépenses non prioritaires, telles que les subventions à la pompe, qui en plus de coûter cher ne profitent finalement qu’à une minorité de la population « Malagasy » qui est déjà aisée. Il en est de même des réformes que l’Etat est en train de mettre en place au niveau des entreprises publiques. Il ne faut pas percevoir ces réformes comme des conditionnalités ou des exigences du FMI. Ce sont des exigences mêmes des conditions financières difficiles et déficitaires dans lesquelles se trouvent certaines entreprises d’Etat d’utilité publique comme la JIRAMA.
M.M Quand sera prévu le premier décaissement?
FMI. Conformément aux procédures du FMI, le premier décaissement était intervenu le jour suivant l’approbation par le Conseil d’Administration de la demande de Madagascar pour un montant d’environ 44 millions de dollars (31.4 millions de DTS), donc en principe avant la fin de ce mois de juillet.
Le programme fera par la suite l’objet d’une revue semestrielle systématique par les équipes techniques du Fonds afin d ‘évaluer les performances du pays par rapport aux différents objectifs et réformes structurelles que les deux parties se sont convenues d’atteindre et de réaliser à une échéance précise. Sur la base de ces revues et sous réserve de l’approbation par le Conseil d’Administration des résultats qui en découlent, le Fonds procèdera aux différents décaissements restants. Au total et ce pour toute la durée du programme, sept décaissements ont été envisagés avec le dernier escompté pour juillet 2019 si la mise en œuvre du programme se déroule bien.
M.M A l’issue de la dernière mission, on avait compris que le budget 2016 connaissait encore un gap de financement d’environ 45 millions de dollars ? Finalement, comment ce gap a été financé ?
FMI. C’est effectivement vrai qu’au terme de la dernière mission, un gap de financement d’environ 45 millions de dollars subsistait encore pour la Loi des Finances rectificative 2016. Et, que le financement de ce gap comptait parmi les actions préalables que les autorités « Malagasy » devaient remplir pour que se tienne la réunion de son Conseil d’Administration du Fonds.
A l’heure où nous parlons, ce gap est totalement financé. En effet, plusieurs partenaires techniques et financiers ont répondu favorablement en décidant d’apporter leur contribution. Plusieurs bailleurs de fonds y ont contribué, dont les plus importants sont la Banque Africaine de Développement, qui a pu mobiliser un fonds additionnel d’environ 16 millions de dollars ; de la Banque Mondiale, dont la contribution supplémentaire s’élèverait entre 15 et 20 millions de dollars. Le FMI y a aussi contribué en rétrocédant à l’Etat une partie de l’appui financier apporté au titre du FEC pour un montant de 10 millions de dollars. La France y a aussi répondu avec un appui d’environ 5 millions d’euros.
M.M Au vu de votre réponse, est-ce qu’on pourrait penser que l’Union Européenne et la France ont-elles lâché Madagascar ?
FMI. Pas du tout. L’Union Européenne et la France ont déjà beaucoup soutenu Madagascar depuis la fin de la transition. Malheureusement, cette année, vu peut-être le court délai imparti pour la mobilisation des ressources, mais également les différentes procédures qui sont nécessaires pour le déblocage des fonds, elles n’ont pu pas pu faire plus. Mais nous sommes sûrs que l’année prochaine, elles seront là pour continuer à soutenir le pays.
Recueillis par Antsa R.