
Serait-ce la Haute Cour des Contradictions ? On est en droit – au propre comme au figuré – de se poser la question en comparant certains considérants de la décision relative au code de la communication médiatisée à ceux de la décision concernant la Loi de Finances Rectificative pour 2016.
En l’espace d’un mois, la HCC opère un revirement quitte à se contredire. Elle n’est pas constante dans ses considérants. En effet, dans la décision n°30-HCC/D3 du 12 août 2016 relative à la loi n°2016-029 portant Code de la communication médiatisée, il est considéré d’emblée que « quelle que soit l’intensité des débats qui ont entouré l’élaboration et l’adoption d’un texte de loi, l’office du juge de la Haute Cour Constitutionnelle dans le contrôle de constitutionnalité de la loi tel qu’il est prescrit par la Constitution, et complété par l’ordonnance n°2001-003 du 18 novembre 2001 portant loi organique relative à la Haute Cour Constitutionnelle, est circonscrit de manière précise et restrictive ».
Autojustification. Le juge constitutionnel d’ajouter même que « les dispositions des articles 116-1° et 117 de la Constitution ne confèrent pas à la Cour de céans un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ; qu’il n’appartient pas à la Haute Cour Constitutionnelle, dans l’accomplissement du contrôle de constitutionnalité des lois qui lui sont soumises, de substituer sa propre appréciation à celle du législateur ». Poursuivant son autojustification qui frise le déni de justice, la HCC d’arguer que « dans la mise en œuvre de la compétence d’attribution qui lui est conférée et dans l’accomplissement de cette mission spécifique que lui impose la Constitution, la Cour de céans ne saurait rechercher l’opportunité des objectifs et des finalités que le législateur s’est assigné, dès lors que leur teneur et les modalités retenues par la loi pour les exprimer ne sont pas manifestement inappropriées au regard des exigences de la Constitution, et que dans leur matière, ces objectifs soient conformes aux prescriptions de celle-ci ».
Juge d’opportunité. Or, dans la décision n°19-HCC/D3 du 11 juillet 2016 concernant la loi n°2016-007 du 30 juin 2016 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016, la HCC s’est posée en juge d’opportunité en faisant remarquer que « la loi n°2016-007 du 30 juin 2016 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016 a été déposée au cours du premier semestre de l’année, impliquant le cas de nécessité ou d’urgence ». La HCC de se livrer même à sa propre appréciation en « considérant qu’au cours du premier semestre 2016, le contexte économique et financier a été chancelant, nécessitant une mise à jour de l’équilibre général de la loi de finances pour pouvoir assurer la relance des activités économiques et faire face à la nouvelle restructuration de l’architecture gouvernementale ainsi qu’à la faiblesse des ressources et financements disponibles ».
Office. Donnant l’impression de substituer sa propre appréciation à celle du parlement et du gouvernement, la HCC de faire savoir « que l’adoption de la Loi de Finances Rectificative dans les plus brefs délais, constitue une condition sine qua non de la réalisation du programme du gouvernement appuyé par la Facilité Elargie de Crédit (FEC) lequel conduit au déblocage des financements extérieurs ». Force est de constater que dans le cas d’espèce, les considérants de la décision concernant la LFR outrepassent « l’office du juge de la HCC dans le contrôle de constitutionnalité de la loi qui est circonscrit de manière précise et restrictive » par la Constitution et la loi organique relative à la haute juridiction.
Réserves. En comparant les deux décisions rendues dans un intervalle d’un mois par la HCC, on est aussi en droit – au sens juridique notamment – de se demander quelle est la nuance entre l’article 1er de la décision du 11 juillet 2016 et l’article 2 de la décision du 12 août 2016. Et pour cause, l’article 1er de la première décision est libellé de la manière suivante : « Sous les réserves posées aux considérants 17et 18, les dispositions de la loi n°2016-007 portant Loi de Finances Rectificative pour 2016 sont conformes à la Constitution ». En revanche, l’article 2 de la seconde décision est formulée en ces termes : « Sous les réserves d’interprétation des considérants 29,31,54,61 et 65, toutes les autres dispositions de la loi n°2016-029 portant Code de la communication médiatisée sont déclarées conformes à la Constitution et peuvent être promulguées ». Quelle est la différence entre les deux formulations ? Question pour un champion du revirement qui n’en est d’ailleurs pas à ses premières contradictions pour ne rappeler que sa décision relative à l’article 54 de la Constitution portant nomination du Premier ministre. Ou encore son appréciation du mandat impératif « sous peine de déchéance » prévu par l’article 72 de la loi fondamentale. Les Charles Cadoux et Jean Louis Calvet qui avaient formé le président de la HCC, auraient perdu leur latin.
R. O