Comment un seul homme a-t-il pu mettre le feu sur plusieurs centaines de maisons d’habitation sans avoir été arrêté, se demande le Procureur.
L’affaire Antsakabary prend un nouveau rebondissement. Hier, les hauts responsables de la Justice ont répondu au ministre de la Sécurité Publique, Anandra Norbert qui a déclaré la veille que « contrairement aux informations véhiculées par la presse, les éléments de la Police nationale dépêchés sur place n’ont pas incendié les villages d’Ambinanindrano, de Tavenina, d’Ankisingy et d’Ambalamanga ». Selon ses dires, « c’est un aliéné mental qui a mis le feu sur ces villages ». Au cours de cette rencontre avec la presse, les hauts responsables de la Police nationale ont même menacé de porter plainte contre les organes de presse qui ont accusé les policiers de Mahajanga d’avoir incendié une centaine de maisons. Pourtant, dans son rapport, transmis à notre rédaction par la présidente du Syndicat des Magistrats de Madagascar (SMM), Fanirisoa Ernaivo, le Procureur de Mandritsara dément ces explications. Ce dernier accuse indirectement les éléments de la Force d’Intervention de la Police de Mahajanga, envoyés en intervention à Befandriana Nord, d’avoir incendié des maisons. Il se demande si l’incendie a réellement été commis par un aliéné mental comme l’explique le ministre de la Sécurité publique. « Pourquoi le responsable n’a pas été arrêté ? Comment un seul homme a-t-il pu mettre le feu à plusieurs centaines de maisons d’habitation sans avoir été arrêté et comment se fait-il que ce déséquilibré mental ne soit passé à l’acte que le jour du passage de la Police nationale sur place » ?, se demande le Procureur.
487 maisons. Autant de questions auxquelles il faut trouver des éléments d’éclaircissement. Si l’on se réfère à ce rapport reçu par les responsables de la Justice, 487 maisons d’habitation qui se trouvent dans différents quartiers ont été réduites en cendre. Le Procureur de Mandritsara confirme également l’existence d’une vieille femme aveugle, qui ne pouvait pas prendre la fuite à l’arrivée des policiers et qui a été brûlée vive dans sa maison. Les habitants d’Antsakabary ont également démenti hier les propos du ministre Anandra Norbert. Au cours d’une réunion organisée hier, ils ont réitéré que les policiers ont mis à feu et à sang les villages. Pour dénoncer une « vengeance policière », une pétition a été lancée. D’après les explications des habitants, c’est un quartier mobile que le ministre de la Sécurité publique a traité de déséquilibré mental. Sous la menace d’une arme, celui-ci aurait été contraint par les policiers de mettre le feu sur sa propre maison. Par contre, pour ce qui est des autres maisons, la population d’Antsakabary accuse la Police nationale d’en être responsable.
Tension. En tout cas, cette affaire risque de renforcer la tension entre la Gendarmerie et la Police nationale. Dans un message transmis au Procureur, la Gendarmerie de Mandritsara confirme que « ce sont les policiers qui ont mis le feu sur les habitations des villageois » (ndlr : voir la copie du texto à l’article par ailleurs). « Arrivés à Tavenina vers 15 heures, des éléments de la Force d’Intervention de la Police de Mahajanga ont arrêté une dizaine de personnes dont le Maire et l’Adjoint au Maire d’Antakabary. Une centaine de cases d’habitation, au moins, a été incendiée par la Police nationale jusqu’à cet instant où nous écrivons cette rédaction ». C’est ce qui est écrit dans ce rapport de la Gendarmerie nationale transmis au Procureur de Mandritsara et reçu hier par la présidente du Syndicat des Magistrats de Madagascar, Fanirisoa Ernaivo. Les policiers auraient également arrêté tous les villageois qui ont croisé leur route. Le District de Befandriana Nord étant sous très haute tension suite à cette affaire, les hauts responsables au niveau de la Gendarmerie ont ordonné le renforcement de la défense de la caserne de la Gendarmerie locale.
Acte de barbarie. Dans un communiqué publié hier, les Prêtres d’Antsakabary, Befandriana Nord ont condamné « un acte de barbarie et des violences commises par la Police nationale ». Un appel a été lancé à l’endroit de la Communauté internationale, des partenaires techniques et financiers, ainsi que des associations et organisations œuvrant pour la défense des droits de l’Homme afin de soutenir la population locale, surtout les sinistrés et les élèves qui sont contraints de suspendre leur scolarité. Pour l’heure, mis à part le ministre Anandra Norbert qui a décliné la responsabilité de la Police nationale en accusant un aliéné mental d’être le responsable de l’incendie de 487 maisons d’habitation, aucun dirigeant politique n’est venu au chevet des victimes. Plus d’un pointent du doigt le silence que l’on peut qualifier de « complice », du président Hery Rajaonarimampianina et de la ministre de la Population Onitiana Realy. Bon nombre d’observateurs accusent également le ministre de la Sécurité publique d’infantiliser la population dans ses explications. Quoiqu’il en soit, cette affaire est encore loin de son dénouement. Histoire à suivre.
Davis R