
L’affaire des marmites malgaches interdites sur le marché réunionnais, des questions se posent sur les risques réels d’une éventuelle intoxication au plomb. Le plomb est en effet, l’élément incriminé dans ces produits fabriqués à Madagascar.
Les marmites et ustensiles de cuisine issus des fabriques artisanales malgaches sont interdits sur le marché réunionnais depuis le 20 septembre 2019. La presse réunionnaise parle d’un taux de plomb 3 à 4600 fois plus élevé retrouvé dans ces produits, d’après des études menées par les autorités sur place. Les autorités malgaches, elles, affirment effectuer des investigations relatives à cette présence de plomb dans les produits en aluminium fabriqués à Madagascar. L’affaire interpelle en tout cas l’opinion aussi bien à Madagascar qu’à La Réunion et les commentaires fusent sur les réseaux sociaux.
Mais quels sont alors les risques sur la santé en cas d’intoxication au plomb ? En août 2018, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) a publié une page d’information sur l’intoxication au plomb et les risques sur la santé. Il en ressort que cette substance est particulièrement nocif pour les enfants et les fœtus. Il faut savoir que le plomb, dans la catégorie des métaux non ferreux, est une substance toxique qui peut s’accumuler dans l’organisme, ayant une incidence sur de multiples systèmes organiques. Il n’existe pas de seuil sous lequel, l’exposition au plomb serait sans danger. A mesure que l’exposition au plomb augmente, la diversité et la gravité des symptômes s’accroissent également. Même des concentrations sanguines aussi faibles que 5 µg/dL (considérées un temps comme «sans danger») peuvent affecter l’intelligence de l’enfant et entraîner des problèmes comportementaux et des difficultés d’apprentissage.
Exposition. On s’expose au plomb de multiples façons. La plus fréquente est l’inhalation de particules de plomb issues de la combustion de matériaux qui en contiennent (c’est le cas après l’incendie de la cathédrale Notre Dame de Paris). Font partie des possibilités d’inhalation de poussières de plomb l’extraction de métal par fusion, le recyclage ou le décapage de peintures au plomb, ou encore l’utilisation de l’essence ou du carburant pour l’aviation au plomb. Plus des trois-quarts de la consommation mondiale de plomb s’expliquent par la fabrication des batteries plomb-acide pour véhicules motorisés.
L’autre voie d’exposition est l’ingestion de poussière contaminée, ou d’eau contaminée lorsque celle-ci passe par des canalisations en plomb. Il en est de même pour l’ingestion d’aliments contaminés, lorsqu’ils se trouvent dans des contenants à glaçure plombifère ou soudés avec du plomb. C’est cette éventualité qui concerne les marmites de Madagascar qui, en contact avec la chaleur, dégageraient du plomb vers les aliments. Le plomb est également utilisé dans de nombreux autres produits (pigments, peintures, soudures, vitraux, vaisselle en cristal, munitions, glaçures céramiques, bijoux, jouets, certains produits cosmétiques et médicaments traditionnels).
Effets. Une fois arrivé dans l’organisme, le plomb s’y diffuse pour atteindre divers organes : cerveau, foie, reins, os. Il est stocké dans les dents et les os, où il s’accumule au fil du temps. Pour évaluer l’exposition humaine, on mesure généralement la concentration de plomb dans le sang. Les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables aux effets toxiques du plomb, qui peuvent avoir des conséquences graves et permanentes sur leur santé, en particulier en affectant le développement du cerveau et du système nerveux. Le plomb a également des effets délétères à long terme sur l’adulte, y compris en augmentant le risque d’hypertension artérielle et de lésions rénales. L’exposition de la femme enceinte à des concentrations élevées de plomb peut entraîner des fausses couches.
Les jeunes enfants sont particulièrement vulnérables car ils absorbent 4 à 5 fois plus de plomb par quantité ingérée que les adultes. De plus, leur habitude de mettre souvent la main à la bouche font qu’ils portent à la bouche et avalent des objets qui en contiennent ou en sont revêtus. Ce mode d’exposition est encore plus fréquent chez les enfants présentant un trouble psychologique caractérisé par des envies persistantes et compulsives d’ingérer des substances non nutritives, qui peuvent par exemple ingérer des écailles de peinture grattées sur les murs, les cadres de porte et les meubles. L’exposition à la terre et à la poussière contaminées lors du recyclage de batteries a entraîné des intoxications au plomb massives et des décès chez les jeunes enfants au Sénégal, au Nigéria et dans d’autres pays. On a aussi signalé de fortes teneurs en plomb dans certains types de khôls, ainsi que dans certains médicaments traditionnels employés dans certains pays comme l’Inde, le Mexique et le Vietnam.
Les enfants sous-alimentés sont plus exposés au plomb car l’organisme en absorbe davantage lorsqu’existe un déficit en substances nutritives comme le calcium ou le fer. Les enfants les plus à risque sont les plus jeunes (y compris le fœtus en développement) et les pauvres. Les enfants qui survivent à une forte intoxication aiguë au plomb risquent de souffrir de retards mentaux et de troubles du comportement. A des niveaux d’exposition plus faibles, qui n’entraînent pas de symptômes évidents et qui étaient auparavant considérés sans danger, on sait que le plomb altère de multiples systèmes organiques. En particulier, le développement du cerveau chez l’enfant, entrainant une baisse du QI (quotient intellectuel), une réduction de la faculté de concentration, anémie, hypertension, déficience rénale et effets sur le système immunitaire et l’appareil reproducteur. Les effets neurologiques et comportementaux seraient irréversibles.
Recueillis par Hanitra R.