
Après The teacher is Back et Hell-ville town, le raggaman malgache Basta Lion est actuellement à son troisième opus, sorti à la fin du mois dernier. Derrière ce curieux disque intitulé « Favelas » se cachent quatorze chansons sublimes et délicates, aussi bouleversantes les unes que les autres.
Basta Lion est l’icône incontestable du ragamuffin à Madagascar. Après avoir gravi les échelons, le « Real Don Dada » gagne de plus en plus de terrain dans la Grande Île, dans la région du sud-ouest de l’Océan Indien, notamment à la Réunion et à Mayotte. Malgré sa célébrité, l’artiste n’a pas oublié d’où il vient, des « Favelas ».
Ayant grandi dans un quartier chaud de Majunga, le jeune Lion a été témoin de ce qui se passait dans sa localité. L’odeur de la drogue et de l’alcool ainsi que le bruits des cambriolages ont bercé le jeune adolescent. La vie des « gangsta », il la raconte dans ses couplets. En outre, l’artiste représente la jeunesse désargentée. Cette jeunesse qui n’ose pas s’exprimer. Ces jeunes gens qui ne parlent pas. Néanmoins, ce silence engendre aussi une haine viscérale, que Basta Lion relate dans ses morceaux. En effet, ces jeunes indigents s’engagent dans un « combat » pour imposer leur vision radicale de la société qui les sous-estime. Pour parvenir à leurs fins, ils agissent autrement. Pour se faire entendre, ils violent la loi. Ils deviennent des «bad men», des mauvais garçons et agissent loin de la surveillance des autorités locales qui se montrent inertes et impuissantes face à cette situation. La plupart de ces jeunes sont des orphelins, des ruraux, des migrants venant des autres régions. Sans famille, ils viennent dans les grandes villes. Influencés par la vie citadine, ils sont séduits par l’argent facile. Mais avant tout, il leur faut un toît. Alors, ils construisent des abris de fortune sur les digues ou les sites accidentés. Certains envahissent même le centre ville. Ils forment le groupe de personnes vulnérables appelées les « ghettoman ». Ce vocable est apparu à Madagascar au début des années 2000.

Rapport textuel. Basta Lion mûrit de plus en plus. Ces changements ont profondément modifié sa musique. Figure majeure du reggae hip hop depuis une décennie, Basta Lion produit des morceaux aussi cérébraux que charnels. Sa musique convoque autant la tête que les hanches. Ses compositions aux structures complexes échappent pourtant à toute rigidité pour se révéler délicieusement envoûtantes et totalement hypnotiques. Influencé par l’ancienne génération, le jeune poursuit sa quête de spiritualité, « la musique est une mission, mais pas une compétition ». Cependant, si les paroles des rappeurs consacrent l’inscription du mouvement dans le temps à travers un rapport ambigu au passé, qui permet une réappropriation du territoire, elles sont également le vecteur d’une forme de dévoilement. Par ailleurs, cette forme a une véritable portée heuristique en permettant, à travers les textes, d’appréhender le fond psychologique commun d’une jeunesse dont Basta Lion constitue généralement le héraut. Être le patron dans son périmètre… Dans « Swagg boy », le rapport de l’artiste à l’argent permet de souligner un paradoxe. D’un côté, il rejette la société bourgeoise méprisante ; d’un autre côté, il donne une place aux jeunes riches, les ex-ghettomen. Bref, Basta Lion dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Certains auditeurs critiquent la manière dont il chante, « incompréhensible ». Toutefois, le jeune homme véhicule des messages forts. L’album « Favelas » ne parle pas seulement de l’itinéraire d’un jeune homme mais il encourage aussi les jeunes à ne pas abandonner. Le travail, l’amour, la confiance en soi, c’est en effet le slogan de Real Don Dada.
Iss Heridiny