
Tilahy Ramanamahandry, ou Mabôto Tilahy pour la scène, avait réussi à rassembler des milliers de fans de musique urbaine sous la direction du fameux Shao Boana. Après plus de dix ans loin du paysage musical national, il annonce un retour en musique avec « 39 tours d’Ange Heureux ».
Considéré comme l’un des meilleurs toasters de sa génération, Tilahy s’est petit à petit effacer de la scène. Devenant un des meneurs du mouvement « slam » à Madagascar, créant une association de promotion identitaire et artistique, Tilahy est aussi devenu mari et père. Les responsabilités ont changé de latitude. Il reviendra avec un album fleuve le 13 septembre, et deux autres dates, à l’Is’art Galerie Ampasanimalo. Cet évènement est déjà attendu par les mélomanes, les puristes et les fans de toute la capitale. Interview de l’artiste.
Parlez-nous de cet album « 39 tours d’Ange Heureux » qui s’annonce un peu particulier dans la forme ?
L’album marquera mes trente-neuf ans. Voilà pourquoi le titre est « 39 tours d’Ange Heureux ». Alors, cet album qui sera réparti en trois chapitres de treize titres rassemblera trente-neuf chansons. Il y aura des « featurings », pour ne citer que Mister Bolo, Mashmanjaka, Tsianaragna… Karysampy est la femme dans ce rassemblement. D’ailleurs, nous pensons jouer avec des musiciennes pour les instrumentaux afin d’apporter une forte représentation de la gente féminine. Alors, le premier chapitre sortira le 13 septembre à l’Is’art Galerie, un vendredi. La deuxième partie le 13 décembre et le troisième chapitre le 13 mars. Tous ces jours sont des vendredis treize, voilà aussi qui apporte une certaine particularité à cet album (rires).
Est-ce qu’il n’y a pas un peu une peur de ne pas voir le même succès d’antan sur votre nouvel opus ? Après avoir été une idole des jeunes et des amateurs de musique urbaine dans les années ’90 et 2000, est-ce que le message pourra toujours passer ?
Les fidèles en étant slameurs, créateurs d’association, initiateurs de mouvements culturels… seront toujours au rendez-vous. Cependant, nous voulons ouvrir notre produit à tout le monde sans exception. Mon discours rassemble mes trente-neuf années de vie et ensuite d’expériences dans ces divers secteurs de l’art et de la culture malgache. Il est aussi temps de se dire que le partage reste le meilleur outil. Critiquer ou pointer du doigt est loin d’être rassembleur. Il est temps de passer à un autre discours. Le partage reste le meilleur atout pour faire converger les idées et les postures.
Donc, une écriture loin du Tilahy des débuts, chaud dans les textes, méchant envers les inégalités, prêt à dégainer sur les mauvais côtés de la société ?
Mon objectif est d’offrir un produit ouvert à tous. Si tu critiques quelque chose, cela pourrait freiner une personne à écouter les titres. Alors, si tu lui dis qu’il aura les meilleurs résultats en adoptant un tel comportement, cela pourrait plutôt l’intéresser, voire adopter ton idée. Son comportement de base est source de bénéfice pour lui. Alors si tu as une idée qui pourrait lui rapporter plus, autant ne pas critiquer ce qu’il fait déjà. Quel est l’intérêt ? Il vaut mieux partager tes idées, cela incitera plus à l’écoute qu’au refus ou au déni.
Au niveau de la musicalité, une simple question, est-ce que cela est toujours dans votre style de pure musique urbaine ?
Je préfère que cela reste une surprise. Ce qui est sûr, ce ne sera pas une déception. Pour le premier chapitre, vous trouverez par exemple du ragga, un peu d’électro, du hip hop mais pas de ligne dure… Comme je l’ai dit, avoir la verve dure, tirer sur tout ce qui bouge avec les lyrics, ce n’est pas dans mes objectifs. D’ailleurs, je pense que cela fait plutôt peur, alors que nous voulons atteindre la majorité et penser au partage. Mon nom de scène a toujours été « Mabôto Tilahy », cette fois nous allons un peu laisser de côté l’appellation « Mabôto », et ne retenir que Tilahy. Cela faisait des années que j’ai crié « Burn Babylon », mais rien n’a vraiment changé. Critiquer, invectiver Babylon, c’est déjà une complémentarité inscrite dans ce système.
Recueillis par Maminirina Rado