La mission de Ryuhei Hosoya en tant qu’Ambassadeur du Japon à Madagascar arrive à son terme. Il nous a accordé une interview hier à sa Résidence à Ivandry.
Midi : Votre impression sur Madagascar à la veille de votre départ ?
RH : « J’aime Madagascar. C’est normal et bon pour un diplomate d’aimer le pays dans lequel il est en poste. Mais, quand on est devenu trop amoureux, il est peut-être temps de quitter. Parce qu’un diplomate est censé après tout servir l’intérêt national de son propre pays, dans mon cas le Japon. Dans la mesure où cela correspond aussi à l’intérêt de Madagascar, bon, il n’y a pas de problème. En fait, c’est le cas la plupart du temps. Quand on est trop amoureux, on peut éprouver de temps en temps un sentiment de frustration. »
Midi : Qu’avez-vous retenu de votre mission dans le pays ?
RH : « Par amour pour Madagascar, on a demandé des réformes, des redressements de gestion financière de la JIRAMA, d’Air Mad, etc., et la rupture avec les mauvaises pratiques du passé, surtout la corruption. Il y avait des efforts, la volonté de lutter est là, et pourtant, il laisse fort à désirer. Le pays reste ainsi fragile. C’était une expérience inoubliable d’avoir témoigné et fait partie de deux étapes mouvementées de l’histoire du pays ; la dernière année de la crise 2009-2013, et les deux premières années de la 4e République. Madagascar traversait et continue de passer une période historique de transformation. Ce n’est pas du tout facile. »
Midi : Etes-vous donc pessimiste quant à l’avenir de Madagascar ?
RH : « Apparemment, mon amour pour le pays reste inachevé. Par là, je ne veux pas dire les liens d’amitié personnelle que j’ai pu établir, dont j’ai pu bien profiter. C’était très enrichissant. Je tiens à remercier tous, y compris ceux que je n’aurai pas l’occasion de saluer personnellement avant mon départ, pour leur gentillesse et leur amitié. Mais au niveau global, je quitte le pays en quête pour son avenir. Toutefois, je reste optimiste. En fait, c’est facile d’être pessimiste, avec autant de développements, ou manque des développements, qui nous donnent raison d’être frustrés. C’est plutôt normal de laisser tomber quand l’amour n’est pas tout à fait rendu. Mais, pour moi, il n’y a qu’un seul Madagascar dans ce monde. On ne peut pas y renoncer. Il faut garder espoir et persévérer. Il faut voir les choses à long terme. Il faut voir le verre à même un dixième plein qu’à neuf dixième vide. C’est ma façon de voir la vie. »
Midi : Avez-vous des soucis particuliers sur la gouvernance à Madagascar ?
RH : « Il ne faut pas oublier que pour les entreprises étrangères qui envisagent d’investir en Afrique, cela peut être autre chose. Ils peuvent choisir librement leur destination. Pour eux, Madagascar n’est pas le seul pays du monde. Certaines évolutions récentes suscitent des inquiétudes à cet égard, à savoir l’ACD (Advance Cargo Declaration). J’ai tout mon respect vis-à-vis du droit souverain du pays de prendre des mesures selon la loi, tout en conformité avec les normes internationales, dont surtout celles destinées à renforcer les recettes fiscales. Cependant, je ne peux pas m’empêcher d’exprimer ma préoccupation sur cette mesure récente quant à la façon par laquelle elle a été introduite et mise en œuvre. Il y a un certain manque de transparence là-dessus. Ce que je crains pour le pays est l’impact négatif que cela pourrait entraîner chez les investisseurs internationaux potentiels. »
Midi : Quelle est alors votre proposition ?
« Mon autre souci est la Justice ; son indépendance. Assurément, j’ai eu le grand honneur de faire la connaissance des magistrats éminemment respectables. Au niveau global, on ne peut pas rester indifférent à toutes les inquiétudes exprimées en public ces jours-ci par des personnalités également éminentes. En tout cas, le problème existe déjà au niveau de la perception, des investisseurs internationaux potentiels. Je pense que la clé serait d’introduire un système qui renforce la transparence des procédures judiciaires, et la redevabilité des magistrats, de manière à protéger leur neutralité et indépendance. Mon Gouvernement est prêt à travailler avec le Président de la République, le Gouvernement, la Justice, et les autres partenaires internationaux qui partagent nos préoccupations, afin de trouver une solution concrète et réelle. »
Recueillis par R. Eugène