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vendredi, juillet 18, 2025
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Analalava : Un petit royaume situé au nord-ouest de Madagascar

Chaque communauté à Madagascar a sa particularité historique. La région d’Analalava est connue sous le royaume de Bemihisatra, un groupe ethnique vivant dans cette contrée. Un  royaume  fondé  en 1851 sous le règne du roi Añono connu sous son nom posthume d’Andiamañetriarivo dans la partie nord du Boina. Le royaume est limité au sud par le fleuve Sofia, au nord par la presqu’île d’Ampasindava, Grande Terre. L’équipe de Midi Madagasikara a eu l’occasion d’interviewer Gabin Tsilavinjara, historien de région et descendant de la lignée Maroseranana pour mieux cerner la structure de ce groupe ethnique situé au nord-ouest de Madagascar.   

 

Midi madagasikara. Le royaume  Bemihisatra est-il de la lignée des Sakalava Maroseranana, déclaré comme la vraie souche des Sakalava ? Quelle est l’origine des Sakalava Bemihisatra, sont-ils issus des lignés de Maroseranana ?

La société traditionnelle sakalava se caractérise par son organisation hiérarchique. Chaque classe sociale doit accepter l’autorité de l’Ampanjaka dont le gouvernement est composé du conseil des manantany  qui effectue un rôle de ministre, hommes libres issus de différents firazanana ou clans. Ces autorités sont recrutées en fonction de leurs expériences de vie et de la connaissance des traditions ancestrales. Dans sa résidence, l’Ampanjaka détient les reliques protectrices du pouvoir.

D’une part, la société Sakalava de Bemihisatra s’est formée par le brassage de plusieurs groupes claniques venus des différentes régions, il s’agit des Makoa, des Antalaotra, des Comoriens, des Antakarana et des Tsimihety pro-royaumes qui entretiennent des alliances par les mariages et le fizivàna (relation à plaisanterie).

Midi Madagasikara. La colonisation a-t-elle apporté un changement au sein de ce  groupe ?

Madagascar devient colonie française en 1896. Ce nouveau régime apporte des changements colossaux dans la société sakalava pour ne citer entre autres que la mise en place des ampanjaka aux postes du gouverneur à titre politique ; et les subdivisions du royaume en plusieurs cantons. En outre, des institutions scolaires sont implantées dans les villages pour former les lettrés et les intellectuels autochtones, capables de seconder les administrateurs coloniaux. La région  entre dans une nouvelle « ère de civilisation et de modernité ». Ces situations réduisent la considération du pouvoir royal et provoquent des déséquilibres entre les colonisateurs et les colonisés, fortement ressentis dans la région d’Analalava.

Midi Madagasikara. Vis-à-vis de ce changement est-ce que l’ampanjaka a su maîtriser ses sujets ?

En principe, l’Ampanjaka est le maître suprême de son territoire en étant le représentant vivant de ses ancêtres, détenteur du sacré et le garant de la survivance du royaume, tous les pouvoirs temporels et spirituels lui appartiennent et ceux, surtout hérités de ses ancêtres. Ces pouvoirs se rapportent aux « raha sarotro sady masiñy », les choses sont difficiles et sacrées, symbolisées par les reliques ou mohara. Parmi les mohara célèbres des Sakalava de Bemihisatra figure le « Vy lava tsy roa manjaka» encore conservé à Analalava. Le système de succession s’effectue au départ d’une manière verticale c’est-à-dire de père en fils, parfois elle est tournante autrement dit, d’une famille à l’autre et devient plus tard par la nomination, durant la période coloniale. Traditionnellement, la désignation de l’ampanjaka s’effectue par le culte de possession, soit par le Mpimasy (devin) avec la consultation des conseils du manantany. Dans l’histoire du royaume sakalava d’Analalava, la désignation d’un roi engendre souvent des conflits dynastiques.

Midi Madagasikara. Chez les Bemihisatra, quels sont les critères pour devenir ampanjaka ?

Pour devenir Ampanjaka chez les Zafinimena, il faut remplir des conditions selon lesquelles le futur souverain doit disposer de connaissances des traditions ancestrales, des expériences de vie et surtout avoir un comportement moral irréprochable car il est le modèle de la société. Sur ce point, la priorité au pouvoir n’est pas forcément le privilège de Talanolo (enfant aîné) si les critères ne sont pas réunis, effectivement le postulant risque de provoquer des désordres dans la société. Pour les Sakalava de Bemihisatra, les populations préfèrent un roi plutôt qu’une reine, car l’homme dispose  de plus de force qu’une femme. En plus, les princes satisfont aux caractères guerriers requis durant les batailles pour les conquêtes de nouveaux territoires. Tous les sujets accordent un profond respect à l’égard de l’ampanjaka à qui ils font des gestes d’humilité tels que la formule de salutation, Koezy Boana aa ! Salut mon Seigneur ! Le pouvoir de l’ampanjaka reste illimité. Dans la vie quotidienne chaque individu doit être conscient de son droit et de ses devoirs envers son roi, au point que durant le moment des récoltes, les sujets offrent des mosarafa (cadeaux royales) réservés aux ampanjaka en guise de soumission.

Midi madagasikara. L’économie est la source de la richesse dans un royaume, en regardant la situation géographique d’Analalava, elle est un peu isolée. Alors, quelle sont les activités des sujets ?

Chaque mois, la population pratique le asa tsimirango (corvées royales) autrement dit actes d’allégeance, tel que la riziculture, la construction des adirano (canaux d’irrigation), asa tsimañaja (des gardes de zébus) et la fabrication des embarcations royales. Et quotidiennement, des actes d’allégeance. Il s’agit d’une pratique de la morale, l’une des bases de la tradition sakalava. Chaque année au mois de juillet selon le calendrier lunaire, la population d’Analalava pratique le fanjava mitsaka (cérémonie rituelle) à Mahabo à l’îlot sacré de Nosy Lava. Celle-ci consiste à vénérer les tombeaux de la dynastie royale bemihisatra. En outre, le rituel représente la puissance temporelle et spirituelle de l’autorité du roi et de la noblesse de sa dynastie.

Vous avez parlé des rites et des mœurs, alors si le roi s’éteint, quels sont les rites à effectuer ?

Les Sakalava d’Analalava ont peur des razan’ampanjaka, en effet le roi ne meurt pas, mais il décline (mihilana). En plus la mort de celui-ci n’est pas une fin, ses sujets pensent qu’il continue de les protéger contre les agressions étrangères selon la croyance. D’une part, les funérailles royales durent plus de 30 jours et sont différentes de celles des personnes ordinaires. Après quelques mois, voire des années après sa déclinaison, le roi défunt peut se montrer sous forme de Tromba (esprit du roi défunt) qui communique à travers les Saha (possédés royaux) qui sont majoritairement des femmes. Pour elles, la possession de Tromba est un moyen pour éviter les maux de la vie.

En un mot, tout ce qui touche la souveraineté royale est considéré comme sacré. L’autorité de l’ampanjaka demeure illimitée chez les Sakalava, elle concerne toute la vie de la société. Lors de la prise de décision, le Sakalava consulte d’abord ses conseillers, les manantany et son entourage.

Propos recueillis par Iss Heridiny

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