A l’orée de la nouvelle année 2018, le sociologue souhaite pour le pays et pour le peuple malgache, le meilleur des cadeaux. Interview.
Midi : Pensez-vous que le taxi-brousse de Rajaonarimampianina réussira à sortir le pays de la crise en 2018 ?
André Rasolo : « La sortie de crise de 2013 a produit des fruits pourris : corruption, insécurité, fractures sociales, relâchement des services publics, déficit de l’autorité de l’État, pertes des repères, tensions politiques incessantes, arrivée d’investisseurs aventuriers, spoliation des terres des paysans, croissance des inégalités. Imputer à un seul homme les conséquences de cette crise mal résolue, même s’il tient le volant du taxi-brousse malgache, n’est pas entièrement juste. Si sa responsabilité est certaine, elle n’enlève rien à la responsabilité de son entourage et du système tout entier ».
Midi : A votre avis, quelle serait la bonne sortie de crise ?
A.R : « Renforcer le vouloir-vivre ensemble suppose que la prise de conscience collective soit améliorée, que des passerelles de dialogue soient créées, que les droits des sans défense soient pris en compte et qu’une capacité d’absorption critique soit assumée. Une bonne sortie de crise ne surgit pas du palais d’un nouveau régime, mais d’une démarche animée par le pouvoir où chacun se sent mobilisé, impliqué et responsable. Dans ces conditions seulement, pourra renaître une atmosphère de paix et de fraternité dans un véritable État de droit ».
Midi : Quel est le principal facteur de blocage ?
A.R : « Les pères de l’Indépendance, en Afrique et à Madagascar, se méfiaient de la multiplicité des partis politiques parce qu’elle risquait de diviser leurs jeunes nations qui venaient d’accéder à la souveraineté. Aujourd’hui, c’est un multipartisme ultra fragmenté et désordonné qui constitue l’un des facteurs de blocage pour la sortie de crise de Madagascar. , Ce contexte permet, au milieu de ces partis microscopiques et attrape-tout, l’émergence d’un parti dominant qui monopolise la parole à la radio et à la télévision nationales. Cela ne favorise en rien un climat de prise de responsabilité commune, tant la loi du plus fort et l’exclusion prennent le dessus sur les valeurs de l’union. Cette atmosphère délétère peut donner au pouvoir l’impression de gouverner, mais elle maintient l’État dans un équilibre instable permanent ».
Midi : Quid des lois sur la présidentielle ?
A.R : « Nous pouvons vivre ensemble malgré nos différences. Depuis un certain temps, certains acteurs de la société politique et l’ensemble de la société civile mettent le pouvoir en garde contre toute élaboration unilatérale des lois sur l’élection présidentielle de 2018. Ils se méfient des manœuvres dilatoires du pouvoir puisqu’à un an de l’élection présidentielle, la trajectoire d’une préparation électorale ouverte et transparente reste encore totalement floue ».
Midi : Une nouvelle crise postélectorale est-elle à craindre en 2018 ?
A.R : « Personne n’a intérêt à ce que cette élection débouche sur une nouvelle crise fatale à l’économie, à la cohésion sociale et au fonctionnement d’institutions fortes dans un État stable. Il nous faut éviter d’agir de façon solitaire au détriment d’une démarche consensuelle. C’est le meilleur cadeau qu’avec la société politique et la société civile, le pouvoir puisse offrir au peuple malgache, en cette nouvelle année 2018, pour qu’elle soit celle d’une élection inclusive et juste, dans de bonnes conditions ».
Propos recueillis par R. O