
Antoetra est une commune du district d’Ambositra, Région d’Amoron’i Mania. Outre le fait qu’elle soit éloignée, isolée, et oubliée par les autorités malgaches qui sont souvent centralisées au niveau des capitales régionales, Antoetra n’est autre que le fief, l’origine des Zafimaniry ; actuellement confrontés à plusieurs problèmes.
*Le bois : une vie, un problème
- Essence de leur existence
Les Zafimaniry sont des « Betsileo ». Mais le Maire de la commune d’Antoetra, Rafanomezantsoa Maurice, nous a expliqué – lors d’un entretien avec lui en juin dernier – que les « Zafimaniry ne se revendiquent pas véritablement comme des « Betsileo ». Pourquoi ? Pour la simple raison que «non seulement, ils utilisent le bois pour en fabriquer des meubles, des produits faits à partir de cette matière première ; mais aussi et surtout que le bois, c’est l’essence même de leur vie, de leur existence », rajoute-t-il. En d’autres termes plus simples, le bois – chez les Zafimaniry, a une représentation sacrée rattachée à leur existence, à leur vie.
- Dilemmatique
Néanmoins, il faudrait souligner une contradiction loin d’être anodine. D’une part, le fait est là : le bois fait partie de la culture identitaire des Zafimaniry et qu’ils protègent. Mais d’autre part, ils sont « obligés » – sans le vouloir – de les couper pour justement, fabriquer des meubles, des décorations en bois. Ce qui entraîne, par ricochet, une autre conséquence considérable sur l’environnement. « Le défi c’est de ne couper point les arbres, ainsi que le reboisement nous est quasiment impossible », soutient le Maire.
Mais ce n’est pas tout. La culture sur brûlis est une pratique très courante dans la commune qui engendre une double conséquence environnementale : elle ravage le peu de bois restant, et la fumée chasse les espèces rares vivant dans ces arbres et détruit gravement la couche d’ozone.

De ce fait, cela nécessite une sorte de concertation entre les autorités étatiques, les Zafimaniry et les organisations internationales militant pour la cause environnementale. En outre, des décisions consensuelles pour résoudre ce problème doivent être prises dans les meilleurs délais. D’ailleurs, la commune d’Antoetra ne bénéficie pas véritablement de soutien, de visites officielles des autorités étatiques comme les autres communes. Et pourtant, la commune est un « portail pour le tourisme », pour reprendre toujours les termes du Maire, car elle « contribue à la promotion du tourisme écologique ».


*A la découverte de Sakaivo
Sakaivo est un « Fokontany » dans la commune d’Antoetra, localisé aux environs de 10 kilomètres du bureau de la commune, et n’est pas accessible à tout type de moyens de transports terrestres à deux ou à quatre roues. Quand nous arrivons au bureau de la commune d’Antoetra, il faut faire une marche à pied de 20 kilomètres qui prend généralement trois heures et demi de temps. Cela, après avoir traversé une chaîne de montagnes. Pareillement avec le retour. Au total, il faut préparer sept heures de temps pour une visite à Sakaivo.
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La petite communauté de Sakaivo Le Galeoka
Une fois à Sakaivo, nous trouvons un petit village en bois avec le toit modernisé et des panneaux solaires qui alimentent les appareils électroménagers, tels que les postes-téléviseurs et les radios. Des établissements d’enseignement publics (une école primaire publique, un collège d’enseignement public et un lycée public) sont aussi présents.

Et puis les « Olobe » nous reçoivent dans une petite maison, toujours en bois. Avant d’y entrer, il faut enlever les chaussures, les laisser dehors et serrer un à un la main droite de ces « Olobe ». Ils disent de nousasseoir et que les invités sont tenus de respecter leur culture. Par rapport à ce point, le « Galeoka » – de l’alcool brut fabriqué avec des cannes à sucre – est mis en valeur. Celui qui représente les Olobe honore les « Razana » (les ancêtres) et en jette quelques gouttes sur le « Zoro firarazana ». Ensuite, il en donne aux invités qui ne peuvent point refuser : s’ils en boivent, ils en boivent. S’ils ne sont pas en mesure de boire, ils versent une petite quantité de « Galeoka » dans leur main gauche et la mettent dans les cheveux comme si l’on appliquait un produit capillaire. C’est la coutume.
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Des étudiants qui suivent une formation en leadership, accompagnés de la dame ( au milieu) qui a fait le témoignage Dahalo
Étant donné que Sakaivo est une zone très isolée où il n’y a aucun poste avancé de gendarmerie ou de police, elle est exposée aux actes de banditisme des « Dahalo » qui en profitent pour faire régner leur loi. Cette dame, sur la photo, en témoigne : « les Dahalo ne volent pas uniquement nos bœufs. S’ils n’en trouvent pas, ils prennent les volailles et les cochons et/ou dérobent nos biens comme les ustensiles de cuisine, les télés, les radios ».
Message
Antoetra ou Sakaivo sont des zones malgaches, culturelles, potentielles mais isolées. Loin d’être des cas isolés, les instances dirigeantes, les membres de l’Opposition et ceux qui entendent diriger Madagascar doivent effectuer une immersion auprès de ces communautés. Aussi, claironnent-ils une décentralisation qu’est uniquement un leitmotiv de propagande pour arriver au pouvoir, mais combien d’entre eux pensent réellement aux « galères » des enfants qui n’ont pas les infrastructures scolaires nécessaires pour s’instruire, des personnes nées à Sakaivo qui doivent faire les allers-retours de 40 kilomètres pour seulement avoir un acte de naissance ?
Diverses associations aident la commune d’Antoetra sous différentes formes. Mais la distribution de bois n’est pas un souci de premier rang. Il en est de même pour l’État qui ne fait pas de la distribution, ne serait-ce que les bois de rose qui ne sont plus exportables aux Zafimaniry, une logique.
Quand l’égoïsme et l’égocentrisme prennent le dessus, les dirigeants peuvent se permettre d’ignorer l’existence et les problèmes des Zafimaniry. Peut-être oublient-ils, ces pseudo-dirigeants – qu’il s’agit, avant tout, de dignité humaine et d’équité.
Dossier réalisé par Aina Bovel