vendredi, avril 25, 2025
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Archéologie : Les traces artistiques à l’intérieur des doany Vazimba

Le travail de Rajoelinoro n’apporte pas seulement des informations sur les Antehiroka d’ Analamanga, mais invite aussi la population malgache à sauvegarder les patrimoines laissés par les anciens Antehiroka.

A part les structures sociales bien établies et les aménagements du territoire, les Vazimba avaient leur art. Composées de peintures, de gravures et de sculptures sur les parois rocheuses, des autels, les représentations artistiques des Vazimba sont consacrées avant tout à honorer leurs aïeux. L’histoire ne consiste pas à analyser une période donnée, elle consiste à relier le passé avec le présent. Ainsi, l’historienne-archéologue Docteur Marie Robertine Rajoelinoro, spécialiste en la matière, interviewée par l’équipe de Midi Madagasikara , retrace l’histoire des Vazimba à travers ses œuvres.

 

Midi Madagasikara. Des fresques sont gravées sur les doany Vazimba. Sont –elles récentes ? Elles datent de quand ?

Dr Rajoelinoro. Des peintures et sculptures cultuelles ou sépulcrales sont des traces récentes à l’intérieur des lieux de culte traditionnel mais leur survivance actuelle vient du transfert du savoir de génération en génération. Elles font partie du quotidien des Malgaches puisqu’on les voit partout sur la Grande île, toujours localisées dans les sites sacrés. Par exemple, lors de nos investigations dans le Sud-Ouest de Madagascar (Makay), par simple observation, nous avons découvert une centaine de peintures rupestres associées aux tessons de poterie à 50cm de profondeur. Ainsi, comme les tessons s’appauvrissent en motifs et décors, ce sont des céramiques récentes de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle, céramiques apportées par des migrants Sakalava ou d’autres migrants ayant échappé à l’armée merina et puis à l’administration coloniale. Toutefois, on a hérité ce savoir-faire des ancêtres lointains.

Les représentations à l’intérieur des doany sont alors un exemple parmi tant d’autres de l’unité culturelle malgache.

 

Midi Madagasikara. Le temps et les saisons se succèdent, pourtant les couleurs sont toujours visibles. Quelles sont les matières utilisées par nos ancêtres ?

Dr Rajoelinoro. Les sites à peintures des Antehiroka sont tous préservés à l’intérieur des lieux de culte, et c’est pour la pérennité des dessins qu’ils ont été effectués sur les rochers. Au début, les peintures sont des œuvres réalisées à partir de substances colorantes, d’origine végétale, marine et tellurique. Le blanc et le rouge y dominent. Au début, le Blanc était obtenu à l’aide du calcaire altéré, de la chaux (sokay) et du kaolin (tany ravo) tandis qu’on a formé le rouge à l’aide des plantes d’arongana, des benja, des bananiers et même d’écorces de sisal ainsi que de la terre rouge latéritique. Peu importe la nature et l’évolution des lieux de culte, des éléments naturels du paysage comme la grotte, les arbres et les sources d’eau vers un objet ou un lieu aménagé par l’homme comme les mégalithes, les tombeaux, les anciennes résidences princières, la petite case en bois ou en dur et les sanctuaires, les significations des couleurs restent permanentes et transmises de génération en génération.

 

Midi Madagasikara. Ces couleurs ont –elles des significations ? Il y a-t-il des motifs dominants à travers ces œuvres ?

Dr Rajoelinoro. Le blanc est le signe de la propreté, de la clarté, de la lumière, de la joie, de la santé et bien d’autres encore. Le rouge est une couleur royale, celle du prince régnant, celle de l’ombrelle de la reine et couleur préférée des idoles dans l’Imerina ; signe de la victoire, de la santé et du sang. Le blanc (fotsy, à Madagascar) est la couleur du peuple ou des sujets royaux. En effet, le blanc et le rouge symbolisent le peuple (les sujets royaux) et le pouvoir.

Les motifs dominants se caractérisent par la croix, le drapeau malgache du temps de la monarchie et de l’indépendance, d’un cercle, d’un rectangle, d’une étoile, d’une demi-lune et d’un bucrane de zébu. Le domaine auquel renvoie le dessin est focalisé sur différents thèmes :

géométrique : cercle et rectangle (drapeaux) ; cosmogonique : étoile, demi-lune ; zoomorphe ou animalier : bucrane de zébu. Le thème anthropomorphe est absent sur la peinture.

 

Midi Madagasikara. Que représentent la peinture et ses formes géométriques dans la croyance malgache ? 

Dr Rajoelinoro. Les peintures représentent la première forme de l’écriture pour extérioriser la pensée et l’idée. Comme dans bon nombre de pays, ces formes primitives de l’écriture malgache sont dotées d’un caractère divin puisqu’elles révèlent un Anakandriana, enfant de Dieu, esprit habitant les grottes, maître du sikidy. Et c’est afin de mémoriser ces messages spirituels que l’écriture est bien gardée dans les rochers, effectués par la personne possédée lors d’un culte.

Les figures géométriques correspondent aux signes astrologiques et au calendrier traditionnel malgache (alimanaka). Elles sont utilisées par l’astrologue pour connaître les destinés d’un individu, les jours fastes et néfastes, les destins qui peuvent aller ensemble ou qui s’opposent, le jour favorable pour débuter un travail ou un évènement important… Des lignes de destins se rencontrent au milieu d’un carré ou d’un triangle, c’est là où les destins se croisent. Le thème cosmogonique avec la demi-lune et une étoile est également relatif à l’astrologie. La figure zoomorphe illustre le zébu, une offrande par excellence destinée à Dieu créateur et aux ancêtres, symbole de la richesse. Les doany vazimba-antehiroka sont alors liés à l’astrologie et à la guérison. Cette dernière se matérialise par des rochers cupulaires utilisés dans la préparation des ody ou remèdes contre la maladie.

 

Midi Madagasikara. Vous mentionnez souvent dans vos propos que ces œuvres sont transmises de génération en génération. D’où vient leur inspiration?

Dr Rajoelinoro. « L’Imerina n’est pas une région isolée à l’époque vazimba. Elle faisait partie de l’économie-monde musulman et elle a connu à l’époque une influence culturelle arabe ». Le nom de Ramasinanjomà, prince vazimba (Honorable saint du vendredi) est inspiré de cette culture arabe. Ici, la semaine de sept jours était en usage et le vendredi était réservé à la prière et à la sanctification. Ces influences arabes s’accompagnent de la pratique de l’astrologie, de l’art divinatoire, de la diffusion de l’interdit au porc et à l’ail ainsi que des peintures en demi-lune et en étoile à l’intérieur des doany. En somme, ces œuvres représentent les héritages du passé et l’unité historique et culturelle des îles du Sud-ouest de l’Océan Indien. Ce sont des îles apparentées à l’ère austronésienne ou à une famille de langue parlée en Asie du Sud-Est, limitée au Nord par le Taïwan, au Sud par la Nouvelle Zélande, à l’Est par l’île de Pâques et à l’Ouest par Madagascar. La diffusion et l’évolution de ces couleurs s’effectuaient par le biais du commerce maritime. Ces couleurs ont été apportées par les Austronésiens vers Madagascar et puis, ramenées par les esclaves malgaches à l’île de Bourbon et à l’île Maurice vers le XVIIème siècle.

Propos recueillis par Iss Herdiny

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