
Arikom’s Randria, derrière ce nom se trouve l’un des auteurs les plus prolifiques du théâtre radiophonique à Madagascar. Ces pièces ont ému, scotché, conquis tout le pays; l’entretien avec cette figure incontournable paysage audiovisuel s’est imposé.
Midi Madagasikara : Le théâtre radiophonique a réussi son adaptation aux nouvelles technologies, une cure de rajeunissement en quelques sortes. Comment expliquez-vous cela ?
Arikom’s Randria : Les Malgaches aiment beaucoup écouter le théâtre radiophonique, et cela sans catégorie d’âge. On peut dire que ces émissions sont indémodables à la radio. Actuellement, il y a un regain d’intérêt chez les gens, alors, les nouvelles technologies n’ont fait que renforcer cet engouement. Pour le bonheur des auditeurs et auditrices, au grand dam des auteurs parce que la rétribution financière est particulièrement minime. Dès lors, des groupes d’individus qui n’ont travaillé ni à la création ni à la production des pièces en tirent des bénéfices.
M.M : Du moins, le théâtre radiophonique a un rôle majeur dans la valorisation de la langue malgache…
A.R : En majorité, les auteurs respectent la langue malgache. Mais il y a ceux qui la dégrade en utilisant et en promouvant les erreurs langagières au sein de la société. Ce n’est pas forcément de la faute de l’auteur, parfois c’est celle des comédiens qui font exprès d’ignorer le script. Nous Malgaches, c’est malheureux, nous sommes exigeants quand quelqu’un fait des erreurs dans une langue étrangère. C’est pourtant le contraire quand quelqu’un fait des erreurs en malgache. Certains vont même jusqu’à se vanter de ne pas parler le malgache. Les pièces radiophoniques sont des outils pour corriger ces erreurs quotidiennes dans l’utilisation de notre langue, un outil d’éducation, de loisir, avec sa facilité à passer un message.
M.M : La plupart du temps, le schéma des pièces est que le « riche » est le méchant et le « pauvre » le vertueux, la femme destinée à s’occuper de la maison et de la famille. Ça en deviendrait presque « cliché », pourquoi cette posture stagnante ?
A.R : Les Malgaches sont émotifs, ils prennent toujours le partie des victimes d’injustice et de malheurs. Et ce scénario est à l’image de notre société actuelle, où l’argent et le pouvoir dominent, où même dans les tribunaux il n’y pas de justice pour les pauvres car celui qui corrompt s’en sort même si sa faute et sa culpabilité sont indéniables. Alors, c’est dans les pièces radiophoniques que l’on peut écouter ce qui se passe dans la société. En fait, être bon ou méchant n’est pas défini par la catégorie sociale, en général. Cependant, ce sont les riches et les puissants qui font souffrir les indigents. Pour faire simple, les auteurs et autrices mettent en lumière ce qui se vit au quotidien, ce n’est pas une volonté de pointer untel ou un autre.
M.M : Vous les auteurs, n’avez-vous jamais pensé à produire des pièces mettant en histoire les grands hommes malgaches, le roi Toera, le professeur Ratsimamanga, le colonel Ratsimandrava, Rabezavana et tant d’autres ? Est-ce qu’il y a des freins ?
A.R : C’est faisable et nous devons vraiment le faire. Mais voici les freins : le temps, l’argent et la maîtrise de l’Histoire. Il faudra du temps pour faire des recherches et des descentes sur terrain puisqu’il s’agit d’une histoire vraie et non de fiction, surtout si c’est l’histoire nationale. À côté de cela, le prix d’une pièce ne pourra jamais couvrir les dépenses. Une station radio achète une pièce radiophonique à 30 000 ariary, une seule station je crois ose payer 80 000 ariary. Ainsi, les auteurs et autrices ne sont pas motivés. S’il y a des entités prêtes à appuyer le projet, nous sommes preneurs.
M.M : Donc, que pensez-vous de l’avenir du métier ?
A.R : Il y a encore beaucoup de marges de manœuvre, le nombre de stations qui diffusent des pièces ne cessent d’augmenter. Le nombre d’auditeurs explose en ce moment, que ce soit dans les centres urbains ou en milieu rural. Je pense que l’avenir est radieux. Par contre, les stations radios minimisent le travail des auteurs et autrices. Comble du comble, certaines stations demandent de leur fournir des pièces gratuitement. Raison pour laquelle j’ai arrêté d’écrire des pièces, sans oublier les personnes sans scrupules qui vendent nos œuvres sur les réseaux sociaux, chez des « vendeurs de rue », sous le regard indifférent des responsables. Si j’écris, c’est en collaboration avec un projet, ou il y a un contrat spécifique, ou pour raviver une ancienne pièce. Je lance un appel aux stations et aux auteurs de réfléchir sur l’avenir de ce secteur, afin d’arrêter les abus. Le théâtre radiophonique augmente l’auditoire d’une station, même si on ne peut pas les repasser comme des chansons donc peu de « royalties » en droits d’auteur. Créer une histoire n’est pas un simple exercice. Il faut trois jours à une semaine pour écrire l’histoire, un jour pour l’enregistrement et un jour pour le montage.
Recueillis par Maminirina Rado