La surpêche d’holothuries est dangereuse pour l’environnement marin, selon le biologiste photographe Rakotondrazafy Andry Malalan’Ny Aina. Interview.
Midi Madagasikara (MM). Pourquoi interdit-on l’utilisation de bouteille de plongée pour la pêche de concombre de mer?
Rakotondrazafy Andry Malalan’Ny Aina (NY). L’utilisation de bouteille de plongée pour la pêche de concombre de mer est prohibée par la loi. La raison est simple : Une personne en apnée est limitée par le temps pour chasser, ce qui fait qu’elle doit remonter en surface pour respirer. Ce cycle d’interruption diminue l’effort de capture, interrompt aussi le fil d’observation et pourrait laisser passer des individus inaperçu. Par contre, un effort continu, avec une bouteille de plongée, n’aura pas le même effet car la capture correspond à une fouille minutieuse du fond marin et ne laisse passer aucun animal. Pour un pêcheur, c’est le moyen idéal pour tout rafler sur son passage.
MM : Pourquoi protéger les holothuries de la disparition ? Quel est le rôle de cette espèce dans l’écosystème?
Ny : Les holothuries sont des espèces détritivores. Ils nettoient le fond marin des particules et détritus organiques. Leur rôle dans l’écosystème s’apparente aux décomposeurs, détritivores et ils transforment et recyclent ces particules organiques en matières minérales pour les besoins des plantes. Les œufs, les larves et les juvéniles des concombres de mer sont aussi une source de nourriture non négligeable pour plusieurs espèces, notamment les poissons, mollusques, et crustacés. Des associations/relations plus étroites avec certaines espèces ne sont pas exclues et il y a des espèces menacées de disparition dans le cas d’une surexploitation d’holothurie. Enfin, en retournant, filtrant et recyclant le substrat du fond marin, les holothuries jouent un rôle qui n’est pas le moindre, l’oxygénation.
MM : Dans notre investigation, nous avons découvert que 40 tonnes de concombres de mer ont été illégalement pêchées à Sainte-Marie. Quelles seraient les conséquences d’une telle surexploitation?
Ny : Dans le cas présent, nous ne pouvons pas encore identifier des conséquences précises. On parle de 40 tonnes mais est-ce qu’il s’agit de concombres de mer séchés ou à l’état brut ? Nous n’avons pas de données précises sur la capacité de production exacte et/ou approximative de la zone de pêche de Sainte-Marie. Nous n’avons pas non plus d’indicateurs pouvant affirmer ou confirmer l’état de l’exploitation dans la zone tels que le taux de prise journalière, la taille des individus capturés, l’effort de capture… Néanmoins, le chiffre révélé est assez troublant par rapport à la durée et la zone de pêche. De toute manière, les conséquences ne sont pas visibles du jour au lendemain. Elles seront palpables progressivement sur une durée moyenne, disons dans les 2 à 3 ans à venir. L’appauvrissement en oxygène serait la plus conséquente au niveau de l’écosystème. Il engendrerait sans équivoque l’appauvrissement de l’écosystème d’où la diminution de la biomasse à tous les niveaux.
MM : Quelles sont les conditions nécessaires pour restaurer cette richesse et en combien de temps cela pourra se faire?
NY: A ce début du processus d’exploitation, le mieux est d’abord de restaurer une activité de pêche légale. C’est la condition primaire pour assurer une base d’exploitation rationnelle. Ensuite, des études scientifiques pour établir une base de données sur le suivi de la population sauvage d’holothuries dans la zone, ainsi qu’un suivi de la production issue de la pêche. Cette étape est nécessaire pour avoir au moins les données sur les tendances concernant la population et les produits de la pêche. Mettre en place aussi une base de données sur les pêcheurs, plongeurs et collecteurs ayant eu l’autorisation provenant du district et actifs dans la zone de Sainte-Marie. Au niveau du site, élaborer une méthode adéquate pour l’exploitation rationnelle de stock, ceci afin de permettre la régénération de la population après une période de chasse. Cette méthode est par exemple utilisée dans le cas de la chasse et collecte de poulpe dans la région sud-ouest de Madagascar. Il y a aussi la promotion de l’Holothuriculture, une manière encore beaucoup plus rationnelle d’augmenter la production sans mettre de pression sur la population sauvage. Bien que les concombres de mer ne soient pas inscrits dans les annexes de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d’extinction), l’établissement de quota d’exportation et l’inscription des espèces dans l’annexe III de ladite convention pourraient être d’une grande aide. Ces conditions citées ne sont pas exhaustives. En ce qui concerne le temps que cela pourra prendre, ceci dépend de la volonté politique et la volonté des décideurs. Nous pouvons décider en quelques heures d’émettre une note interdisant l’exploitation mais la mise en œuvre dépendra de la disposition que prendra chaque acteur, allant d’un ministre aux pêcheurs.